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FICHE DE LECTURE

I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Rohe, Olivier

Titre : Un peuple en petit

Éditeur : Gallimard

Collection : NRF

Année : 2009

Éditions ultérieures : -

Désignation générique : roman (1ère de couverture)

Quatrième de couverture :

“Soyons sérieux. Il n'y a pas tente-six mille raisons de se réveiller tôt le matin. Sauf à vouloir faire le malin (kéké). Sauf en théorie. De manière exhaustive, une fois le problème appréhendé dans tous les sens, j'ai pu identifier quatre catégories d'être humains: 1) ceux qui se lèvent tôt pour se rendre à leur lieu de travail )les gens pauvres, les gens issus de l'immigration); 2) ceux qui se lèvent tôt pour aller courir (les hommes politiques, les Serge); 3) ceux qui se lèvent tôt pour uriner sans pouvoir se rendormir (les buveurs de bière, les gens très vieux, très malades); 4) ceux qui se lèvent tôt après un rapport sexuel avec leur femme (les gens très jeunes, très amoureux).”

Olivier Rohe est l'auteur de Défaut d'origine et de Terrain vague (Éditions Allia, 2003 et 2005), ainsi que de Nous autres (Éditions Naïve, 2005), une fiction biographique sur David Bowie. Il a participé, avec Arno Bertina et François Bégaudeau, à l'essai Une année en France, paru en 2007 aux Éditions Gallimard, et est membre fondateur de la revue Inculte. Il vit à Paris et à Berlin.

II- CONTENU GÉNÉRAL

Résumé de l’œuvre :

Le roman se développe sur trois fils distincts (qui ont vraiment très/trop peu de liens ensemble, à mon humble avis), identifiés respectivement par un lieu (“Bochum”), un personnage (“Personnage deux”) et une époque (du “3 janvier 1979” au “5 février 1989”). À Bochum, ville allemande au riche patrimoine théâtral, un acteur d'expérience (et séducteur avec ça) participe à l'élaboration de Mort d'un commis voyageur pour un des théâtres de la ville. En plus de se brouiller avec sa fille, il apprend être atteint d'un cancer qui s'attaque à ses cordes vocales. Passablement problématique pour un acteur. Personnage deux, quant à lui, est un jeune homme qui habite un immeuble, en ville et qui ne fait pas grand-chose de ses journées. Personnage quelque peu pathétique, il se croit investi de la mission de surveiller son immeuble et lorsqu'il sort, il se vexe dès qu'on le traite de “badaud”, même s'il fait tout, en réalité, pour être désigné ainsi, et qu'il finisse par l'admettre à la toute dernière ligne du livre. C'est le seul personnage déconnecté de ce roman (voir IV). Enfin, le troisième fil raconte l'histoire parsemée de violence et de fuites d'un enfant qui grandit dans un pays en guerre.

Thème(s) : Guerre, violence, maladie, théâtre, langage, mots.

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION

Explication (intuitive mais argumentée) du choix :

Comme je l'ai mentionné, un seul des trois personnages au centre des trois différents récits peut être considéré comme déconnecté, mais puisque sa déconnexion se manifeste principalement sur le plan du langage, ce qui est assez rare je crois dans notre corpus (et moins pénible que Boris Schreiber avec son Excavatrice), ce roman est assez pertinent.

Appréciation globale :

Franchement, pas eu beaucoup de plaisir. L'écriture me semble froide, trop formelle, presque exhibitionniste. Mais bon, il y a pire et les quelques bribes d'humour parviennent à alléger la lourdeur de certains passages. J'oubliais de mentionner que lorsqu'un roman présente trois fils, comme ici, il me semble pas mal plus intéressant de créer des résonances entre les fils, ce qui n'est vraisemblablement pas le cas avec Un peuple en petit, à moins que ce ne soit trop subtil pour mes petits yeux…

IV – TYPE DE RUPTURE

Validation du cas au point de vue de la rupture

interprétative :

Le problème d'interprétation dont souffre Personnage deux se manifeste principalement sur deux plans. Premièrement, ses représentations des autres personnages sont imparfaites et surtout instables. Sa voisine, par exemple, change de nom, de forme ou de coiffure à chacune de ses apparitions, passe de laide à jolie, de vieille à jeune, etc. Deuxièmement, Personnage deux semble livrer un combat de tous les instants aux mots, qu'il ne parvient pas toujours à utiliser correctement:
« Je ne dispose, très exactement, que de peu de mots pour les objets. Autant je suis en mesure d'articuler des termes philosophiques abstraits (la conscience, l'intention, etc.), ou d'attribuer des mots conformes aux sentiments complexes qu'ils désignent (je suis perplexe par exemple), autant je suis incapable, mettons, de distinguer un boulon d'une clé de douze. » Il ne croit cependant pas que ce problème est attribuable à une quelconque maladie mentale telle que la dyslexie. Il croit plutôt avoir rencontré, dans sa vie, « plus d'objets que de mots. » (p. 22-23)

Et plus le roman avance, plus « Personnage deux » a de la difficulté à se faire comprendre à cause des nombreuses traces de ses hésitations qui émaillent son récit. Presque chaque mot est accompagné entre parenthèses d'un synonymes ou d'une précision, ce qui rend son récit difficile à lire. En plus, lorsqu'il se décide à parler à un autre personnage personnage, ça sort tout croche, comme s'il ne choisissait jamais le bon mot pour s'exprimer : « L'envie (catégorie (classe) (nomenclature) : pressante (impérieuse (irrépressible) (quelque chose d'assez urgent si tu veux)) d'aller (rendre) aux toilettes (commission no 2) a eu raison (triompher de) (annihiler) (humilier) de ma décision de ne plus bouger d'un pouce (cheveux) (inch) de mon lit. C'est ce que j'ai dit à (Jean, Jean-Erwan ou Abdelatif) Ducraux, que j'ai croisé […] » Et voici maintenant ce que Personnage deux dit véritablement à Abdelatif quand il le croise dehors au milieu de la nuit  : « Alors que j'avais l'intention, ferme bien sûr, de (bidonner) prétexter un jogging impromptu, c'est bien à la vérité (vérité vraie) (crue) (nue) (triste vérité) qu'Abdelatif a eu droit : « l'envie de nomenclature impérieuse si tu veux de rendre la commission no 2 aux toilettes a triomphé de ma décision de ne plus bouger d'un inch de mon lit. » » (p. 169-170)

Bref, Personnage deux se noie sous l'abondance des mots : son style devient illisible, son propos incompréhensible. Peut-être à la façon Boris Schreiber dans L'excavatrice ou, à l'extrême, aux oeuvres de Samuel Beckett. En fait, Personnage deux en vient à être tellement étranger à ce qu'il entoure, incapable de déchiffrer le monde, qu'il devient une sorte de spectateur de sa propre vie, de simple “badaud” se regardant lui-même se débattre.

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES

- La fiabilité de Personnage deux comme narrateur est mise en doute par sa difficulté langagière et son inconstance flagrante (ce n'est toutefois pas le cas pour les deux autres narrateurs, qui ne sont d'ailleurs pas des personnages déconnectés, eux) - Triple récit (je le mentionne, mais je ne vois pas en quoi ça pourrait être lié à la déconnexion) - La ponctuation est difficile et elle aussi inconstante, particulièrement dans le récit de Personnage deux et plusieurs phrases sont très très longues, interminables. En liant cet élément aux problèmes de choix de mots de Personnage deux, on peut probablement dire que le roman joint à un personnage déconnecté une certaine déstructuration des codes du langage.

ranx/un_peuple_en_petit.1368991526.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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