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fq-equipe:asselin_rapport_de_recherche_1_-_juillet_2010

Ceci est une ancienne révision du document !


Rapport de recherche en vue de la demande de subvention pour la suite du projet FQRSC (automne 2010)

La démarche générale fut de tracer des lignes de traverse à partir de la matière versée au wiki, en la complétant ou en l’enrichissant par des lectures qu’on aurait écartées ou oubliées.

Axe socio-historique : déterminations institutionnelles, éditoriales et critiques qui structurent le domaine des pratiques narratives (prix, collections, revues, blogues).

Je ne reprendrai pas ici tout ce qui a été répertorié du côté institutionnel. D’une part, l’information se retrouve facilement sur le wiki ; d’autre part, elle apparaît pour beaucoup sous forme de liste dont on tirera difficilement des conclusions solides (du moins pour le temps qui m’était imparti). J’ai préféré m’en tenir à ce que la critique a pu considérer comme déterminant.

* Si les années 1980 sont marquées par la consolidation de l’industrie de l’édition au Québec, il semblerait que les résultats de cette consolidation ne se laisseraient saisir qu’à partir de 1990. La création du Prix Gilles-Corbeil (1990) en serait déjà un signe : accompagné d’une bourse de 100 000$ (la récompense littéraire la plus richement dotée au Canada), il consacre des auteurs déjà reconnus par l’institution (Bordeleau, 1994 :18). Selon les lectures de Pierre-Luc, la loi 51(1981) serait à l’origine de la consolidation du milieu institutionnel ; elle constitue, au dire de la critique, un moment historique :

« Cela dit, et une fois ma lecture terminée [la lecture du livre Les chiffres des mots : portrait économique du livre au Québec de Marc Ménard, paru en 2001], l’élément qui m’a paru le plus significatif dans ce livre est sans doute le constat que la loi 51 votée en 1981 a été un événement historique. Cette loi qui visait à protéger l’industrie du livre de la domination étrangère a littéralement sauvé l’édition québécoise et a permis à toutes les parties d’y gagner au change, particulièrement les libraires qui, soulagés de la concurrence déloyale que leur livraient les grands éditeurs étrangers, ont pu reprendre leur place d’intermédiaire entre l’éditeur et les institutions publiques qui s’approvisionnent en livres. » (Vanasse, 2001 : 6)

En dépit de cette loi votée en 1981, il faut attendre la fin des années 1980 avant que l’édition connaisse un boom spectaculaire. Entre 1989 et 1999, le nombre de romans publiés a doublé, passant de 212 à 462 (Vanasse, 2001 : 5), tandis que « les ventes de livres québécois ont connu une hausse vertigineuse puisqu’elles sont passées de 5% du chiffre global des ventes au début des années soixante pour atteindre actuellement [en 2001] 43% du marché total du livre (dont 35% pour la littérature générale et 60% pour le marché scolaire) » (Vanasse, 2001 : 5).

Si, pour Biron, Dumont et Nardout-Lafarge (2007 : 592), la baisse du nombre de recueils de nouvelles à partir de 1995 est due à un marché saturé et peu rentable, on peut aussi voir dans la popularité du roman une cause de cette diminution. Les maisons d’édition comme XYZ et L’Instant même doivent se diversifier en s’ouvrant à d’autres genres littéraires – surtout le roman (Audet et Bissonnette, 2004 : 26).

De façon plus précise, voire plus alarmante, Vanasse relevait, dans un précédent éditorial, les chiffres suivants sur la publication des romans : - 1980-1995 : environ 250 romans publiés par année ; - 1996 : environ 350 romans publiés, pour une augmentation de 40%. Le nombre de lecteurs n’ayant pas augmenté depuis 1960, il en résulte une diminution des ventes en proportion. La raison de cette hausse est que les maisons d’édition littéraire se sont multipliées – une quinzaine dans la décennie 1990. On remarque alors que les écrivains passent plus aisément d’une maison à l’autre. (Vanasse, 2000 : 5)

[Note : Vanasse parle même d’une « fragmentation » du marché, faisant ainsi écho à la fragmentation que l’on reconnaît généralement aux œuvres littéraires contemporaines. L’éclatement, l’hétérogénéité semble relever aussi bien de la pratique littéraire que de la pratique institutionnelle. Peut-être est-ce là une piste intéressante, qui rejoint également l’idée que des relations étroites se nouent entre fiction et critique (j’y reviendrai).]

Sur cette hausse des maisons d’édition, Bordeleau (2001 : 13-16) mentionne la création de plusieurs d’entre elles au milieu des années 1990 : les Éditions Trois-Pistoles (1995), Docteur Sax (1995), Lanctôt (1995), Dramaturges Éditeurs (1996), Robert Soulières (1996), Alire (1996), Varia (1997), Planète rebelle (1997), les Écrits des Hautes-Terres (1998), Trait d’union (1999), l’Effet Pourpre (maintenant disparu) (1999), Point de fuite (2000) et Les Allusifs (2001).

* À cette effervescence du milieu littéraire répond toutefois la réforme du programme de l’enseignement collégial en 1994, laquelle accuse une perte d’importance de la littérature québécoise dans l’enseignement :

- 1990-1994 : 47.2% (littérature québécoise enseignée)

- 1994-1995 : 21.2%

- 1994-1996 : 32.6%

- Peu de place aux auteurs contemporains

S’il est vrai que l’enseignement du français à ce niveau scolaire signifie le développement d’habitudes culturelles, on peut penser « que cette orientation aura des conséquences sur la diffusion et sur la réception des œuvres franco-québécoises et, plus largement, sur la vie culturelle. Il faut noter surtout le désengagement socio-culturel qui en est peut-être à l’origine mais surtout qui en résultera » (Roy, 1996 : 6). Certes, les chiffres avancés par Vanasse contredisent a priori la crainte de Roy (43% du marché revient au livre québécois en 2001). Mais, en dépit de la création de plusieurs maisons d’édition dans la deuxième moitié des années 1990, l’Observatoire de la culture et des communications du Québec souligne que l’édition québécoise a effectivement subi une période d’inertie entre 1994 et 2002 :

« Il ressort de cette analyse [l’État des lieux du livre et des bibliothèques de 2004] que l’édition québécoise se caractérise par une évolution très rapide entre 1972 et 1994, suivie d’une période de stagnation qui s’étend de 1994 à 2002. Cette inertie serait surtout attribuable à la diminution de l’activité éditoriale des gouvernements et des établissements d’enseignement » (Observatoire de la culture et des communications, 2004 : 16).

Il en ressort que, derrière l’apparente effervescence des années 1990, la situation des éditeurs québécois se détériore à partir de 1995.

* Enfin, dans un tout autre ordre d’idées, on peut noter que la relève littéraire subit un certain changement dans les années 1990. En 1994, le Salon du livre de Québec modifie la vocation de ses prix, dont le Robert-Cliche, remplacé par le Prix littéraire Desjardins. Seuls les livres déjà publiés – au lieu des manuscrits inédits – peuvent désormais être primés. Or, le Robert-Cliche était reconnu comme LE prix de la relève du roman québécois, à l’origine de belles carrières. Le directeur du SLQ se défend :

« L’édition québécoise intègre maintenant beaucoup plus facilement la relève et plusieurs auteurs d’une premier roman envoient leur manuscrit à un éditeur au lieu de le réserver pour le Robert-Cliche ; aussi a-t-on vu la qualité des manuscrits baisser d’année en année. […] La vraie relève, ce ne sont pas nécessairement des auteurs d’un premier livre. Ce sont plutôt des auteurs qui ont peu publié, mais qui ont déjà obtenu la sanction de comités de lecture et du public – qui ont donc prouvé qu’ils avaient des chances de rester. » (cité dans Bordeleau, 1994 : 19)

Sans doute peut-on y voir une évolution de l’édition québécoise, dont le pouvoir semble plus fort (au moins en termes de ventes et de légitimité) que les prix littéraires.

* Le domaine du blogue reste à explorer…

Sources :

René Audet et Thierry Bissonnette (2004), « Le recueil littéraire, une variante formelle de la péripétie », dans René Audet et Andrée Mercier (dir.), La narrativité contemporaine au Québec. La littérature et ses enjeux narratifs, Québec, PUL, p. 15-43.

Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge (2007), Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal.

Francine Bordeleau (1994), « Les prix littéraires : l’ère du soupçon », Lettres québécoises, n° 75 (automne), p. 18-21.

Francine Bordeleau (2001), « Le nouveau souffle de l’édition », n° 103 (automne), p. 13-16.

Pierre-Luc Landry – wiki ☺ (une bonne partie de l’info est tirée de son travail, lequel peut s’appuyer aussi sur d’autres sources que celles citées ici).

Observatoire de la culture et des communications du Québec (2004),

Max Roy (1996), « Enseignement collégial, littérature québécoise et théâtre au Québec », étude réalisée pour le compte de l’UNEQ, l’ANEL, Le conseil québécois du théâtre, le CAD et l’AQPF, Montréal.

André Vanasse (2000), « Trop de romans ? », Lettres québécoises, n° 97 (printemps), p. 5-6.

André Vanasse (2001), « Portrait de l’industrie du livre », Lettres québécoises, n° 103 (automne), p. 5.

Axe poétique : les formes narratives actuelles, par le biais d’approches centrées sur les pratiques discursives, médiatiques et génériques.

fq-equipe/asselin_rapport_de_recherche_1_-_juillet_2010.1288386302.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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