Modding
Le modding vient du mot modification et désigne l’action de modifier les paramètres d’un programme dans un ordinateur ou dans un jeu vidéo. Il s’agit d’une pratique bien implantée au sein de la culture des jeux vidéo, si bien que certains jeux s'assurent d’être facilement modifiables par ses joueurs. Le modding permet une nouvelle dimension d’entraide et de partage entre les joueurs qui travaillent ensemble à modifier des codes. Les moddeurs de jeux vidéo commerciaux sont, pour la plupart, des amateurs. Ils se servent du cadre d’un jeu pour créer, à partir de celui-ci, quelque chose de nouveau. Les modifications peuvent être plus minimales, comme changer l’apparence d’un personnage, ou alors plus intenses, comme ajouter des niveaux ou des branches narratives à l’histoire existante. Dans tous les cas, il n’y a pas de guide explicatif sur comment s’y prendre; il faut « jouer » avec le code du jeu pour comprendre comment le modifier1).
La page d'accueil du mod Smurfenstein.
Le premier mod de jeu vidéo recensé est Smurfenstein, apparu en 1983. Les soldats nazis de Wolfenstein sont transformés en schtroumpfs. Les développeurs du jeu prirent connaissance du phénomène. 10 ans plus tard, ils facilitent la création des mods pour leur nouveau jeu : Doom. Ce dernier deviendra un incontournable dans l’univers du mod et un classique parmi les jeux vidéo. Ce succès commercial entraînera à son tour la compagnie derrière le jeu, id Software, à développer davantage d’outils intuitifs pour la modification et création de mods et de niveaux. Ce fut le premier grand développeur à le faire, dès même 1994. Comme dans un cercle vertueux, les mods deviennent à leur tour plus populaires, ambitieux et novateurs : une relation symbiotique entre développeur et moddeurs nait.
Plus tard, dès 2002, cette relation se cimente avec l’arrivée de Steam : cette plateforme à but lucratif offre sur le même espace de commerce jeu et mods, ces derniers étant souvent gratuits. Les mods et les jeux partagent ainsi le même espace, ce qui facilite la visibilité des mods et l’intérêt à long terme d’une communauté pour un jeu. Parmi les meilleurs exemples se trouve Skyrim, jeu paru en 2011, avec 25 000 mods, sur la plateforme Steam seulement. Minecraft, paru une semaine plus tard, en compte maintenant plus de 100 000 au total : ces mods aident à conserver l’intérêt pour ces deux jeux qui souffleront bientôt leurs 13es bougies.
Le mod en tant que piratage
Le mod est en définition l’acte de modifier la structure d’un jeu vidéo, comme définit plus tôt. Pirater, c’est principalement commettre des délits informatiques, ce qui vient rejoindre un impact secondaire du modding. Toutefois, les mods sont souvent tolérés dans les jeux vidéo de type sandbox. C’est le cas des jeux de Bethesda (Skyrim) et de Mojang (Minecraft) entre autres, qui encouragent les joueurs à créer, télécharger et utiliser les mods : la mise en ligne du Creation Club est un bon exemple de l’ouverture des sociétés de jeux vidéo sur les modifications amateures. De plus, les mods permettent un renouvellement du jeu, ce que le hacking compromet. Par exemple, s’avantager en améliorant drastiquement ses propres armes dans un serveur multijoueur est un exemple de hacking que les sociétés de jeux vidéo tentent d’éradiquer.
Le mod en tant que modification créative
Le mod est en soi un moyen d’expression. Les développeurs du jeu n’ont pas toujours cette liberté ; il peut être difficile d’oser le changement sur des jeux connus lorsqu’on a un budget entre les mains. Donc, les moddeurs apportent avec eux plusieurs outils, dont ces deux-ci :
1. Leur expérience de joueur. Elle leur permet entre autres de trouver les failles du jeu ou de rendre les jeux à leur goût.
2. Leur passion bénévole pour le jeu. Ils ne sont pas payés, donc ils ne risquent pas de perdre leur gagne-pain au profit d’un soupçon d’innovation. Ceci, c’est bien sûr excepté le risque de poursuite, car en effet, les mods sont encore en principe illégaux.
Bref, les moddeurs ont de nets avantages sur les développeurs par leur liberté créatrice.
Le mod en tant que collaboration
Il y a autant une collaboration entre joueurs et moddeurs qu’entre moddeurs et développeurs. Les mods sont en majorité gratuits et accessibles à tous par les consoles et les ordinateurs. C’est un moyen simple de régler des bugs de jeu, changer l’esthétisme, ajouter des fils narratifs ou des quêtes secondaires…. bref, les joueurs gagnent beaucoup à utiliser les outils donnés par la communauté de moddeurs. Certains moddeurs qui aspirent à devenir développeurs utilisent leurs projet personnels pour prouver leurs talents. Toutefois, vu que ces modifications sont illégales, ils vivent aussi avec le risque de se faire copier leurs idées et leurs codes par les développeurs eux-mêmes, qui constatent la popularité de certaines modifications pour créer des réparations, des extensions ou bien des DLC.
Comment les mods se répandent-ils?
Il est important de mentionner que le modding prend son origine dans les débuts des jeux vidéo. Avant que les consoles possèdent un disque ou une cassette, certains jeux devaient être programmés par le joueur. Colossal Cave Adventure, un jeu de texte créé en 1978 a publié son code de programmation. D'autres programmeurs ont décidé de créer des versions modifiées de l'original. Il ne s'agit pas d'une modification, car elles sont des jeux entiers indépendants. Par contre, cette prise en main du consommateur à débuté avec une étrange collaboration entre les consommateurs et les producteurs de jeux vidéo. À cette époque, uniquement les programmeurs pouvaient faire les modifications. Ensuite, est venue la popularisation. “Morrowind Chronicles”, un site non officiel du jeu Elder scroll 3 Morrowind, a été créé en 2001. Ce site est devenu un pilier gigantesque de la communauté. Plus tard, le site a été renommé “nexus mods”. Aujourd'hui ce site célèbre ses 10 milliards de téléchargements. Nexus Mods utilise le web pour diffuser des modifications par millions pour tout jeu populaire. Une avancée dans les mods sont les programmes qui font les modifications automatiquement. Le premier était Nexus Mod Manager et le présent s'appelle Vortex. En quelques clics, Vortex peut détecter les copies des jeux sur un ordinateur et trouver les dossiers cibles. La connaissance nécessaire pour effectuer les modifications a chuté dramatiquement depuis, augmentant l'accessibilité et éventuellement la popularité des mods. C'est ainsi que la culture de la modification du jeu vidéo s'est propagée pour atteindre des milliards de téléchargements d'aujourd'hui.
La zone grise du mod
Les jeux vidéo font partie du copyright du United States Code, plus spécifiquement les articles littéraires au sujet 102. Il n'est pas mentionné précisément, mais la programmation fait partie des articles littéraires. Une modification de celle-ci enfreint le copyright et propage une version qui n'est pas autorisée par le créateur d'origine. Pour qu'une telle modification devienne légale, il faut changer la protection des droits d'auteur, le contrat des utilisateurs et possiblement donner une licence pour permettre les modifications. La volonté de faire ces changements dépend de la culture du développeur. Les développeurs américains en profitent après avoir décidé de lâcher prise sur la protection de leurs programmes, alors que les entreprises japonaises comme Nintendo ont une réputation de défendre leurs droits férocement. Puisqu’il s’agit d’un nouveau phénomène, les législations n’ont pas eu le temps des règles en place. La principale différence entre les États-Unis et le Japon est le “fair use” situé au sujet 107 de l'article 17 sur le copyright du United States Code. Une modification peut être considérée intermédiaire et pas trop différente dans la version finale pour violer les droits d'auteur. Étant une portion minuscule d'un grand ensemble, sans profit et une distribution de la modification uniquement sans motif commercial, les mods des jeux vidéo se retrouvent légaux. Le code des États-Unis laisse beaucoup d'interprétation, chaque cas dépend alors sur des valeurs des membres du système judiciaire. Les poursuites en justice de pays étrangers n'ont pas porté fruit, notamment avec un cas de Nintendo qui n'a pas réussi à prouver qu'un mod avait un effet économique.
Notions corollaires
- Cocréation
- Code
- Hacking
- Programme
Références
Articles:
DAFRAN (vrai nom inconnu), «Le modding : D'où vient-il, où va-t-il ?», jeuxvideo.com, 2019, [en ligne], https://www.jeuxvideo.com/dossier/477705/modding-a-la-pelle-4-interview-du-createur-de-counter-strike-remake-de-doom-et-l-histoire-du-modding/477707.htm
DYER, Andy, «PC Game Mods : From Smurfs to Counter-Strike and Beyond!», dans Nvidia, featured stories, https://www.nvidia.com/en-us/geforce/news/history-of-pc-game-mods/, [en ligne], mars 2016.
JAMES AU, Wagner, «Triumph of the mod», dans Salon, https://www.salon.com/2002/04/16/modding/, [en ligne], avril 2002.
LEE, C. A.,«Video game modding in the US intellectual property law: Controversial issues and gaps», Digital LJ, Vol3, p8, https://www.digitallawjournal.org/jour/article/view/119, 2022, [en ligne],
RAVENELLE, Christopher, « Les fans qui modifient leurs jeux vidéo : Études des communautés de moddings dans les intervalles des séries vidéoludiques de Bethesda », dans Sens Public, essai, 2021, p. 1- 43, [en ligne], https://www-erudit-org.acces.bibl.ulaval.ca/fr/revues/sp/2021-sp07034/1089618ar/.
ROUSE, Margaret Rouse, « What is Modification (Mod) ? », dans Techopedia, TechDictonary, https://www.techopedia.com/definition/3841/modification-mod, [en ligne], février 2017.
SOTAMAA, Olli, « When the Game Is Not Enough: Motivations and Practices Among Computer Game Modding Culture », dans Games and Culture, vol. V, no 3, (juillet 2010), p. 239-255.
Articles de journaux:
Auteur inconnu, «Mod Interview: TES Nexus' DarkOne», The unofficial elder scrolls pages, https://en.uesp.net/wiki/Morrowind_Mod:Mod_Interview:_TES_Nexus%27_DarkOne, (l'entrevue d'origine et l'archive sont effacés)
Auteur inconnu, «Choosing Vortex», nexus mods wiki, https://wiki.nexusmods.com/index.php/Choosing_Vortex
United States Copyright office, «U.S. Copyright Office - Copyright Law: Chapter 1», copyright.gov, December 2022
Chapitre d'ouvrage collectif:
UNGER, Alexander, « Modding as Part of Game Culture », dans Johannes FROMME, Alexander UNGER [dir.], Computer Games and New Media Cultures :A Handbook of Digital Games Studies, Dordrecht, Springer, 2012, p. 513-523.