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ranx:madame_diogene
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Aurélien Delsaux

Titre : Madame Diogène

Éditeur : Albin Michel

Collection :

Année : 2014

Éditions ultérieures :

Désignation générique : Roman

Cote : 1

Quatrième de couverture :

« Madame Diogène ne vit pas dans un tonneau mais dans un appartement transformé en terrier. Elle y a accumulé au fil du temps des tombereaux d’immondices dont les remugles ont alerté les voisins. Elle n’en a cure, elle règne sur son domaine, observe le monde de sa fenêtre, en guette l’effondrement et le chaos. Elle sait qu’autre chose se prépare. Plongée vertigineuse dans la folie, analyse minutieuse de la solitude radicale, ce premier roman d’Aurélien Delsaux explore avec une force et une maîtrise étonnantes un territoire aussi hallucinant qu’insoupçonné. »

II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :

Madame Diogène vit seule, à l'abri dans son appartement crasseux. Elle s'est entièrement coupée du monde extérieur et son seul soucis est d'en demeurer absente. Malheureusement pour elle, la puanteur et les insectes indésirables qui s'échappent de son appartement attisent la colère des voisins qui voudraient bien la voir expulsée. Finalement, alors que son immeuble est en feu, elle demeurera couchée dans sa crasse et se laissera brûler avec…

Thèmes :

vieillesse, solitude, retrait du monde

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix :

Madame Diogène présente à la fois une rupture actionnelle et interprétative. Elle s'est coupé du monde jusqu'à en oublier les lois et les convenances, jusqu'à en oublier son passé et son nom. À quoi lui servirait son nom maintenant, de toute façon? Sa vision du monde, ses affects, ses réactions sont tout à fait hors du commun. À ses yeux, le seul contact qu'elle conserve avec le reste du monde n'est autre que sa toilette, reliée aux égouts municipaux.

Appréciation globale :

J'ai beaucoup apprécié ma lecture. Le personnage est original et intéressant (j'ai lu peu de romans où le protagoniste est une vieille femme). D'une part, la façon choisie pour se retirer du monde est extrême et peu banale. D'autre part, le narrateur en dit suffisant pour intéresser le lecteur, sans non plus donner toutes les explications.

IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture :
a) actionnelle : remise en question de l’intention (et éventuellement de la motivation); logiques cognitives/rationnelles ou sensibles; présence ou absence d’un nœud d’intrigue et d’une résolution; difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable), etc.
b) interprétative : difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc.

a) Madame Diogène passe la plus grande partie de son temps à faire augmenter le nombre de détritus qui jonche le sol de son appartement et à observer le monde par sa fenêtre. En dehors de ça, elle demeure très passive. Aucun but ni désir ne l'habite, elle ne fait que vivre ou plutôt survivre. Tant mentalement que physiquement, elle est complètement déconnectée du monde extérieur, des autres et même de sa propre vie. Toutes ses réactions sont marquées par la peur et le sentiment de devoir se protéger et se défendre. Pour cela, elle va même jusqu'à mordre une femme au visage.

Ainsi, l'action de Madame Diogène n'est pas menée par la logique, mais bien par ses affects. Or, les choses qui lui apportent confort et réconfort sont plutôt inusité. Ses déchets constituent son abri; des détritus de toutes sortes lui font un douillet tapis pour se mouvoir, forment des galeries où elle peur se nicher. La présence des cafards, coquerelles, puces, fourmis et autres insectes nuisibles grouillant sous les déchets la rassure. Madame Diogène fait même pipi régulièrement sur sa plante, pensant que ça la fait croire davantage. Pour elle, l'odeur de pourriture de son abri n'est pas dérangeante : c'est l'air dehors qui l'est. Personne ne l'a comprend, tous la trouvent folle. De son côté, elle ne se soucie plus du tout des convenances; peu importe ce que les gens font ou disent, cela peut alimenter sa peur, mais ne l'affecte pas autrement. Non seulement elle ne sait même pas reconnaître son propre frère sur une vieille photo, mais comme mentionné plus haut, elle ne connaît même plus son nom :

«La voix a dit un nom que la vieille ne sait plus, dont elle s'est défaite, comme d'un habit devenu soit trop grand, soit trop étroit, Cela sonne aujourd'hui comme une vieille nomenclature, une étiquette mitée […]. Une seconde elle cherche le nom qu'elle voudrait maintenant porter, elle cherche un nom commun qu'elle sait encore et qu'elle se donnerait. Un nom bref et sourd et simple comme le mot sac. » (p. 44).

« Le dernier mot qui lui resta, avant qu'elle ne sache plus […] que dire non, fut l'adverbe absolument. Elle témoignait alors absurdement de la véracité de chaque propos […]. Vous cherchez quelque chose, Madame : absolument - comment allez-vous : absolument, absolument - mais où allez-vous à cette heure en chemise de nuit : ab-so-lu-ment. […] Ainsi les habitants du quartier qui avaient encore de la croiser, même les plus bienveillants, finirent-ils par ne plus lui poser de question, ni même la saluer. Ils en vinrent à ne plus même croiser son regard silencieux et, pour eux, elle disparut. » (p. 91-92).

Bref, le mode de vie qu'elle a maintenant choisi n'est pas « normal » et le lecteur ne saura jamais ce qui l'a conduite à vouloir à ce point se retirer du monde, voire à s'absenter d'elle-même. À la fin du récit, alors que les flammes envahissent son appartement, elle demeure étendue par terre simplement parce qu'elle se sent bien. Cette réaction est si «anormal» qu'on pourrait croire qu'elle n'a pas réellement conscience de ce qui se passe.

b) Sur le plan interprétatif, Madame diogène est également un cas de rupture puisqu'elle n'interprète plus le monde selon les mêmes contraintes conceptuelles, ou disons selon les mêmes codes, que les autres. De plus, ses peurs et ses angoisses la font parfois halluciner, ou simplement croire des choses peu probables. Par exemple, alors qu'elle voit une foule de manifestant dans la rue, elle pense qu'ils sont venus pour elle. Il faut dire que les menaces constantes de ses voisins alimentent son comportement paranoïaque.

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Validation du cas au point de vue narratif/poétique (voix, fiabilité du narrateur, registres fictionnels, temporels, type de configuration narrative, etc.)

Narrateur extra-hétéro-diégétique. Faible configuration narrative.

ranx/madame_diogene.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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