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livrenum:critique_de_the_temple_of_no

The Temple of No

William Pugh

2015

Site web

Langue(s) : anglais

Résumé : The Temple of No est une fiction hypertextuelle écrite par William Pugh et illustrée par Dominik Johann. L’œuvre, conçue par l’outil de création Twine, prend la forme d’une aventure satirique et comique basée sur un site web. Le lecteur entame l’histoire en choisissant son protagoniste entre trois cas de figure : une femme, un homme et une grenouille. Sa décision prise, il suivra le périple de son personnage, partant dans la « jungle of doubt » à la recherche d’un mystérieux temple où se situe « the map that sees all things that ever have been or will be ».

Critique : {{:livrenum:myavatar_1_002_.png?direct&100| Écrire contre soi-même

The Temple of No est une fiction hypertextuelle cocasse, caractérisée par son ton humoristique, qui, si on ne se fie qu’à cela, pourrait très bien ne pas être prise au sérieux. Or, l’œuvre de William Pugh est selon moi excellente dans son genre, précisément parce qu’elle brise toutes nos appréhensions par rapport à ce qu’est ou ce que devrait être une fiction hypertextuelle.

La première de ces attentes, est l’attente d’une certaine liberté, d’un minimum de laxisme quant à nos choix. Il faut non seulement avoir plusieurs décisions à prendre en cliquant sur différents liens hypertextes, mais aussi avoir le sentiment que ces choix affectent l’histoire. En d’autres termes, l’œuvre doit fournir au lecteur une certaine liberté afin que ce dernier choisisse de prendre part au jeu. Depuis l’émergence des fictions hypertextuelles, plusieurs créateurs ont utilisé le logiciel Twine pour mener à bien leur projet. Essentiellement, Twine est un outil pour créer des histoires en forme d’arborescence, où le lecteur a la possibilité d’emprunter différentes « lignes narratrices » ce qui rend l’expérience unique à chaque lecture. En théorie, cela semble bien, mais en pratique c’est une autre histoire (sans jeu de mots simpliste). En effet, plusieurs des œuvres qui en sont ressorties demeurent inabouties tant du point de vue de leur (trop faible) complexité narrative que de leur (trop simpliste) étoffe plastique, ce qui en fin de compte affecte négativement l’expérience générale de lecture. Cette critique, bien que ce soit moi qui la prodigue ici, constitue la colonne vertébrale de la fiction The Temple of No, elle-même issue du logiciel Twine. C’est dans un style cinglant et ironique que l’œuvre ne cesse de discourir contre sa forme même.

En effet, l’œuvre de William Pugh porte incessamment des commentaires et des allusions satiriques à propos des fictions produites par Twine. Dès le début de l’histoire, on nous informe que l’œuvre est faite avec Twine. L'appui sur l'hypertexte « Twine » fait apparaître le segment suivant : « Well, nobody's perfect ». Cette première occurrence d’une critique adressée à l’endroit du logiciel de création donne le ton au récit. The Temple of No est une œuvre consciente de sa forme et des conventions du genre. Elle ne soutient pas donner une liberté au lecteur et n’a pas la prétention d’offrir des choix véritables au lecteur. Il n’y a effectivement aucun moyen de dévier de la ligne narratrice principale du récit. Lorsque l’œuvre semble donner un choix, elle se ravise immédiatement. À un moment, le lecteur est confronté à trois portes fermées et doit choisir laquelle traverser. Peu importe sa décision, aucune de ces portes ne constitue le bon chemin à prendre, il n’y a donc pas la moindre possibilité de dévier de la ligne narrative directrice. The Temple of No dénonce ainsi le caractère illusoire des choix présents dans les œuvres créées par Twine. Pour se s’écarter de ces dernières, elle n’hésite pas à aller à l’encontre de leur propension à s’autoproclamer une forme d’écriture valable et sérieuse. En guise d’exemples, de nombreuses digressions comme le fait d’ordonner au lecteur de chanter une chanson, et la présence de segments sur les chaussures GEOX ou sur la danse de la grenouille ponctuent le récit. Ce faisant, l’œuvre tourne au ridicule les textes générés par Twine et donc se tourne elle-même au ridicule. Cet aspect majeur de la fiction hypertextuelle a néanmoins des conséquences sur l’élaboration de l’intrigue.

En effet, bien que l’œuvre soit singulière dans son développement, elle aurait pu bénéficier d’un peu plus de subtilité et de modération dans ses envolées ironiques et digressives. La conséquence qui survient alors est que l’on perd tout intérêt pour l’aventure de notre personnage. Cette dernière est peu développée, tourne en rond, ultimement trop au service du commentaire ironique sur les produits de Twine. Ce dosage déficient entre les deux est pour moi ce qui empêche The Temple of No de passer d’une œuvre excellente à une œuvre incontournable. Il faut toutefois saluer sa singularité, façonnée par une prise de risques courageuse et déclamatoire.

Verdict : The Temple of No est une fiction hypertextuelle appelant à être découverte, si ce n’est que grâce à son caractère novateur, produit d’un discours ironique et critique sur et contre sa forme même.

Note : 8

(critique rédigée par Charles-Antoine Fugère)

livrenum/critique_de_the_temple_of_no.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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