I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Marc Pautrel
Titre : Polaire
Éditeur : Gallimard
Collection : L’infini
Année : 2013
Désignation générique : Roman
Quatrième de couverture : « Le temps est splendide, encore estival, les grands arbres, les pelouses, tout est d’un vert éclatant, vif, lumineux, euphorisant. Je marche, je la cherche autour du bâtiment, je ne la vois pas. Je croise les patients qui ont un air vraiment bizarre, qui errent seuls et me regardent avec hébétude, curiosité, agressivité peut-être. Certains sont silencieux, d’autres marmonnent tout bas, ils tournent en rond, ils marchent sans but, ils me semblent terriblement malheureux, nos regards se croisent, ils devinent que je ne suis pas des leurs. Une ou deux fois j’ai peur en les voyant qui avancent lentement dans ma direction. Aucune trace d’elle. »
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre : Un homme est amoureux d’une femme, mais elle est inaccessible. Soucieuse de son amitié, elle dit qu’elle ne peut pas lui donner ce qu’il voudrait. Elle l’appelle parfois pour aucune raison, il accoure sans hésitation. On l’enferme dans un institut psychiatrique pendant quelques mois et le narrateur va lui rendre de nombreuses visites. Les mois passent et il tente de l’embrasser. Elle ne lui parle plus pendant trois mois. Quand ils se reparlent, il lui dit qu’il a rencontré quelqu’un, mais cette relation ne dure pas. Un jour, elle lui demande de venir la rejoindre en pleine forêt, dans la maison de ses parents, immense et délabrée. Ils marchent dans les bois et pour la première fois, elle veut qu’il l’embrasse, ce qu’il fait, heureux sans bon sens. Ils se perdent, retrouvent leur chemin, se baignent, se sèchent et jasent. Elle lui dit qu’elle veut faire l’amour avec lui, mais lorsqu’il tente la chose, elle reste de marbre et lui dit qu’elle ne peut pas. Il retourne dans sa chambre et passe une nuit d’insomnie, malheureux. Au matin, elle lui apprend que ses parents reviennent plus tôt que prévu. Il repart en train, malheureux, mais elle, elle est déjà en train de revêtir une autre personnalité. Il se remémore une nuit de fête avec elle et deux autres de ses amis, pendant laquelle ils ont pris une photo tous les deux. Sur la photo, il la revoit telle qu’il l’aime.
Thème(s) : Amour impossible, art pictural (peinture), folie.
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix : D’abord tentée de trouver une déconnection au sein du narrateur, je me suis rendue compte que le sujet du roman (elle) était beaucoup plus pertinent. Jugée comme folle, le narrateur voit en elle quelque chose d’autre, quelque chose d’autre, mais quoi ?
Appréciation globale : Court roman très agréable à lire. La fin laisse une heureuse impression, même si le narrateur n’atteint pas son objectif (être son amoureux). C’est un roman d’amour, un amour très fort, presque désespéré, mais sans cliché, sans idéal.
IV – TYPE DE RUPTURE
A) Rupture actionnelle : La trentenaire dont le narrateur est amoureux est incapable mentalement de se laisser aller à des sentiments amoureux. De plus, elle est diagnostiquée comme étant bipolaire et souvent, sa maladie ou les autres qui l’enferment à l’asile ou dans des états d’esprit démesurés. Elle est impuissante, incapable de s’inscrire dans le monde, d’une façon ou d’une autre.
«Mais elle ne ressemble plus à rien, elle ne ressemble plus à elle-même, on lui a retiré son corps. Elle sourit mais son visage est comme bouffi, bizarrement gonflé. Son sort est injuste. Elle ne vit pas la vie qui aurait dû être sa vie.» (p.45)
«Elle me répond qu’elle est heureuse. Moi je suis malheureux de la voir si éloignée du monde.» (p.82)
«Je la caresse encore, elle réagit à peine. Pourtant, je vois que le corps lui-même est excité, physiquement les réactions sont là. Mais son cerveau semble ne pas pouvoir suivre son corps, sa tête pendant une demi-seconde me paraît une tête rapportée sur un autre corps.» (p.123)
« [E]lle répond : Non, je préfère arrêter, ça ne sert à rien, c’est inutile de continuer. » (p.124)
Pour ce qui est du narrateur, son seul objectif, être l’amant et l'amoureux de la jeune artiste, échoue sans cesse. Il ne tente jamais de forcer les choses et malgré tout, accepte cette situation sans issue.
B) Rupture interprétative : Elle comprend parfois le monde de façon erronée. Ses mensonges sont un jeu pour elle. Le narrateur se trouve dans l’impossibilité de la saisir véritablement. Changeante, le lecteur ne la comprend pas plus.
«Je n’ai aucun moyen de savoir si elle dit vrai ou pas.» (p.60)
«Le jour où elle me fait visiter, et plus tard le jour où elle essaie devant moi quelques-uns de ses vêtements, je comprends qu’elle est la représentante de milliers de femmes différentes, que c’est la seule explication pour qu’elle puisse avoir porté autant de tissus » (p.77).
«Je me souviens alors que je lui avais conseillé de se peindre elle-même, d’imiter Rembrandt et Van Gogh, de trouver sa voie en cherchant son identité. En regardant ses peintures, je me dis que ça n’a pas marché, qu’elle est meilleure dans l’abstrait que dans le figuratif.» (p.81)
«Je me suis perdu au milieu d’un océan inconnu, je ne comprends pas ce qui s’est passé, ce que j’ai fait, ou pas fait, ou mal fait.» (p.85)
«Plusieurs fois elle m’a assuré, avec beaucoup de sérieux, qu’elle était une sorcière.» (p.92)
«Je sais qu’elle a commencé à disparaître lentement, qu’elle va devenir une autre, je sais que je ne reverrai plus jamais la femme que j’ai connue.» (p.141)
«Elle oublie tout ce qu’elle est, elle oublie ce qui l’a damnée, tout ce qu’elle a vécu jadis, elle sait qu’elle n’est pas folle, elle n’a pas assez de force pour le prouver, quelqu’un devra le faire pour elle.» (p.144)
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Le narrateur s’exprime au «je», décris ses états d’âme, mais il est surtout question d’elle, ce personnage changeant et fuyant dont on ne connaît ni les buts ni les motifs. En restant du point de vue du narrateur, on ne le saura pas.