Sympathie pour le diable
Quatrième de couverture
« Depuis dix ans, j’ai trop vu, trop senti, trop admis et pas assez haï. Depuis, je glisse vers l’obscurité et la réclusion. Entre l’obéissance à la vie et la démence des souvenirs, je suis vieux de plusieurs morts. Mes victoires sur moi-même débouchent sur le vide. Je modèle ma mémoire pour la rendre supportable. Conciliable avec la survie. J’ai voulu crever mes yeux. Mes paupières sous mes doigts sont des remparts imprenables. Je continue à regarder jusqu’à en mourir dans des peines indolores. Je regarde pour tricher. Feindre parce que trop lâche. La balle dans la bouche et c’est la légèreté. J’avais à peine une vingtaine d’années quand j’ai appris l’algèbre damnée et le mépris du pardon. Je voulais dénoncer la mort. Je m’aperçus que je la précédais et qu’il me fallait transmettre l’héritage du carnage. »
Paul Marchand a aujourd’hui trente-quatre ans, dont huit passées dans le journalisme de guerre, à Beyrouth et à Sarajevo. Ces événements marquants, dont il nous a fait régulièrement le compte rendu à la radio de Radio-Canada, forgent inévitablement une façon toute particulière de voir et de comprendre le comportement des hommes. C’est ce cauchemar qu’il raconte, avec des mots et des images d’une beauté fulgurante, dans cet ouvrage extrême, véritable tourbillon de la mémoire qui nous renvoie sans cesse à la mort et à l’absurdité des guerres.
Paul Marchand est revenu de ce voyage au bout de l’horreur non sans y avoir laissé un peu de sa vie. Et pour rendre compte de ces taches de sang qui maculent à jamais l’Histoire, il a écrit ce récit de l’Insoupçonnable, sans enflures mélancoliques, loin des rituels de l’autoflagellation. Beaucoup plus qu’un livre de souvenirs, Sympathie pour le diable est une œuvre d’art qui sonde nos consciences, secoue nos torpeurs et questionne les pouvoirs, tous les pouvoirs.
Justification
Moins un roman qu'un récit, Sympathie pour le diable raconte la guerre avec un regard sordide. Il est divisé en sept chapitres, chacun centré sur un événement particulier (expulsion de Beyrouth, balle perdue, souffrance, alitement…). Malgré ces événements typiquement liés à l'imaginaire militaire, l'oeuvre est principalement axée sur la description de la mort, de l'absurdité de la guerre.
« On est loin du récit de guerre héroïsant. Le « grand événement » est absolument neutralisé, on n’interroge ni ses motivations idéologiques, pas plus qu’on ne dénonce les horreurs de l’un ou l’autre camp en présence : on montre, strictement, des cadavres. […] [I]l neutralise littéralement l’extraordinaire de la guerre pour la faire voir dans toute son insignifiance. »
FORTIER, Frances, « Le statut de l’événement dans le récit littéraire contemporain », dans Isabelle DÉCARIE, Brigitte FAIVRE-DUBOZ et Éric TRUDEL [dir.], Accessoires. La littérature à l’épreuve du dérisoire, Québec, Éditions Nota bene (Essais critiques), 2003, p, 51.