fq-equipe:puysegur_edmond_de_1983_la_grande_bibliotheque_paris_flammarion._sebastien_hogue

Fiche de lecture

1. Degré d’intérêt général

Même si cet ouvrage possède un certain intérêt pour le projet de quête et quelques éléments potentiellement pertinents à propos de la diffraction, j'en déconseille la lecture à toute personne ayant mieux à faire, comme regarder une poussière voler, par exemple, ou compter les nuages un jour de pluie. La raison en est simple, et je crois qu'elle explique également qu'il y ait eu si peu de travaux critiques sur cette oeuvre pourtant singulière, c'est que La grande bibliothèque demeure platement hermétique. Pour le lecteur pourtant pas si novice que je suis, l'écriture trop dense et les couches de textes superposées ont achevé de réduire à néant mon intérêt de lecture et, corrélativement, ma volonté de découvrir un sens dans cette oeuvre.

2. Informations paratextuelles

2.1 Auteur : Puységur (les dernières pages du roman laissent croire qu'il s'agit d'un pseudonyme)

2.2 Titre : La grande bibliothèque

2.3 Lieu d’édition : Paris

2.4 Édition : Flammarion

2.5 Collection : Textes

2.6 (Année [copyright]) : 1983

2.7 Nombre de pages : 315 p.

2.8 Varia : Sous-titré “roman”

3. Résumé du roman

Récit de la grande bibliothèque (le récit principal): Edmond et Pierre, deux frères, sont en voyage dans un pays inconnu, dirigé par des intellectuels, dont le centre névralgique est une mystérieuse bibliothèque. En qualité d'hôtes, les deux hommes sont exceptionnellement invités temporairement à pénétrer dans la bibliothèque, ce qui généralement demande plusieurs années d'effort et d'abnégation aux gens du pays. Dans cette institution labyrinthique, chaque livre est “incarné” par une femme qui appartient au lecteur le temps de sa lecture et qui doit satisfaire ses désirs pour un maximum de six mois consécutifs (en fait, une hiérarchie incompréhensible et une foule de règles compliquent les rapports entre lecteurs et livres, entre lecteurs et femmes, entre femmes et livres, et entre lecteurs et lecteurs). “Les hommes qui ont le privilège d'être admis dans cet étrange établissement peuvent passer leur vie à rechercher, à travers les diverses “incarnations”, une pensée qui les fuit.” (Anne-Marie Chaintreau et Renée Lemaître, Drôle de bibliothèques, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 1990, p.108). Le temps impossible à compter y est également un des enjeux importants. Le récit présente l'ascension de Pierre qui comprend les rouages de la bibliothèque et suit ses règles, en parallèle avec la déchéance d'Edmond qui, lui, ne peut s'empêcher de mêler le monde extérieur à sa vie bibliothécaire, ce qui est rigoureusement interdit.

4. Singularité formelle

Malgré la mention “roman” sur la page couverture, La grande bibliothèque se divise plutôt en trois parties à peu près distinctes, suivies d'une postface : 1. “Le récit de la grande bibliothèque” (p.13-207) raconte la vie des deux frères dans la bibliothèque et contient un dossier comprenant des brouillons, des notes et des plans de la bibliothèque ; 2. “Crypte et autres courts récits” (p. 209-269) regroupe des nouvelles, toutes narrées à la première personne et se déroulant dans un univers oppressant, inquiétant ; 3. “Marques d'origine” (p. 271-309) donne des informations confuses à propos de l'origine et de l'auteur ou des auteurs de l'ouvrage.

5. Caractéristiques du récit et de la narration

Le frère aîné, Edmond, est le narrateur à la première personne du “récit de la grande bibliothèque”, par ailleurs non achevé, ainsi que des notes éparses qui le suivent. Chaque court récit de la deuxième partie est ensuite narré par un JE anonyme. La troisième partie, enfin, est soi-disant racontée par le frère de l'auteur du “récit de la grande bibliothèque” et ce frère serait responsable de la publication de l'ouvrage.

Le “récit de la grande bibliothèque” est divisé en fragments assez longs. Il n'y a pas à proprement parler de transition ou de coupure très franche entre ceux-ci, mais l'absence de repères temporels et la faible causalité ressemble parfois à une sorte de flux de conscience ou à une suite de rêves qui aurait été retravaillée sans relâche, jusqu'à faire disparaître les incongruités. Mais je m'avance peut-être un peu…

De plus, l'adresse au lecteur avoue que l'ordre des différents textes composant l'ouvrage n'est pas chronologique et que le lecteur qui accorde de l'importance à ce point peut lire les récits dans un ordre différent, précisé dans le livre, mais que je ne reproduis pas ici.

6. Narrativité (Typologie de Ryan)

6.1- Simple

6.2- Multiple

6.3- Complexe

6.4- Proliférante

6.5- Tramée

6.6- Diluée

6.7- Embryonnaire

6.8- Implicite

6.9- Figurale

6.10- Anti-narrativité

6.11- Instrumentale

6.12- Suspendue

Justifiez :

Diluée, parce qu'une intrigue est difficilement décelable à travers l'univers que constitue la description des rouages, des ouvrages et des femmes de la bibliothèque. Les fils potentiels de l'intrigue (une femme à laquelle le narrateur s'attache, par exemple) sont soit carrément rejetés, soit dilués dans le reste du texte, comme s'ils disparaissaient de l'esprit même du narrateur.

7. Rapport avec la fiction

On apprend dans la troisième partie (mais tout est flou et contradictoire, ce qui fait qu'on finit par ne rien pouvoir conclure) qu'Edmond Puységur serait un personnage fictif et un pseudonyme utilisé par le frère du narrateur pseudo-auteur actuel dès 1953 (p. 271), mais que le narrateur des “Marques d'origine”, “son frère Pierre” (p. 308), est forcé d'utiliser l'artifice du double auteur… Y aurait-il finalement un seul auteur ? Enfin, un passage de la postface donne une idée de la confusion qui règne dans la troisième partie et dans la postface: “Dans cet avant-propos [(car la postface était auparavant un avant-propos)], Pierre annonce, somme toute, qu'il a l'intention de se “substituer à l'auteur”. Et cela, il le reconnaît lui-même, complique déjà beaucoup la situation. Mais que penser quand celui qui prétend à juste titre au nom d'auteur feint d'être, fût-ce le temps d'une lettre, celui qui se substitue à l'auteur ?” (p. 316).

8. Intertextualité

Il y a une prolifération de livres, de textes et de personnages dans La grande bibliothèque. Outre qu'elles tendent souvent (mais pas toutes) à problématiser le rapport avec les femmes, les oeuvres citées et lues par le narrateur sont assez disparates (Lady Chatterley's Lover, Le déclin de l'Occident, Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, etc.). Par ailleurs, chaque incarnation féminine doit représenter du mieux qu'elle le peut, par son corps, sa personnalité et ses actions, le livre auquel elle est reliée. La plus importante intertextualité me semble concerner À la recherche du Temps perdu, notamment à cause d'un commentaire du frère du narrateur/pseudo-auteur qui suggère que la bibliothèque fonctionne en partie sur l'impossibilité de revenir en arrière, ce que le narrateur du “récit de la grande bibliothèque” fait justement après avoir lu la Recherche.

9. Élément marquant à retenir

Le problème, c'est justement que je ne retiens à peu près rien de La grande bibliothèque et de son interminable galimatias onirico-philosophique à tendance sur-métafictionnelle. Vous n'y comprenez pas grand-chose ? Moi non plus, hélas !

J'ai le regret d'admettre que cet ouvrage m'a vaincu par sa saturation: saturation de l'incohérence et/ou de l'absence de progression, de l'intertextualité, de la métafiction, d'un discours métaphorique trop obscur, etc. Pour finir, voici une phrase qui me semble représentative de La grande bibliothèque, même si elle n'explique pas grand-chose : “Le propre du récit est d'être interminable ; la lecture ne renvoie qu'à la lecture; le commentaire est infini”.

fq-equipe/puysegur_edmond_de_1983_la_grande_bibliotheque_paris_flammarion._sebastien_hogue.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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