La catégorie Communauté nous permet d’analyser les divers rapports que les fictions construisent entre l’individu et ses appartenances multiples, de même que les modes de signification, les luttes, les formes de partage ou de constitution qui s’y inscrivent. Si Pavel a montré que l’histoire du roman est celle de la lutte entre les idéaux individuels et leur difficile actualisation dans une réalité sociale, Biron laisse de son côté entendre que le personnage d’aujourd’hui n’est plus ce héros problématique. On cherchera ainsi déterminer sur ce point quels rapports s’établissent désormais entre le personnage et le monde, s’ils ne sont plus de lutte, et en quoi l’organisation narrative, dont la quête et la lutte sont les paradigmes critiques dominants, se transforme. Que la lutte ne soit plus celle, donquichottesque, d’un contre tous, cela signifie-t-il pour autant que la (ou les) communauté(s) représentée(s) sont exemptes de luttes ou de tension ? Le monde de la fiction modélise-t-il et donne-t-il à penser les mutations et déchirures que le néolibéralisme impose au tissu social ? Si le roman est bien le genre individualiste par excellence et que l’individu s’estompe, de quoi alors le roman témoigne-t-il, et comment ? Les communautés qui donnent traditionnellement sens au fait humain (milieu, famille, statut social, etc.) demeurent-elles à l’œuvre ou d’autres s’y substituent-elles ? Qu’est-ce qui détermine le fait humain et en quoi cela implique-t-il des transformations narratives et fictionnelles ? Bref, selon quel(s) modèle(s) les fictions suggèrent-elles de penser les transactions entre l’individu et la (ou les) communauté(s), et de construire le communautaire ? Comment construisent-elles ces objets et le regard qu’elles posent sur eux ?
Les textes que nous recherchons ici doivent mettre en scène des individus qui posent un questionnement sur les valeurs collectives et individuelles, qui sont en rupture ou en cohésion avec leur entourage, avec la société dont ils font partie ou même avec leur culture. Comment se négocie le rapport entre les individus et la société et/ou les groupes et pourquoi? Peut-on encore penser le personnage sur le mode de l'individu (unité, trajet linéaire dans le temps, etc.) ?
Puisque nous recherchions uniquement des personnages en situation de rupture avec le monde dans le RANX 2, j'ai pris la liberté de séparer le corpus en deux catégories; soit les romans où les personnages sont «déconnectés» de la communauté et les romans où les personnages sont plutôt «connectés» ou en cohésion avec celle-ci.