Table des matières
FICHE DE LECTURE
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Dubois, Jean-Paul
Titre : Les accommodements raisonnables
Éditeur : Éditions de l'Olivier
Collection : -
Année : 2008
Éditions ultérieures : 2009 (Points)
Désignation générique : -
Quatrième de couverture :
Paul Stern – toulousain, la cinquantaine – hésite. Entre une épouse (Anna) qui s’enfonce dans une profonde dépression et s’éloigne de lui chaque jour davantage et un père (Alexandre) dont le remariage scandaleux lui révèle soudain la vraie nature, il est tenté de tout abandonner. La proposition d’un studio de cinéma tombe à pic : quoi de plus providentiel qu’une année à Hollywood pour réécrire le scénario d’un film français afin d’en tirer un remake ?
Embauché par la Paramount, Paul découvre un univers entièrement factice qui le renvoie à ses propres contradictions. Jusqu'au moment où, dans un couloir des studios, il rencontre Selma Chantz. Et sa vie bascule. Car Selma est le sosie parfait d’Anna, avec trente ans de moins…
Après un détour par le comique (Vous plaisantez, monsieur Tanner) et l’inquiétante étrangeté (Hommes entre eux), Jean-Paul Dubois a écrit un grand roman sur l’illusion dont chacun de nous est la proie, jetant sur son époque un regard lucide. On y retrouve le souffle romanesque d’ Une vie française, et le charme de ses héros, éternels adolescents écartelés entre leur amour de la vie et leur sens aigu de la culpabilité.
Jean-Paul Dubois est né en 1950 à Toulouse, où il vit actuellement. Journaliste, puis grand reporter pour Le Nouvel Observateur, il examine au scalpel les États-Unis et livre des chroniques rassemblées en deux volumes aux Éditions de l'Olivier : L'Amérique m'inquiète (1996) et Jusque-là tout allait bien en Amérique (2002). Écrivain, Jean-Paul Dubois a publié de nombreux romans, Je pense à autre chose, Si ce livre pouvait me rapprocher de toi, etc. Il a obtenu le prix Femina et le prix du roman Fnac pour Une vie française.
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :
À la mort du riche, vénal et excentrique Charles Stern, son frère Alexandre, son pire ennemi parce que totalement aux antipodes de la vie dissolue de Charles, hérite de la fortune de ce dernier et, surtout, étrangement, de son tempérament, de ses goûts de luxe et de son ancienne maîtresse. Le fils d'Alexandre, Paul, reste plutôt indifférent à ce décès. Scénariste à Toulouse, il mène une vie de couple routinière et pathétique avec Anna. Ils n'ont plus rien à se dire, les enfants sont partis et Anna est en pleine dépression. Refusant de sacrifier à l'hypocrisie des relations sociales et de couple, elle préfère se faire volontairement interner pendant quelques mois. Quant à Paul, on lui propose un travail de scénariste à Hollywood où il est chargé d'écrire le remake d'un minable film français. Même si le scénario sur lequel il travaille n'a rien de franchement motivant, pendant un peu moins d'un an, la Californie est l'occasion pour Paul de fuir son couple ennuyant et déprimant. Il y découvre un univers souvent superficiel et déjanté, où l'élevage de champignons thérapeutiques côtoie des réceptions mondaines huppées. Il rencontre également Selma, le sosie parfait d'Anna avec quelques dizaines d'années en moins et de l'énergie positive en plus. Paul finit toutefois par réaliser que sa vie à Hollywood n'a pas davantage de sens que sa vie française, que, dans les deux cas, lui-même et tous ceux qui l'entourent ne pourront retrouver l'apaisement que grâce à certains accommodements raisonnables, à certains mensonges et illusions qu'il faut entretenir, volontairement ou non. Anna ayant terminé sa cure, Paul va la retrouver à Toulouse et, en faisant l'amour avec elle (p. 232-234), réalise qu'il préfère “faire semblant de ne pas voir qu'Anna [fait] semblant”, bref “faire ce qu'il faut” pour maintenir un équilibre plutôt que de basculer dans le gouffre de la dépression ou d'un hédonisme extrême.
Thème(s) : Cinéma, routine, couple, dépression, adultère, hypocrisie, famille.
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Les personnages de Paul et Anna sont en rupture avec leur univers de référence, mais pas déconnectés pour autant puisqu'ils sont capables de donner sens à leur monde et qu'ils décident volontairement, consciemment de le quitter pour un temps. Bref, je dirais que c'est moyennement pertinent pour le projet.
Appréciation globale : Lecture agréable, un brin d'humour noir. La thématique du désintéressement de la vie est aussi présente dans le roman suivant de Dubois, Le cas Sneijder.
IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture
Ni actionnelle ni interprétative…
Les personnages d'Anna et de Jean-Paul sont tous les deux parfaitement capables d'interpréter le monde. Toutefois, ils ne sont pas d'accord avec ce monde qu'ils voient et dans lequel ils vivent depuis longtemps, ce qui les pousse à fuir. Anna choisit l'internement parce qu'elle ne le supporte plus : « Je ne suis pas malade. Je suis simplement arrivée à un moment de ma vie où je ne vois plus les choses de et les gens de la même façon. Ce n'est pas une maladie, c'est une modification des perspectives. […] Quand je dors, j'ai les yeux grands ouverts. […] il y a des choses que je souhaite ne plus voir, ni entendre, ni vivre. » (50)
Paul, quant à lui, est mis en face de sa propre inutilité dans la vie qu'il partage avec Anna. Celle-ci lui dit : « la vie continuera sans toi parce que tu ne sers à rien ici. Je ne te dis pas cela par méchanceté, mais parce que c'est vrai. Certains jours je ne sais même plus si tu es là. Le plateau-repas m'indique que tu es monté dans la chambre, c'est tout. Et ça m'est égal parce que je n'ai pas faim. […] Quand tu seras parti, je continuerai de dormir de la même façon. Tout ira très bien. Si j'ai besoin de quoi que ce soit, je demanderai aux enfants. Voilà. » (49) Paul part donc à la recherche d'une expérience de vie différente qui passe par un nouveau pays, un nouvel emploi, de nouvelles fréquentations, de nouveaux loisirs, etc. Toutefois, même à Hollywood, son effet sur le monde demeure très limité : le scénario qu'il est chargé d'adapter a peu de chances de devenir un film et, surtout, tout le monde se fiche du résultat; le producteur confie la réalisation à un cinéaste hasbeen pour ne pas le payer cher, n'impose aucun délai au scénariste et ne prend même pas la peine de lire le scénario une fois celui-ci terminé.
Paul et Anna finissent par mettre fin à leurs fuites et se retrouvent à nouveau, prêts à vivre dans leur réalité à eux, construite par un système de « liens invisibles qui nous reliaient les uns aux autres, qui faisaient que nous étions tous censés avoir envie de vivre un jour de plus. Et que, pour cela, nous étions prêts à tous les compromis, tous les accommodements raisonnables » (99), qu'il s'agisse de feindre l'orgasme pendant le sexe, de feindre le bonheur en couple, de feindre la foi pour un athée, de feindre le plaisir dans la frugalité.
« Nous [Paul, Anna et Alexandre] étions partis chacun dans des directions lointaines ou opposées, aveuglés par diverses formes de paniques, comme si quelque chose d'impérieux nous chassait de nos vies. L'origine de cette étrange épidémie rôdait quelque part en nous-mêmes. Les accommodements raisonnables que nous avions tacitement conclus nous mettaient pour un temps à l'abri d'un nouveau séisme, mais le mal était toujours là, tapi en chacun de nous, derrière chaque porte, prêt à resurgir. » (259-260)
Bref, je me répète : Les personnages de Paul et Anna sont en rupture avec leur univers de référence, mais pas déconnectés pour autant puisqu'ils sont capables de donner sens à leur monde et qu'ils décident volontairement, consciemment de le quitter pour un temps.
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Rien de marquant de ce point de vue. La narration est linéaire, fiable et le roman repose une intrigue qui se conclut « normalement ». En passant, narration autodiégétique.