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===== Axe poétique : les formes narratives actuelles, par le biais d’approches centrées sur les pratiques discursives, | ===== Axe poétique : les formes narratives actuelles, par le biais d’approches centrées sur les pratiques discursives, | ||
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+ | Lorsque les ouvrages critiques publiés à partir de la fin des années 1990 prennent la peine de situer le contemporain à l’aube des années 1980, ils conçoivent la période comme un tout homogène et unifié – non pas en termes de pratiques (au contraire), mais en termes temporels. Les années 1990 et les années 2000 ne sont donc généralement pas traitées à part des années 1980, de sorte qu’on aura de la difficulté à relever ce que les années 1990 amènent de « nouveau », à moins d’aller lire les œuvres elles-mêmes ou, peut-être, de parcourir avec attention la réception critique de ces œuvres (dans Voix et images, notamment). | ||
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+ | Bref, à moins d’une mention d’un trait poétique rattaché explicitement à la décennie 1990 – trait poétique reconnu par plus d’un, par souci de pertinence –, je n’ai pas retenu les caractéristiques qui dominent généralement la période contemporaine. Aussi, puisque peu sinon aucun ne se prononçait ouvertement sur la décennie 1990, la plupart des points soulevés ici doivent être considérés moins comme des faits que comme des intuitions. | ||
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+ | * Si les années 1980 ont vu la naissance de nouvelles tendances – thématiques, | ||
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+ | [Note à propos de la « réconciliation des polarités » : Sans doute peut-on aussi parler, en d’autres mots, de mélange diffus, de porosité, de disparition de frontières nettes… expressions que l’on retrouve fréquemment dans le discours critique. Parler de « réconciliation » a l’avantage, | ||
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+ | 1- Gilles Dupuis (2006) situe l’apparition des écritures migrantes dans les années 1980, en rappelant que cet avènement a conduit à une division nette avec les partisans nationalistes. Dans la décennie suivante, il remarque cependant une « nouvelle tendance qui semblait vouloir surmonter la division survenue entre les deux courants, national et migrant, de la littérature québécoise contemporaine. Au moment même où certains écrivains migrants aspiraient à entrer dans le canon littéraire, | ||
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+ | 2- Noël Audet envisage une réconciliation du savant et du populaire : | ||
+ | « Je dirais en conclusion qu’on ne peut guère douter de la fragmentation du corpus littéraire québécois contemporain [des années 1980] en ces diverses ‘‘écoles’’ d’écriture. Pour ma part je demeure toujours perplexe devant les deux derniers courants de notre littérature [qu’il a identifiés auparavant], | ||
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+ | On peut se demander si les années 1990-2000 ne parviennent pas justement à réconcilier ces deux tendances (les années 1990 y travailleraient avec quelques succès, les années 2000 en récolteraient plus largement le fruit ?). Je pense, entre autres, à l’œuvre de Dickner et à celle de Soucy : certains y liront simplement une histoire, d’autres y trouveront de multiples réseaux de sens, sans que l’une ou l’autre des lectures ne soit pour autant réductrice ou déficitaire. | ||
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+ | Stéphan Gibeault semble confirmer cette intuition : | ||
+ | « À l’éclosion remarquable de l’art romanesque au cours du XXe siècle a fait suite une guerre de tranchées entre le roman intellectuel et esthétique et le roman populaire ou de masse. Le roman d’aujourd’hui, | ||
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+ | Cela dit, le roman dont il est question ici n’est pas exclusivement québécois, | ||
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+ | [Note : Je reviendrai plus loin sur cette intégration de la littérature québécoise à la littérature universelle.] | ||
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+ | 3- Rapprochement entre la critique et la création. | ||
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+ | [Note : Caractéristique qui relèverait également de l’axe théorique. On verra d’ailleurs que certains traits poétiques associés au roman se retrouveront également du côté de la pratique de la critique. Il resterait à savoir si le mouvement est simultané et parallèle ou si c’est le roman qui a influencé la posture critique…] | ||
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+ | La question de la postmodernité a suscité le grand débat de la décennie 1990. La critique plus profondément postmoderne a assimilé certaines caractéristiques présentes dans les œuvres qu’elle étudie – ce que Robert Dion et Frances Fortier ont nommé ailleurs « l’esthétisation de la parole » [Études françaises, | ||
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+ | Or, ainsi que je l’avais souligné dans l’article paru dans Enjeux du contemporain, | ||
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+ | [Note : On voit ainsi que cette présence critique n’apparaît pas dans la décennie 1990 mais, ainsi que je le précisais, je postule que ce qui pouvait s’opposer dans les années 1980 tend à la réconciliation dans la décennie suivante, c’est-à-dire qu’on assisterait à une intégration, | ||
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+ | * À lire plusieurs ouvrages critiques, on relève que la littérature contemporaine tend de plus en plus vers l’universalité. On le voit notamment avec Lamontagne (2004), dont les analyses s’arrêtent en 1993. Après, il constate que l’intertextualité québécoise est moins présente dans la littérature d’ici (et, par ailleurs, que l’intertextualité en général est moins élaborée). | ||
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+ | « Les quelques œuvres précitées [Lise Tremblay, L’hiver de force, 1990 ; Pierre Gobeil, La mort de Marlon Brando, 1989 ; Mari-Sissi Labrèche, La brèche, 2002 ; Rober Racine, Le mal de Vienne, 1992] ne présentent pas la même continuité, | ||
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+ | Jean-François Chassay abonde dans le même sens, en renvoyant aux romans Le mal de Vienne (Racine, 1992), Avant d’oublier (Lise Lacasse, 1992) et Guanahani (Louis Lefebvre, 1992) : | ||
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+ | « Si de nombreux textes de fiction récents posent sur le Québec un regard qui vient d’ailleurs, | ||
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+ | [Note : Reste à savoir si les années 1980 sont incluses dans ces « dernières années »…] | ||
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+ | Les traits poétiques qui suivent sont d’ordre plus ponctuel. Il est difficile de déterminer s’ils s’imposent surtout dans les années 1990, mais le discours critique semble le laisser croire en tirant leurs conclusions d’œuvres de cette décennie. J’ai donc préféré en considérer quelques-uns, | ||
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+ | * Pierre Hébert observe une évolution dans le récit de soi, qui s’est posé de diverses manières dans le roman québécois depuis ses origines. Dans Deux semaines en septembre (André Girard, 1991), La danse éternelle (Roger Fournier, 1991) et La jeune femme et la pornographie (Roger Des Roches, 1991) – et, plus généralement, | ||
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+ | François Ouellet (1993) relève également le thème central de l’identité (et son corollaire, l’altérité [Note : Rejoint, au moins en partie, l’idée d’universalité énoncée précédemment et celle d’écriture transmigrante…]) chez la génération d’écrivains nés autour de 1960 et qui publient leur premier roman autour de 1990. Ce thème, traité de façon personnelle (problèmes amoureux, amicaux, familiaux), est exacerbé par le discours social sur fond de crise institutionnelle et de débat linguistique. La jeune génération écrit ainsi très majoritairement un roman du ‘moi’, à la fois selon son mode d’énonciation (je) et en fonction d’une sorte d’autodéification de l’individu. Les hommes s’attardent surtout au rapport au père et à l’autorité (Louis Hamelin, Emmanuel Aquin, Mistral, Chassay), tandis que les femmes s’occupent plutôt d’enfance, | ||
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+ | * Le rapport au temps semble également déterminant. Martine-Emmanuelle Lapointe avance que le fantasme de la sortie du temps hanterait le roman contemporain, | ||
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+ | ==== Sources : ==== | ||
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+ | Viviane Asselin (2009), « Fuites. Prosopopée de la recherche sur le roman québécois contemporain », dans René Audet [dir.], Enjeux du contemporain. Études sur la littérature actuelle, Québec, Nota bene (Contemporanéités : 1), p. 21-47. | ||
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+ | Noël Audet (1994), « Tendances actuelles du roman québécois », Lettres et cultures de langue française, n° 20, p. 36-48. | ||
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+ | Jean-François Chassay (1993), « Voir ailleurs si j’y suis », Voix et images, XVIII, n° 2 (53 – hiver), p. 394-400. | ||
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+ | Robert Dion (1997), La fiction critique, Québec, Nota bene. | ||
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+ | Robert Dion (2002), « La critique littéraire », dans Denise Lemieux [dir.], Traité de la culture, Québec, Presses de l’Université Laval / éditions de l’IQRC, p. 403-421. | ||
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+ | Robert Dion (2004), « Aspects non narratifs du roman québécois des décennies 1980 et 1990 (Bessette, Robin, Martel, Micone, Monette) », dans René Audet et Andrée Mercier [dir.], La narrativité contemporaine au Québec. La littérature et ses enjeux narratifs, Québec, PUL, p. 137-171. | ||
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+ | Gilles Dupuis (2006), « Les écritures transmigrantes : l’impact des écritures migrantes sur la littérature québécoise contemporaine », dans Michel Venne et Myriam Fahmy [dir.], L’annuaire du Québec 2007. Le Québec, en panne ou en marche ?, Saint-Laurent, | ||
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+ | Stéphan Gibeault (2005), « L’art du roman aujourd’hui », Spirale, n° 201 (mars-avril), | ||
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+ | Pierre Hébert (1992), « Qu’est-ce qu’une femme en noir, un projet de film et des portraits pornographiques ont en commun ? », Voix et images, XVII, n° 2 (50 – hiver), p. 324-332. | ||
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+ | André Lamontagne (2004), Le roman québécois contemporain. Les voix sous les mots, Montréal, Fides (Nouvelles études québécoises). | ||
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+ | Martine-Emmanuelle Lapointe (2009), « Disparaître », Voix et images, XXXIV, n° 3 (102 – printemps – été), p. 124-128. | ||
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+ | François Ouellet (1993), « Romans de l’identité. La nouvelle génération », Nuit blanche, 53 (septembre-novembre), | ||
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+ | Nicolas Xanthos, « Fiction du contemporain : d’une structure énigmatique et de sa pensée du temps » dans Marie-Christine Weidmann Koop [dir.], Le Québec à l'aube du nouveau millénaire : entre tradition et modernité, Québec, PUL, 2008, p. 325-334. | ||
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+ | ===== Axe théorique : l’effet des nouvelles pratiques sur la théorie du récit ou encore les problématiques théoriques associées aux pratiques narratives actuelles. ===== | ||
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+ | * Il semble que ce qui marque essentiellement les années 1990 dans le domaine critique, c’est l’héritage de Pierre Nepveu et de l’Écologie du réel et qui se traduit notamment par une posture plus universelle [Note : Accompagnant, | ||
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+ | * Je ne saurais prétendre qu’il s’agit là d’une conséquence directe, mais on notera qu’à la même époque où le genre romanesque domine massivement, | ||
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+ | * Dans un article sur la critique littéraire, | ||
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+ | - Il remarque que la sociocritique connaît d’importants développements, | ||
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+ | - Au fil des années, la critique perd de son prestige devant l’essor de la recherche. Pourtant, la position dominante de celle-ci est mise en péril dès le début des années 1990, « alors que les difficultés économiques que connaissent le Québec et le Canada entraînent une réduction du soutien financier aux grandes équipes. Le ‘retour du sujet’ et la réintroduction du contexte social […] ajoutent un bémol à l’euphorie positiviste, | ||
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+ | - Il apparaît que la critique des années 1990 se distingue par une liberté de pratique, dont l’esthétisation de la parole est un exemple. « Sceptique et syncrétique, | ||
+ | [Note, à propos de la phrase « En conséquence la période ne présente pas de profil critique bien distinct » : Un constat qui s’applique aussi à la production littéraire contemporaine, | ||
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+ | - Enfin, Dion postule que l’originalité de la décennie 1990 (bien qu’il s’agisse d’un mouvement amorcé dans les années 1980) résiderait dans l’ « apparition de nouveaux objets d’étude, objets au sein desquels la spécificité du littéraire […] paraît parfois se dissoudre » (414-415). Parmi ces objets d’étude qui débordent du littéraire, | ||
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+ | * Signe d’une posture plus universelle par rapport à la littérature québécoise, | ||
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+ | * Richard Dubois (1997) s’en prend aux étiquettes inventées par d’autres pour catégoriser certaines pratiques contemporaines, | ||
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+ | On peut ainsi se demander si cette hétérogénéité jugée irréductible par plusieurs dans la littérature québécoise contemporaine n’est pas la « faute » d’une critique qui refuse ou qui craint de tracer des ensembles cohérents – en cela représentatif de ce rejet des récits totalisants qui, semble-t-il, | ||
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+ | * Pour les problématiques théoriques associées aux pratiques narratives actuelles, il faudrait consulter la bibliographie des ouvrages dépouillés qui figure sur le wiki. Je ne la reproduis pas ici : d’une part par manque de temps ; d’autre part par crainte de n’en tirer du reste aucune conclusion solide, Dion ayant postulé qu’aucune posture critique ne semblait dominer la critique des années 1990. Puisque c’est le seul point qu’il me reste à explorer davantage pour la demande de subvention, je pourrais le faire d’ici la fin de l’été si on le souhaite. | ||
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+ | ==== Sources : ==== | ||
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+ | René Audet et Thierry Bissonnette (2004), « Le recueil littéraire, | ||
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+ | Sylvie Bérard, « Des romans gigognes en expansion vers leur point de fuite : une narrativité québécoise au féminin », dans René Audet et Andrée Mercier [dir.], La narrativité contemporaine au Québec. La littérature et ses enjeux narratifs, Québec, PUL, p. 45-84. | ||
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+ | Robert Dion (2002), « La critique littéraire », dans Denise Lemieux [dir.], Traité de la culture, Québec, Presses de l’Université Laval / éditions de l’IQRC, p. 403-421. | ||
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+ | Richard Dubois (1997), « Témoins ou prophètes ? Les jeunes romanciers québécois », Québec français, 105 (printemps), | ||
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+ | Janet Paterson (1990 [1993]), Moments postmodernes dans le roman québécois, | ||
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