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Ancienne fiche (Geneviève Dufour)

FICHE DE LECTURE

I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Jean Echenoz

Titre : Des éclairs

Éditeur : Minuit

Collection :

Année : 2010

Éditions ultérieures :

Désignation générique : Roman (page couverture)

Quatrième de couverture :

« Gregor a inventé tout ce qui va être utile aux siècles à venir. Il est hélas moins habile à veiller sur ses affaires, la science l’intéresse plus que le profit. Tirant parti de ce trait de caractère, d’autres vont tout lui voler. Pour le distraire et l’occuper, ne lui resteront que la compagnie des éclairs et le théâtre des oiseaux.

Fiction sans scrupules biographiques, ce roman utilise cependant la destinée de l'ingénieur Nikola Tesla (1856-1943) et les récits qui en ont été faits. Avec lui s’achève, après Ravel et Courir, une suite de trois vies. »

II- CONTENU GÉNÉRAL

Résumé de l’œuvre :

Gregor est né un soir d'orage (impossible de dire lequel, puisqu'il est né quelque part entre 23h et 1h du matin) dans un petit village d'Europe de l'Est. Surdoué dès son plus jeune âge, mais pas très assidu à l'école, il part en Amérique à vingt-huit ans pour travailler pour Thomas Edison. Celui-ci possède une société qui distribue de l'électricité à quelques privilégiés. Gregor y développe l'idée du courant alternatif, qui réglerait les nombreux problèmes de la société, mais Edison, voyant la menace que constitue cette idée, refuse de payer Gregor pour sa solution, et ce dernier claque la porte. Il convainc des hommes d'affaires de financer sa propre compagnie; or, dès que sa nouvelle invention, la lampe à arc, est brevetée, ses actionnaires le renvoient et Gregor devient manœuvre dans la bâtiment. Grâce aux relations d'un de ses patrons, Gregor est présenté à Georges Westinghouse, propriétaire de la compagnie rivale d'Edison. Celui-c lui fournit les ressources pour implanter le courant alternatif; une longue rivalité s'installe entre Edison et Westinghouse ,qui donnera notamment naissance à la chaise électrique, inventée pour montrer le danger du courant alternatif pour l'homme.

Le succès monte un peu à la tête de Gregor - déjà qu'il est un homme suffisant, peu avenant quoique persuasif, obsédé par les bactéries et les germes, mais, paradoxalement, passionné par les pigeons. Il est emporté par le tourbillon de la vie mondaine, mais reste solitaire (la seule femme qui lui inspire un peu de sympathie est la femme de son principal mécène, et seul ami, Mr. Axelrod).

Enivré par sa richesse - à crédit, à cause de sa notoriété - Gregor passe dix ans à ébaucher des dizaines d'inventions. Il néglige pourtant tellement les brevets et ses finances (il déchire un contrat qui le liait avec Westinghouse, qui lui devait des millions, pour plutôt lui vendre ses droits pour une somme dérisoire) que ses inventions ne lui appartiennent plus et qu'il est rapidement sans le sou. L'idée à laquelle il tient le plus, l'énergie universelle, gratuite, lui vaut d'être honni par tous les magnats de l'énergie.

Ses expérimentations ayant passé près de détruire le centre-ville de New-York, Gregor est exilé hors de la ville, mais ces expérimentations démesurées sème la panique. L'ennui le gagne et il retourne à New-York. Un banquier, toutefois, finance un projet de tour d'information universelle. La construction de la tour est tellement longue qu'un Italien, inspiré par un ancien brevet de Gregor, le devance et invente la radio…

Faute de mécène, Gregor s'appauvrit et se replie sur lui-même. Il commence à soigner des pigeons dans les chambres d'hôtel (de plus en plus petites et bas de gamme) qu'il occupe. Il continue à proposer des inventions (notamment le missile, durant la guerre), mais sa réputation de savant fou le précède et elles sont refusées.

Alors que Gregor s'entiche sérieusement d'une pigeonne, les Axelrod s'éloignent de lui. Dix ans plus tard, il ne lui reste que les pigeons (la pigeonne, elle, est morte de tuberculose) qu'il soigne et qu'il mange Ethel vient parfois le voir.

Un jour, alors qu'il se rend au square, des pigeons envahissent le pare-brise d'une voiture; le conducteur, ivre, renverse Gregor. Il refuse d'aller à l'hôpital, préférant une longue convalescence à l'hôtel. Il demande un jour à une femme de chambre de mettre un vignette « Ne pas déranger » sur sa porte. On attendra trois jours avant de braver l'interdit; on soupçonne que Gregor est mort seul.

Thème(s) : ambition, folie, invention, génie, incompréhension, solitude.

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION

Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Le roman figurait, il me semble, dans la bibliographie du projet. De plus, comme nous avons utilisé Ravel pour faire un exercice sur la poétique du perosnnage contemporain, le choix de ce roman semblait logique (et, en effet, le personnage (plus « romanesque » que celui de Ravel puisque Tesla est rebaptisé Gregor) me semble plus déphasé).

Appréciation globale : J'ai beaucoup apprécié le roman, malgré la multitude d'évènements qui s'y produit (ce qui est assez rare dans le reste du corpus de ce projet…), comme en témoigne la longueur du résumé.

IV – TYPE DE RUPTURE

Validation du cas au point de vue de la rupture

a) actionnelle :

L'intelligence exceptionnelle et la personnalité de Gregor (désagréable, imbu de lui-même,hautain) influencent sa façon d'entrer en contact avec le reste du monde.Contrairement à beaucoup de personnages contemporains qui se cantonnent dans l'inertie, Gregor, lui, crée trop vite pour son monde; fébrile, expéditif, il finit par dérailler.

Ses capacités d'abstraction sont telles que parfois elles parviennent à le dominer et à lui faire confondre sa pensée et la réalité : «ce qu'il imagine étant immédiatement considéré comme vrai, le seul risque auquel il s'expose, et peut-être s'exposera toujours, est de confondre le réel avec ce qu'il projette.» (p. 13-14) Autre exemple : «Mais de telles aptitudes, et surtout cette excessive intrusion de la réalité dans l'imagination, l'envahissement de l'idée se prenant pour la matière, risquent aussi de vous couper un peu du monde, en tout cas des personnes s'occupant de cette matière.» (p. 43) En effet, Gregor est tellement préoccupé par ses inventions qu'il oublie souvent les humains qui en feront usage; il imagine et propose ainsi des armes épouvantables en pensant qu'elles aideraient à instaurer la paix universelle. Son retranchement dans le monde intellectuel fait q'il lui arrive souvent d'être escroqué par les hommes d'affaire qui appuient ses projets, ce qui fait en sorte que malgré ses aptitudes exceptionnelles, sa situation se détériore rapidement vers la fin du roman. Ses manies trahissent sa constante opposition au reste du monde : «Il apparaît aussi d'ailleurs qu'il aime mieux être seul et vivre seul en général, et se considérer dans les miroirs plutôt que regarder les autres, et se passer des femmes bien qu'il leur plaise […]. Mais ce fait tient aussi à certains points spéciaux de son caractère. […] D'abord son extrême préoccupation des microbes, bacilles et toute espèce de germes, qui le contraint à nettoyer sans cesses toute chose autour de lui, démesurément et sans jamais confier cette tâche à quiconque, se lavant les mains avant, se lavant les mains après. Puis sa manie de tout compter, perpétuellement, qui est une absorbante besogne, contraignante à l'égal d'une loi.» (p. 44-45)Elles l'occupent à un point tel, qu'elles font l'objet d'émotions précises: «cette activité de dénombrement lui prend d'autant plus de temps que, pas seulement mécaniques, elle envahit aussi la sphère des émotions : dans la foule infinie des chiffres qui occupent son esprit, chacun de ceux-ci inspire à Gregor un sentiment spécial, un goût particulier, une couleur bien à lui, rien n'égalant son affection majeur pour les nombres divisibles par trois, beau nombre, on le sait, qui marche à toute occasion. Tout ce qui se divise par trois, aux yeux de Gregor, c'est mieux. Rien n'est plus beau pour lui qu'un multiple de trois.» (p. 45-46) De telles obsessions couplées au fait qu'il peine en situation sociale et interpersonnelle, rappellent le syndrome d'asperger.

En vieillissant, son équilibre mental diminue et il commence à présenter des comportements anormaux. Il avait toujours été envisagé comme un excentrique, mais son cas s'aggrave : «Or, outre qu'il est de moins en moins aimable, que son caractère tend à s'aigrir, on dirait qu'il perd un peu de son équilibre aussi car des signes suspects se manifestent. Même s'il a toujours parlé seul, monologuant sans cesse au cours de ses travaux, les assistantes s'inquiètes peuvent l'entendre à travers la porte, pourtant capitonnée, pérorer plus que jamais dans ces moments d'orage. Il semble alors s'adresser aux éclairs eux-mêmes comme à des employés, des enfants, des élèves ou des pairs […]. Pire, même après l'orage et quelle que soit l'humeur du ciel, Gregor se met bientôt à tenir toute circonstance des propos de plus en plus dénués de mesure, exprimant des idées de grandeur à ce point immodérées et fréquentes que ses amis, ou le peu qui commence à lui en rester, tentent de le protéger contre ses propres déclarations.» (p. 126-127)

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES

La forme du roman est très traditionnelle; il n'y a que la voix du narrateur qui pourrait être retenue comme une spécificité poétique : en effet, on a affaire à un narrateur intradiégétique qui ne prend pas part à l'action mais qui semble suivre de très près le personnage. Il se manifeste par l'emploi généralisé du pronom « on » pour décrire l'époque, la société, mais aussi par quelques « nous », quand il désigne de petits groupes auxquels se joint Gregor. Toutefois, la narration est rétrospective et non en temps réel. La narration présente de soudaines accélérations (notamment lors du récit d'évènements qui nuisent le plus à Gregor) et des ellipses assez importantes (de dix ans environ pour la plus longue).

ranx/des_eclairs.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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