Impressions de lecture sur Fragments de la vie des gens de Régis Jauffret
Aïe, aïe, aïe! C'est terriblement déprimant.
Il s'agit de 57 courts textes, que Jauffret nomme des romans, car il trouve les termes nouvelle et récit aussi tristes que des cercueils. Chaque texte raconte la vie terriblement ennuyeuse d'un homme ou d'une femme (mais beaucoup plus souvent d'une femme). Ce sont soit des personnages en couple, avec une famille, ou d'éternels célibataires. Ils sont tous très insatisfaits de leurs vies et pensent très sérieusement au suicide (certains passent d'ailleurs à l'acte).
Au cours de la lecture, les personnages nous font part de leur haine viscérale envers eux-mêmes, leurs conjoints, leurs amants, leurs enfants et la société au complet. Les romans sont tous très axés sur l'autodestruction et sur l'ennui perpétuel. Tous les personnages rêvent d'une vie plus trépidante, mais ils ne font pas les gestes nécessaires pour l'obtenir.
Je note également, puisque c'est le second roman de Jauffret que je lis, qu'il est encore une fois souvent question d'un rapport difficile à la sexualité et d'une entente impossible entre homme et femme. Les hommes sont présentés comme de plus en plus exigeants sexuellement et très peu engagés émotionnellement. Les femmes, elles, ressentent, soit un dégout par rapport à leur conjoint et une perte de désir drastique qui minent leur relation jusqu'à les mener à la haine, soit une très forte libido et le besoin d'entretenir des relations extraconjugales avec des inconnus qui souvent les blessent ou les violentent. Il est question à plusieurs reprises dans le roman de viol ou d'inceste (parfois souhaitée ou imaginée). Le suicide est également souvent mis en scène.
Il est intéressant de noter qu'aucun prénom n'est utilisé dans le roman, il est toujours question de il ou de elle, ce qui peut rendre un peu confuse une histoire où plusieurs il ou elle sont impliqués. Nous pouvons ainsi croire que certains romans sont des suites, mais rien ne permet de le confirmer, à part quelques ressemblances de caractère entre les personnages (par exemple l'obsession d'écrire). Les personnages ne possèdent donc pas vraiment d'identité propre, ils n'ont pas de prénom ou de caractéristiques physiques les différenciant.
Dans le texte de la quatrième de couverture, Régis Jauffret avoue que ces romans sont le prisme à travers lequel, à un moment de sa vie, il a considéré sa propre existence et la société entière, il s'inspire donc un peu de ses expériences, de ses impressions et de ses sentiments (ça me donne envie de l'enrouler dans une couverture, de lui donner un chocolat chaud et de lui dire que tout va bien aller!).
Comme Seb l'écrivait dans sa fiche pour diffraction, les temps de verbe employés sont particuliers et intéressants. Ils varient grandement et mêlent dans la même histoire le présent, le futur, le conditionnel et le subjonctif, mêlant du même coup le réel de la fiction, l'imaginaire du personnage et son avenir. Le conditionnel est très souvent utilisé, ce qui montre que les personnages ont parfois des intentions, mais qu'ils n'agissent pas. Ils se terrent dans la monotonie de leurs vies et attendent que le temps passe pour que leurs existences se terminent.