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ranx:le_christ_obese

Personnage très intéressant en ce qui a trait à notre projet, mais j'ai l'impression que c'est moins intéressant du point de vue de la poétique narrative.

Notice bibliographique :

TREMBLAY, Larry. Le Christ obèse, Éditions Alto, Québec, 2012, 159 p.

Résumé de l’œuvre : Un soir, Edgar, un trentenaire timide et solitaire, se rend au cimetière. Près de la tombe de sa mère, décédée depuis peu, une femme est en train de se faire agresser violemment par quatre personnes, que le personnage principal considère être les quatre cavaliers de l’Apocalypse. Après qu’ils aient quitté les lieux, Edgar décide d’amener chez lui la victime à demi morte et de devenir son sauveur. C’est alors qu’il se rend compte, une fois arrivés à la maison, que la victime est un homme travesti en femme. Une étrange relation se développe entre eux : Edgar lave l’homme, le nourrit, l’enchaîne pour ne pas qu’il se sauve, le guérit de ses plaies. Ne sachant pas quoi faire, Edgar demande l’aide de l’infirmière qui a soigné sa mère lorsqu’elle était malade, Josiane Gravel. Terrorisée à la vue de l’homme cadavérique attaché sur un lit, elle court pour appeler la police. Elle n’aura toutefois pas le temps de le faire : Edgar, paniqué, la tue à coups de couteau, pour ensuite l’enterrer dans son sous-sol. Après plusieurs mois à s’occuper de celui qu’il baptisera Jean, il apprend que cet homme est en fait quelqu’un croit suicidé après avoir possiblement tué sa fiancée, Émilie Langevin, chanteuse du groupe de musique Fatal Fœtus. Les quatre cavaliers de l’Apocalypse, en fait, ne seraient que les quatre autres membres de ce groupe, qui souhaitaient venger la mort d’Émilie. C’est alors qu’Edgar commence à travailler avec la mère de Jean, qui croit son fils mort et qui, par le fait même, ignore totalement que son nouveau collègue le tient enfermé chez lui. Après une de ses journées de travail, Edgar a un accident de voiture qui le plonge dans le coma durant quelques jours. À son réveil, il se rappelle que Jean est chez lui, enchaîné, sans nourriture. Affolé, il appelle la mère de Jean, pour lui demander d’aller s’occuper de son chien pendant son séjour à l’hôpital. À son retour à la maison, il se rendra compte que Jean, lors de la visite de sa mère, en a profité pour la tuer, et déposer sa dépouille au sous-sol, au-dessus du corps décomposé de Josiane Gravel. Edgar ne change pourtant rien à sa façon d’être devant Jean : il continue à s’occuper de lui, à l’aimer, comme s’ils ne formaient qu’une seule personne, les deux étant, à la fois, victimes et bourreaux.

Narration : Autodiégétique

Explication : Le narrateur est le héros de l’histoire, Edgar. Roman écrit à la première personne.

Personnage(s) en rupture : Edgar

A) Nature de la rupture : Interprétative

Explication :

La manière qu’a Edgar d’interpréter le monde semble tout à fait décalée. En fait, sa manière d’agir envers l’homme abattu au cimetière est totalement déroutante : plutôt que d’appeler la police et l’ambulance, il décide de mettre cet homme (qu’il croit être une femme) dans son coffre d’auto et de l’amener chez lui pour s’en occuper. Il est conscient que cette façon d’agir pourrait être perçue bizarrement de la part de son voisinage et que cela pourrait lui causer des soucis : «si je ne m’étais pas précipité vers un hôpital ou un poste de police, si je n’avais pas hurlé à l’aide, si je n’avais pas appelé une ambulance et ameuté toute la ville autour de cette jeune fille agonisante, eh bien, c’est que j’avais décidé de m’en occuper moi-même. Je serai son sauveur.» (p.16) Edgar est également conscient qu’il n’a aucune compétence pour s’occuper de cette personne : «Cette vie inconnue qui m’attendait là-haut sur le plancher de la salle de bains, ces yeux verts comment pourrais-je m’occuper d’eux? J’avais déjà de la difficulté à m’occuper de moi-même.» (p.22) Au final, il s’occupera, certes, de Jean, mais d’une manière totalement étrange : il l’isole, le cache, l’enchaîne, le nourrit et le fait boire comme on le ferait pour un chien. Il le voit dépérir, souffrir comme le Christ, mais considère que la souffrance est «la chair même de l’âme humaine. Sans elle, il n’y aurait pas d’âme; sans elle, la vie n’aurait pas de valeur, et quiconque, sur un coup de tête, pourrait s’en défaire, la jugeant inutile.» (p.99) Toutefois, Edgar affirme qu’il n’avait «jamais pensé que Jean puisse mourir. […] Comme si la mort n’avait pas de sens. Je ne pouvais m’expliquer cette force aveugle qui m’avait habitée dès que j’avais compris que Jean ne faisait pas seulement partie de ma vie mais qu’il était ma vie.» (p.105)

Edgar demeure isolé, a du mal à se lever le matin, non pas par paresse, mais parce que chaque jour qui commence lui donne mal au ventre. (p.53) Il vient, en quelque sorte, à ne plus savoir ce qu’il a réellement fait : «et si c’était moi l’agresseur, celui qui avait tabassé Jean dans le cimetière, celui qui l’avait démoli à coup de bottes, humilié, souillé… Si c’était moi?» (p.91)

B) Origine de la rupture : Relationnelle, psychique

Explication : Au fur et à mesure que le récit avance, on se rend compte que l’enfance et l’adolescence d’Edgar ont été difficiles. En fait, sa mère, Anne-Marie Trudel, est devenue enceinte d’Alexis lors de leur nuit de noces. Toutefois, cela ne s’était pas déroulé comme elle l’avait cru : «Son Alexis avait été d’une incroyable brutalité avec elle. Pour jouir, il l’avait traitée de putain, l’avait frappée. Ma mère avait pleuré toute la nuit en silence de peur de le réveiller. Son sexe saignait, elle avait peur de mourir, mais elle n’osait pas se lever du lit.» (p.82) L’enfant qu’est Edgar, donc, elle ne le désirait plus : elle avoue avoir voulu le tuer. Sa relation avec sa mère a donc toujours été empreinte de mensonges, de tristesse, Edgar étant le souvenir vivant de toutes les douleurs que sa mère a subies. Tout cela, Edgar l’apprend après la mort de sa mère, car elle avait pris soin d’écrire tout cela dans un cahier. Alexis est mort le jour de la naissance d’Edgar, dans un accident d’auto en se rendant à l’hôpital. Elle se retrouve donc seule pour élever celui né d’une agression qui a tant blessé et humilié Anne-Marie. Edgar affirme qu’il ne s’est jamais senti comme les autres. En parlant de son adolescence, il dit ceci : «Une seule chose m’excitait vraiment : la douleur. Je me coupais. Je le faisais en cachette. […] Un jour, j’avais poussé plus loin ma fascination morbide : je m’étais tranché les veines.» (p.38)

Durant toute sa vie, Edgar sera un homme asocial, timide, solitaire, voire isolé. Il ne développera pas de relations avec les autres. D’ailleurs, lorsque, parfois, il sort et aperçoit des couples qui s’aiment, il affirme ceci : «Le garçon caressait la joue de la fille avec une délicatesse étonnante. […] La jeune fille regardait son amoureux comme si rien autour de lui n’existait […]. Je ressentis soudain un énorme soulagement : je ne serai jamais comme eux. Je ne caresserais jamais avec mes doigts les joues d’une femme aimée. […] Loin de m’attrister, [cette pensée] me remplit d’une force nouvelle.» (p.33) À l’âge adulte, il tentera de se rapprocher de deux personnes : Josiane Gravel, étant la première femme qu’il aborde, qu’il le connaît pas du tout, qu’il voudra épouser malgré tout et qu’il finira pas tuer, puis Edgar, avec qui se développera une relation plus que malsaine.

C) Manifestations : Relation malsaine à l’autre, folie, violence, isolement

Explication :

Une relation fusionnelle se développe entre les deux hommes, Edgar qui, pourtant, n’a jamais eu de relation avec personne auparavant : «Un soir, je me réfugiai dans le lit de Jean et me blottis contre lui. C’était la première fois de ma vie que j’enlaçais quelqu’un.» (p.119) «Je me pliais à ses goûts, mangeais ce qu’il aimait manger, surtout de la viande. Il m’arrivait de me contenter de ce qui restait dans son assiette. J’avais besoin de me sentir plus petit que lui et m’ingéniais à trouver tout ce qui pouvait m’abaisser. Pour chaque ordre que je lui donnais, j’aurais voulu m’infliger une blessure, histoire de compenser. […] Aussi en vins-je à accepter que Jean m’obéisse comme un petit animal. […] Il portait mes vêtements, je me lavais dans l’eau de son bain. Il devinait ce que je pensais et je pensais ce qu’il devinait.» (p.133) «[Jean] était mon enfant et, pendant de brefs instants, blotti dans ses bras, je devenais le sien.» (p.142)

Lorsqu’Edgar rencontre Josiane Gravel, l’infirmière qui soigne sa mère à l’hôpital, une femme qu’il considère d’ailleurs laide, cela ne prend que quelques minutes pour qu’il lui dise qu’il aimerait «l’épouser le plus vite possible, dès que [sa] mère, en fait, aurait succombé à sa maladie.» (p.46) Josiane, certes, n’y comprend rien, le regarde avec mépris et le gifle. Plus tard, Edgar tuera violemment Josiane après qu’elle ait découvert l’existence de Jean, pour ensuite l’enterrer dans son sous-sol.

La façon dont il se prend pour apprendre à la mère de Jean que son trouve se trouve chez lui montre qu’Edgar est empreint de folie : croyant qu’elle va nourrir le chien d’Edgar, elle arrive dans sa maison et voit son fils, qu’elle pensait mort, dans un état terrorisant.

D) Objets : …

Explication :

E) Manifestations spatiales : L’ancrage dans le passé

Lieux représentés : La maison de la mère

Explication : L’action principale du roman se déroule dans la maison de la mère d’Edgar. En fait, après son décès, Edgar décide de demeurer dans la maison de son enfance et de ne rien changer à son apparence. Plus encore, pendant des mois, tous les objets demeureront à leur place, comme si Anne-Marie était encore là. «Neuf mois s’étaient écoulés depuis sa mort, et tout ce qui lui avait appartenu reposait à sa place, narguant son absence définitive.» (p.20) Ainsi, le lit dans lequel Jean est enchaîné est celui de la défunte mère d’Edgar. C’est aussi dans cette maison que seront tuées et enterrées Josiane et la mère de Jean. Edgar a parfois l’impression que sa mère voit ce qu’il fait, et que c’est elle qui rend Jean malade et souffrant : «La maladie de Jean, c’était elle. Ma mère. Elle n’avait pas apprécié que je me débarrasse de ses affaires, pas supporté de voir son fils jeter pêle-mêle dans des sacs-poubelles les restes de sa vie. Elle savait tout, voyait tout, attaquait, minait ce que j’aimais. Rien de mieux que la mort pour surplomber le quotidien des vivants. […] La maison me répugnait comme si le cadavre de ma mère pourrissait à l’intérieur de ses murs, contaminé par le désir malsain qu’elle avait eu pour son mari.» (p.106-107)

ranx/le_christ_obese.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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