Rapport partiel sur la littérature française contemporaine Ouvrage collectif Devenirs du roman Œuvres soumises au prix Marie-Claire Blais 2009 (publiées en 2008)
Du côté de la littérature française, mes dernières interventions se limitent à la lecture du collectif Devenirs du roman (Collectif Inculte, édition Inculte naïve, 2007) et par la lecture d’un corpus de 12 premiers romans français parus en 2008 pour la présélection du pris Marie-Claire Blais. Voici d’abord une version abrégée de mon rapport de lecture de Devenirs du roman (la version longue sera versée à mon dossier dans le Wiki), suivie de mes remarques au sujet de l’échantillonnage de romans lu pour le prix Marie-Claire Blais.
Devenirs du roman
Voilà, je constate que j’ai passé beaucoup trop de temps à dépouiller ce livre pour en tirer la légendaire substantifique moelle (qui est plutôt inégale, finalement). En résumé, il y a du bon, du moins bon, on est d’accord ou pas et (parfois ? souvent ?) on a le sentiment de perdre son temps ou on trouve ça jouissif par moment, c’est comme ça. En bref, on peut reprendre les mots de l’avant-propos et conclure que « […] ce livre ne se veut ni un état des lieux, ni un panorama, ni un précis de la littérature de maintenant; encore moins un palmarès ou une anthologie. (p.12) », parce que c’est bien vrai. Ce livre est un assemblage d’entretiens avec des auteurs, de réflexions ou de coups de gueules de d’autres auteurs et de textes plus ou moins incompréhensibles du collectif Incultes. Voici donc la liste des plus (suivra la liste des textes qui sont moins intéressants) et des points les plus souvent repris au sujet du roman contemporain et en devenir.
Les plus, donc : Je retiens « Les Engagés ne sont pas légion » de François Bégaudeau (c’est bien), le texte de Pierre Parlant sur la poésie et le roman (« Feinte à roman, la poésie »), le texte sur la fiction documentaire (Emmanuelle Pireyre, « Fictions documentaires »), « Suite » le mini-délire de Pierre Senges (l’auteur de La réfutation majeure). Ensuite, les entretiens sont presque tous intéressants (encore que les questions de celui avec Chevillard m’ont paru un peu pompeuses et que les réponses de Philippe Forest m’ont exaspérée, les autres sont très bien). Le texte de la fin (« Ostranenie », d’Étienne Celmare) m’a plu, bien qu’il soit plutôt emporté.
Les moins (délires, etc.) : Le texte « 10, rue Oberkampf » me semble un peu futile (c’est le supposé verbatim d’une conversation entre les membres du collectif et on ne sait pas qui dit quoi, ça énerve. À retenir, ils emmerdent Kundera.). J’aime moins William Marx avec l’annonce de SA solution pour une sortie de crise du roman français et pour le fait que pour lui, la littérature c’est français, mais peut-être ai-je un problème personnel avec W. Marx, ce n’est peut-être pas si négatif que ça. Philippe Forest ne m’a pas fait une grande impression, il se prend clairement pour un autre et lance des pointes à l’univers entier et affirme que le pathos, c’est le grand sujet incompris de la littérature actuelle. Je n’ai pas trop compris « La loi du flow », il y est question du retour de la littérature orale (avec les slammeurs et les rappeurs par exemple), mais ça ne semble pas clair si le phénomène est présenté positivement ou négativement.
Les éléments qui ressortent au sujet du roman contemporain et en devenir : Le rapport entre réel et roman (c’est encore très fort), le roman est multiforme (ou informe) et résiste à la définition, William Marx parle encore de la dévaluation de la littérature (bon, c’est son sujet), le genre roman comme « étiquette de vente », l’engagement et la pensée désertent le roman (on le déplore ou le célèbre, c’est selon), Chevillard est contre le réel, les idées reçues et la vérité dans (et sur) le roman, les idées ont quitté le romanesque et on ne sait pas si on doit en rire ou en pleurer.
Prix Marie-Claire Blais
Une activité parallèle au projet de recherche m’a amené à lire une douzaine de roman français parus en 2008 pour la présélection du prix Marie-Claire Blais durant l’été. Ce prix est attribué à un premier roman d’un auteur français par l’Association Québec-France. Au sujet des romans lus cet été, les délibérations se poursuivent sur une sélection plus restreinte de trois romans auprès des membres de l’association. En principe, le prix sera remis au Salon du livre de Québec en avril. Ces romans sont tous des premiers romans, ils ont tous été écrits par des résidents français et ils ont tous été édités par des éditeurs différents (je crois qu’un même éditeur ne peut pas proposer plus d’un titre). Certaines fiches seront complétées au sujet de quelques-uns des livres, j’avoue que certains titres ne sont pas particulièrement intéressant et, dû à des contraintes de temps (et au fait que je n’ai pas pu garder tous les livres), je ne présenterai pas de fiches à leur sujet. Les romans qui seront bientôt disponibles sous forme de fiche sont donc les suivants : Le Passé devant soi (Gilbert Gatore), L’inachevée (Sarah Chiche), Vasilsca (Marc Lepape) et L’arbre d’ébène (Fadéla Hebbadj). Les trois premiers romans cités sont ceux retenu à la suite de la présélection pour le prix.
Contrairement à certaines rumeurs voulant que le roman d’apprentissage soit particulièrement populaire chez les romanciers débutant, on retrouve une certaine variété de styles et de sujet dans la sélection 2008 : roman décrivant l’expérience traumatique d’une survivante du génocide du Rwanda, roman semi-policier au sujet d’une artisane relieuse dans un petit village du sud de la France, roman du terroir (oui-oui), description des problèmes d’une trentenaire névrotique, un hommage à « La vie devant soi », l’histoire d’un boucher se transformant progressivement en porc, un village se rassemblant autour d’un projet axé sur À la recherche du temps perdu…
Suite à mes recherches sur les caractéristiques attribuées aux romans québécois contemporains, j’ai pu déceler certaines ressemblances entre les deux corpus. On relève d’abord la présence d’écritures migrantes (Gilbert Gatore et Salla Dieng sont présentés en quatrième de couvertures de leurs livres comme étant nés à l’étranger). Aussi, les personnages tendent à se chercher en voyageant à l’étranger (L’inachevée, Vasilsca, Les bains de Kiraly et, dans une certaine mesure, Le dernier voyage et Les saisons du bocage). La question du rapport à la littérature est aussi très présente, dans presque l’ensemble des titres. On retrouve des nombreuses citations de Cyrano de Bergerac dans La relieuse du gué, le roman La petite cloche au son grêle présente un jeune garçon et sa mère qui sont séduits par l’œuvre de Proust et les personnages de L’inachevée, L’arbre d’ébène, Vasilsca, La petite cloche au son grêle, Les bains de Kiraly, Le relieuse du gué, Une vraie boucherie sont tous présentés comme des lecteurs avides en plus d’êtres, à l’occasion, reliés professionnellement au domaine littéraire (traducteur, rédacteur, libraire, écrivain …). À l’opposé, j’ai constaté une tendance qui ne semble pas exister au Québec et qui présente une valorisation des métiers traditionnels ou artisanaux. Ainsi, La relieuse du gué décrit en détail le travail de relieur d’art, Une vraie boucherie traite du fonctionnement d’une boucherie de village et même des techniques traditionnelles d’abattage du bétail, Les saisons du bocage détaille la vie de paysans français aux lendemains de mai 68 et, enfin, Le dernier voyage raconte les derniers jours d’un marinier, propriétaire de péniche.
1. CHICHE, Sarah, L’inachevée, Paris, Grasset, 2008, 177 p.
2. CLAUTOUR, Jean-Jack, Les saisons du bocage, La Crèche, Geste éditions (Roman de Terroir), 2008, 229 p.
3. DELAFLOTTE MEHDEVI, Anne, La relieuse du gué, Montfort-en-Chalosse, Gaïa, 2008, 268 p.
4. DIENG, Salla, La dernière lettre, Paris, Présence africaine, 2008, 180 p.
5. GATORE, Gilbert, Le Passé devant soi, Paris, Phébus, 2008, 216 p.
6. HEBBADJ, Fadéla, L’arbre d’ébène, Paris, Buchet/Chastel, 2008, 172 p.
7. JANNIN, Bernard, Une vraie boucherie, Seyssel, Champ Vallon (Collection Détours), 2008, 159 p.
8. LEPAPE, Marc, Vasilsca, Paris, Galaade éditions, 2008, 184 p.
9. MATTERN, Jean, Les bains de Kiraly, Paris, Sabine Wespieser Éditeur, 2008, 133 p.
10. POISSONNIER, Bruno, Le dernier voyage, Paris, Métailié, 2008, 121 p.
11. RICHEMONT, Blanche de, Pourquoi pas le silence, Paris, Robert Laffont, 2008, 123 p.
12. VACCA, Paul, La petite cloche au son grêle, Paris, Philippe Rey, 2008, 185 p.