Bien qu’on puisse également le considérer comme passif, ce personnage se pose à l’opposé du type Penseur inactif. Sa passivité se construit dans un spectre tout autre que ce dernier. Effectivement, il est extrêmement actif : il pose des gestes, se déplace, interagit avec d’autres protagonistes, tente certains projets pour réaliser ces objectifs, etc. Sa « passivité » se situe plutôt dans une intentionnalité problématique, voire inexistante dans certains cas. Ce personnage se laisse guider par ses pulsions spontanées, par d’autres gens ou encore par des instances qui prennent les décisions pour lui. Ce personnage plonge souvent tête première dans des projets qui paraissent insensés au lecteur et souvent incompatible avec ses compétences et ses objectifs.
Des exemples notables :
Paradis clé en main – Nelly Arcan ;
Antoinette devient paraplégique à la suite d’un échec lamentable de la compagnie en laquelle cette dernière avait fondé ses espoirs suicidaires. Le fait de remettre son suicide dans les mains d’une organisation (Paradis clef en main) est la seule piste qui laisse présager une activité incohérente.
Document 1 – François Blais ;
Incapables d’entreprendre quoi que ce soit, Tess et Jude semblent saboter délibérément le seul projet qu’ils aient élaboré, c’est à dire un voyage à Bird-in-Hand. Ils désirent faire des Jack Kerouac d’eux-mêmes. Sans cesse, il brulent leur argent, font n’importe quoi, et ont des motivations plutôt futiles. Ils sont très impulsifs dans les gestes qu’ils posent, ce qui fait en sorte qu’ils ne réussiront jamais à atteindre leur but. Étant tout à fait conscients de leur incapacité à aboutir à quelque chose, ils se résignent : « Jude et moi on veut aller à Bird-in-Hand – sans aucune raison valable, mais on y tient – et, comme je disais, on est pauvres : je fais des sous-marins et lui ne fait rien du tout. On s'est creusé la tête pour essayer de trouver un moyen de faire apparaitre quinze mille dollars, mais on est trop lâches pour économiser, on est trop pleutres pour dévaliser une banque et on est trop cons pour monter une arnaque, ça fait qu'on a décidé de se tourner vers l'État… » (p. 75)
Sparadrap – Marie-Chantale Gariépy ;
Fugue Malrot, née en secret dans un hôpital, survit à sa mère, décédée en accouchant. La petite est alors placée dans un orphelinat. Elle passe d'une famille d'accueil à l'autre, ne s'attache à rien ni à personne. En fait, le décès de sa mère a fait germer en Fugue un désir obsédant de mort : dès son enfance, Fugue tente de s'enlever la vie, mais est sauvée in extremis à chaque fois. Ces échecs répétés du personnage marquent l’incohérence actionnelle et un détachement de la vie et du sens. Elle ne s’imagine pas fonctionner de façon appropriée dans le monde.
Ormuz – Jean Rolin ;
Wax, passionné d’histoire navale et d’ornithologie, a décidé de traverser à la nage le détroit d’Ormuz. Il a chargé le narrateur de raconter cette épopée et de faire « l’inventaire de toutes les choses, des plus infimes aux plus majestueuses, susceptibles d’être décrites, chacune dans sa catégorie, comme la plus proche du détroit d’Ormuz » (p.140). Il est constamment distrait, ne peut se concentrer sur une activité très longtemps. Il se complait dans le ludisme et le jeu, étant constamment distrait de ses buts par des élément banals. Même son grand projet, celui de traverser le détroit d’Ormuz, relève du rêve, du fantasme irréalisable : « Depuis son échouage sur le rocher d’al-Makhruq, il n’a pas repris son entraînement, si tant est qu’il l’ait jamais commencé. » (p.208)
Les révolvers sont des choses qui arrivent – Véronique Marcotte ;
Arrielle est internée après avoir tué sa mère. Cela relève d’une déconnexion interprétative. Elle pense ainsi avoir accomplie la volonté de sa génitrice. L’impulsivité est en cause dans les agissements inexplicables d’Arrielle, comme le meurtre de sa mère, par exemple. De plus, elle n’a plus rien à faire et n’a plus de but depuis son internement.
Le sermon des poissons – Patrice Lessard ;
La couple mis en scène vit une séparation transatlantique, non désirée par Antoine, bien qu’il en soit la cause. Il est laissé seul à Lisbonne, alors que sa compagne est rentrée à Montréal. L’incohérence d’Antoine réside dans ses déplacements inexplicables, comme le déménagement au Portugal. Il agit constamment de façon complètement intuitive, au rythme de ses émotions, se laissant porter par ses envies et impressions. Sa « fuite » n’a aucune explication rationnelle.
Pour une dernière fois, je m'abaisserai dans tes recoins – Patrick Drolet ;
Un homme est habité d’une phobie de sa propre mémoire qui n’est pas justifiée par un quelconque évènement. Il vit dans un perpétuel délire inexplicable, suivi d’un comportement impulsif qui le pousse à enfermer un vicaire dans un confessionnal, Le personnage n’est pas en contrôle des ses actions et son imprévisibilité n’est jamais expliquée au lecteur. Son comportement impulsif et violent reste un complet mystère. Le personnage décrit une espèce de force extérieure qui le pousserait à poser ces gestes irrationnels : « Il y a quelques nuits… Ma nausée me dirigeait… ou ma mémoire… Il y avait quelqu'un qui me dictait mes actions… Je me souviens des gestes, mais pas de la personne qui les déclenchaient… » (p. 66), « j'avais un acouphène qui dictait mes pas […]. Je ne sentais plus mes jambes, je n'avais aucun contrôle sur celles-ci. » (p. 95).
Et au pire on se mariera – Sophie Bienvenu ;
Aïcha, 13 ans, a été la proie d’un traumatisme sexuel avec son beau-père. Elle vit avec sa mère qu’elle déteste. Le personnage raconte des agissements étranges en ne réalisant pas leur incohérence, essayant même de se convaincre de la normalité de ceux-ci. Par exemple, elle tombe amoureuse d’un homme beaucoup plus âgé qu’elle (Baz) et tente de le séduire par des actions irrationnelles pour son âge. Elle ment continuellement, que ce soit aux autres personnage ou au lecteur.
Anima motrix – Arno Betina ;
Il s'agit de l'histoire d'un homme ayant dans la fin quarantaine, marié et père d'un garçon, qui est en fuite depuis environ trois mois. Il roule en voiture de luxe en Italie sans trop savoir où il compte aller, avec un Pakistanais retenu contre son gré dans sa valise d'auto, sans savoir s'il s'agit réellement d'un homme à sa recherche. Le narrateur affirme qu'on le pourchasse, car on l'accuse d'être lié au terrorisme. Il mentionne à quelques reprises qu'il est un ancien ministre macédonien, mais il dément cette affirmation à autant de reprises, s'inventant plusieurs autres passés. Au début du roman, il reçoit des appels de sa femme, Arté, qui est de plus en plus distante. Un jour, il reçoit un message vidéo de sa femme dans lequel il aperçoit ce qui ressemble à deux personnes faisant l'amour. Comme les visages ne sont pas visibles et que le narrateur n'a jamais vu sa femme nue (cette dernière préférant faire l'amour dans le noir complet), il ne peut savoir avec certitude qu'il s'agit d'Arté. Cette vidéo l'obsède et le blesse. Il continue donc son parcours, mais sans volonté, et coupe la communication avec sa femme. Il sait que ses poursuivants savent où il se trouve. Perdu, il découvre une demeure où il rencontre une femme et son homme à tout faire, un Chinois. Après être resté quelques jours, il fuit encore, accompagné par le Chinois et le Pakistanais, toujours retenu prisonnier dans la valise. Ensemble, ils roulent jusqu'à ce que la voiture rende l'âme. Le narrateur échange sa voiture dans un garage contre deux motos, laissant derrière le Pakistanais. Le Chinois et le narrateur se rendent dans une maison perdue dans la nature. Là-bas, les deux personnages vivent plutôt bien, mais le narrateur se blesse et la fatigue et la fièvre le font délirer. Il finit par partir et se mêle aux sans-abris d'une ville italienne. Il y fait la connaissance de Xénia, une prostituée avec qui il se lie d'amitié et qui lui fait oublier sa femme. Avec elle et une duchesse qu'il connaissait déjà, il voyage jusqu'à Bari. Il accompagne un jeune homme qui doit s'y rendre pour travailler. Une fois rendu, il fait plusieurs autres connaissances : des hommes errant, ayant quitté leur pays et ayant vu la mort, vivant maintenant sans ambition. Il passe quelques jours aux côtés d'un homme inconnu, avec qui il n'échange presque rien, vivant dans une cabane près de la mer. Le roman se termine par quatre fins différentes, ne révélant jamais qu'elle est la véritable raison de la fuite de l'homme, ne fournissant pas plus d'information sur l'adultère potentiel de sa femme et n'indiquant pas ce qui est advenu des autres personnages. La réalité fictive de certains passages reste d'ailleurs très ambigüe. Dans la première fin, il saute d'une falaise et entame la traversée de la mer à la nage. Dans la seconde, il saute à la mer et s'embroche sur un rayon du soleil. Dans la troisième, il saute de la falaise et s'accroche à un avion. Puis, dans la quatrième, il saute et est attrapé par un essaim d'oiseaux qui le dépose dans l'eau Véritable emblème de la poule pas de tête, ce personnage s’enfonce dans des actions complètements farfelues et délirantes, acceptant toujours passivement d’agir contre toute logique. Il ne se demande jamais si tout cela à un sens. Le lecteur qui assiste à toutes ces péripéties décousues ne peut rien y comprendre.
Poids léger – Olivier Adam ;
Antoine n'a aucun véritable projet de vie. En dehors de son ring de boxe, il se montre peu actif. Son travail ne lui plaît pas vraiment. Une seule chose semble lui tenir à coeur : sa petite soeur qu'il aime énormément et qui va se marier avec un homme qu'il connait à peine. Le personnage n'a pas de forte intentionnalité. Il n'a aucun but. Ce qui lui arrive n'est nullement programmé; chaque fois, il agit sur le coup, de façon impulsive et peu raisonnable, poussé par ses affects, comme lorsqu’il quitte la cérémonie du mariage de sa sœur en criant parce qu’il était obligé d’y assister. Il est donc à la fois actif et passif : peu déterminé, il se laisse entraîner par les évènements et les actes qu'il pose sont généralement imprévus, non-intentionnels ou commis à l'encontre de ses désirs.
Un soir au club – Christian Gailly
Simon Nardis, ancien pianiste de jazz ayant renoncé à cette musique parce qu’elle le détruisait à petits feux, part en voyage et ne revient simplement jamais. Il trompe sa femme, il regarde le train partir à tous les jours sans le prendre. Il est envouté par le jazz, ce qui explique partiellement son comportement, se laissant porter par cette instance qui le traîne, qui décide pour lui, qui l’enfonce dans l’incohérence irrationnelle.
Villa Bunker – Sébastien Brébel ;
Le père et la mère du narrateur emménagent dans une villa située au sommet d'une falaise au bord de la mer, elle est en bien mauvais état et il est impossible d'en faire le tour puisqu'elle semble prendre sans cesse de l'expansion tout étant labyrinthique. La villa pourrait être la cause de l’incohérence actionnelle du père, car elle décide pour lui, de sa solitude et de ses comportements inexplicables, comme celui de s’enfermer dans une tour.
Bureau universel des copyrights – Bertrand Laverdure ;
Le personnage de ce récit ne cesse de chuter et de se démembrer. Il est constamment victime des évènements. Tantôt en Belgique, tantôt à Montréal, il rencontre toutes sortes de gens qui prennent parfois l’allure d’automates. Les Schtroumpfs farceurs armés de leurs cadeaux explosifs semblent le pourchasser, de même que les touristes littéraires qui ont payé pour être les témoins de ses aventures et qui, un moustachu à leur tête, prendront tôt ou tard le rôle de malfaiteurs narratifs. Le personnage principal perd d’abord sa jambe (tranchée par un écureuil agressif), qu’il remplace par une prothèse chantante nommée Bis, puis ses deux auriculaires et enfin, son bras droit, remplacé par un bras de chocolat. Après divers incidents totalement inattendus, il finit par atterrir au Bureau universel des copyrights où on lui explique que chaque chose du monde matériel est possédée par quelqu’un et même par plusieurs personnes à la fois. En fait, lui-même ne s’appartient pas… Les péripéties farfelues que vit le personnage ne lui sont pas attribuables. Le personnage est transporté d’un endroit à l’autre, étant soumis au monde, il est très actif du point de vu actionnel, mais très passif du point de vue décisionnel : « Mon propre entendement a abdiqué. J’ai jeté la serviette. Ma vie n’est plus qu’une suite d’interruptions ridicules du flux espace-temps qui ne méritent pas que je m’en soucie. » (p. 111).
Le grand roman de Flemmar – Fabien Ménard ;
Flemmard s’autoproclame écrivain, il est prêt à absolument à tout pour parvenir à ce statut, comme le fait de boire du café alors qu’il n’aime pas ça. Il ne réussit pas à écrire un mot en un an. Son impulsivité et sa révélation irrationnelle font qu’il ne contrôle rien de ce qui se passe autour de lui.
Charlotte before Christ – Alexandre Soublière ;
Les deux personnages, Charlotte (jeune danseuse contemporaine qui vient d’une famille modeste) et Sacha (jeune adulte universitaire souffrant d‘arthrite douloureux et venant d’un milieu aisé), sont habités par une rage et un mal-être. Une espèce de fuite les pousse aux excès : drogues, violences, vandalisme, etc. Toutes ces actions irréfléchies sont guidées par un « black book » de leur invention. Ils se laissent porter par leur marginalité. Ils sont près à n’importe quoi l’un pour l’autre. En ce sens, la passion amoureuse pourrait aussi être une instance décisive dans leur incohérence actionnelle.
En ville – Christian Oster ;
Jean (personnage principal et narrateur à la première personne), Georges, William, Paul et sa femme Louise, tous dans la cinquantaine ou la soixantaine, tous un peu bobos, sont cinq amis qui partent en vacances ensemble depuis trois ans, mais cette année ne ressemble pas aux précédentes: Jean apprend qu'il va être père, Georges est quitté par sa femme, William meurt d'une embolie suivie d'une chute dans l'escalier, Paul et Louise se séparent. Malgré ces bouleversements, ils maintiennent leur projet de vacances. Le personnage de Jean est en proie à un je-m’en-foutisme quasi maladif. Tous les bouleversements inhabituels ne semblent pas le déranger. Son indifférence l’empêche de réfléchir à ses actes. Aucun des cinq amis de son petit groupe, en particulier Jean, ne connaît la ou les raisons qui les poussent à partir en vacances ensemble : « Je pouvais déjeuner n'importe où. Je me suis arrêté dans un café où j'ai pris un croque-madame puis commandé un café. J'ai regardé les gens autour de moi et sur le trottoir, qui passaient avec des airs affairés un peu déconcertants pour un dimanche. D'autres avaient l'air libres, en quelque sorte, mais je les ai trouvés tout aussi déconcertants. J'ai repensé à Morsang-sur-Orge et par association à la maison de ma grand-mère et je me suis senti désarmé, poreux. J'ai envisagé difficilement la fin de l'après-midi. J'ai appelé Agnès, qui était sur répondeur et dont il m'est revenu qu'elle était partie en Corse. J'ai appelé Roberta, mais j'ai interrompu mon appel. Je suis allé au cinéma voir une comédie française qui s'est révélée plutôt bonne et même par endroits subtile, et, quand je suis sorti, j'ai cherché une boutique de DVD ouverte. J'ai trouvé une, j'ai acheté trois DVD et je suis rentré chez moi, où j'en ai regardé deux. Ils n'étaient pas très bons, sans être mauvais, et j'ai hésité à regarder le troisième. Finalement, j'ai regardé le troisième, qui était mauvais. Je me suis levé pour aller voir la voie rapide [depuis sa fenêtre] et je suis allé me coucher sans dîner. » (165)
Espaces – Olivia Tapiero.
La jeune femme qui raconte ce récit vit au gré de ses errances, dans la recherche d'un lieu apte à lui servir de refuge. En effet, peu de temps après avoir retrouvé sa colocataire pendue dans leur chambre, elle cesse complètement d'assister à ses cours et passe ses journées à ne rien faire, ou à vagabonder dans la ville. Elle se réfugie chez les gens de façon aléatoire. Ses déplacements sont intuitifs, injustifiés et non-prémédités.
On s'habitue aux fins du monde - Martin Page
Le personnage, Elias, vit d'abord par son rôle d'aidant avec Clarisse, son ex-copine. N'ayant aucune attente envers la vie, ne recherchant absolument rien, il se laisse porter par les évènements et les opportunités de son métier de producteur. C'est l'absence de but qui définit le personnage en tant que “poule pas de tête”, cette dimension étant augmentée par la panoplie d'évènements extérieur. Il engage un détective privé pour le suivre lui-même, dans le but de se connaître et d'avoir un regard extérieur sur son comportement. Le détective, mal-à-l’aise, lui dit que «[c]’est difficile à dire. Il s’agite dans tous les sens. Il fait n’importe quoi». (p.210)
Sam – François Blais
Un jeune homme trouve un extrait de journal intime dans le fond d’un bac de livre aux Artisans de la Paix et tombe follement amoureux de la jeune femme, Sam, qui en est l’auteure. Il recopie l’entièreté de son manuscrit et l’entrecoupe de toutes les démarches qu’il fait pour la retrouver. Outre cette intrigue extradiégétique au journal, il semble que le personnage de Sam est extrêmement motivé par l'action inutile de dresser des listes et de faire des descriptions de son environnement. Se laissant guider spontanément par ce qui l'entoure, Sam, par exemple, fait la liste des catégories de vidéos porno en streaming sur keandra.com, fait des descriptions exhaustives de certaines choses (p. 63-64: l'édition des PUM d’Angéline de Montbrun, p. 97: description du papier à lettres moche de l’hôpital), etc. Ses motivations restent floues, voire inexistantes. Parfois, elle abandonne un projet en cours (elle fait la description d'une seule Église au lieu de deux, comme elle l'avait prévu, par exemple). L'ennui pourrait être la cause de ces entreprises, mais il semble surtout que Sam soit guidée par ses impressions du moment, sans d'autre but plus précis.
Le culte de la collision - Christophe Carpentier
Adolescent à tendance psychopathique de dix-huit ans, Tanguy Rouvet s'embarque dans un périple qui durera plusieurs mois et le conduira à Dijon, Chamonix, Toulon et El Elijo en Espagne. Ces déplacements sont attribuables aux nombreuses pulsions violentes du personnage, qui le poussent souvent à commettre le pire: il étrangle sa mère, égorge un homme et met le feu à un camp en Espagne, par exemple. Outre ses élans d'agressivité qui le poussent à fuir, il est distant et détaché de son sort ou de ce qui peut lui arriver.
One man show - Nicolas Fargues
Christophe Hostier est auteur, un auteur qui entretient, sans que ses proches s'en doute, son narcissisme d'auteur. Il est de plus en plus distant avec sa femme Estelle, fait semblant d'avoir tout son temps à consacrer à sa famille alors qu'en fait, il ne voudrait que le silence revendiqué du créateur. Christophe découvre les réalités du monde pas très glamour de la télé et tombe sous le charme de la frêle et un tantinet maniaque Sidonie. Une fois à Montréal, il lui envoie même un billet d'avion pour New York. Or, leurs retrouvailles sont plutôt froides et Hostier, face à son fantasme, se met à regretter sa femme. Sa vie amoureuse révèle son appartenance à la catégorie, le personnage étant indécis et impulsif.
Les écureuils sont des sans-abris - Simon Girard
Un écrivain (Simon) s’est mis en tête qu’il allait vivre de son art. Vivant dans le tout ou rien, il remplit son sac-à-dos de son premier livre et part sans argent à Hull, dort sur un banc à la gare et revient bredouille à Montréal. La vieille femme qui le ramène en stop le présente à sa petite fille avec qui il part dans le Sud et a une aventure de sept jours, le temps du voyage.Il boit une bière et trois Jack Daniels dans un bar et fait la connaissance d’une femme avec qui il manque coucher et d’une souris appelée Tétine qui aide le propriétaire à faire le ménage. Un gros homme, Martin, le ramène de Gaspésie — où le narrateur était pour rencontrer un homme de qui il veut écrire la biographie. e personnage principal va au mariage d’Annie, la sœur de Dominic, son ami d’enfance, et assiste à une chicane familiale entre Dominic et son père, dans la voiture, en s’y rendant. Les deux hommes se réconcilient à l’hôtel. Simon se loue une chambre miteuse, car l’argent lui manque. Une amie avec qui il couche lui prête son appartement pendant qu’elle est partie, et en échange, il doit nourrir les chats et arroser sa plante à la menthe. Convaincu qu’il écrira pendant ces semaines, il n’en est pourtant rien. Incapable de travailler, il passe son temps à se saouler. Il teste de la morphine pendant quelques semaines, passe quelques temps en observation où il rencontre d’autres cobayes, pour finalement toucher 5000$ à la fin de l’expérience. Entre temps, il vend des sandwichs dans les bars. Il dépense 1000$ au casino pour comprendre Marco, un joueur compulsif qu’il avait rencontré pendant l’expérience de la morphine. Cet ami se suicide quelques semaines plus tard et Simon va à l’enterrement avec une des sarraus (sarraus= personnel de l’hôpital) qui avait une relation avec Marco. Ils ont une relation sexuelle ensuite. Puis, Simon revient de Gaspésie en bus, le trajet est longuement décrit. Il rencontre un adolescent volubile et une belle française à qui il pense en se branlant dans les toilettes d’un dépanneur. Il rêve à un écureuil dont les organes sortent de son corps. Il revient de Gaspésie en pouce, où il était pour terminer le livre sur Marcel. Il prend du speed dans un bar ouvert après trois heures, tente d’y séduire des femmes, ce qui échoue. Il retourne à l’auberge jeunesse où il loge pour y écrire. Il se rappelle une altercation avec un vendeur de drogue au Cacophonia, lorsqu’il vendait des sandwichs. Il fait un spectacle d’humour au Cacophonia. Le narrateur termine son deuxième roman, finalement. Dans un parc, il fait une course avec un écureuil. Il recouche avec Marie, son ex, la fin de semaine, mais ne veut pas se remettre en couple avec elle. Il repense à la difficulté que cela fut de publier son premier roman. Il atterrit dans un refuge de sans-abri, convaincu que c’est un endroit pour les écrivains. Cette suite d'évènements sans lien qui puisse les unir fait de ce personnage une poule pas de tête dans la plus pure signification de l'expression. Il est impossible d'expliquer ses motivations ou ses intentions, par exemple, son désoeuvrement l'emporte sur son désir de vendre son art, et il se laisse porter par le flot des évènements et des circonstances.
Rouler - Christian Oster
Partant de Paris en voiture, Jean choisit de se rendre à Marseille, attiré davantage le nom de la ville que par la ville elle-même, qu'il ne connaît d'ailleurs pas. Le prétexte de voyage, en fait, c'est le chemin à parcourir entre le départ et l'arrivée. En effet, Jean n'a pas d'itinéraire déterminé ; il décide de son chemin au fur et à mesure que la route se déploie devant lui, au gré des endroits qu'il traverse et des gens qu'il rencontre. Rouler et se détacher du monde sont donc ses seules motivations. Sans repères et sans sens, toutefois, seulement mû par un besoin de déplacement, grande est la possibilité de se perdre ou de tourner à rond, ce qui arrive précisément à Jean lorsqu'il s'égare dans la forêt: « j'ai pensé fugitivement que je n'avais pas envie de retourner à la voiture, en fait, et que j'allais rester ici et me laisser pousser la barbe. Ça m'a passé. Je n'avais rien à faire ici plus qu'ailleurs. » (p.41) Ainsi, on remarque qu'il n'est motivé que par ses impulsions spontanées.
Un garçon maladroit - Marc-Alain Wolf
Le roman porte sur un jeune homme autistique qui souhaite réparer le monde. Dans sa vie de tous les jours, il a beaucoup de difficulté avec les contacts sociaux, mais la nuit, derrière son écran d’ordinateur, il se forme un réseau de contacts puissants afin de mener ses recherches et de faire ses expériences. Il veut combattre la famine, faire la paix dans le monde et même, enrayer la mort en allongeant l’espérance de vie, mais un seul grand but les englobe tous : remplacer Dieu. Ce projet est perçu comme étant impossible et extravagant, à la fois par le lecteur et les autres personnages du roman. La mission quasiment christique du personnage se montre colossale et ses projets se court-circuitent les uns les autres : par exemple, comment peut-on à la fois réduire le nombre de naissances pour contrer la famine, tout en combattant la mort de l’homme en allongeant son espérance de vie? Chaque fois qu’un projet semble bien entamé, le personnage le délaisse pour s’occuper d’autre chose.