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Liberté 1986-1992_Réjean Beaudoin

PORTRAIT D’UNE CRITIQUE OU D’UN CRITIQUE

A) Informations générales

Textes étudiés :

  • « Pauline Harvey : Shawinigan à Montréal, station Berry », Liberté, no 164, avril 1986, p. 125-131.
  • « Une soif intérieure », section « Pour non-liseurs », Liberté, no 164, juin 1986, p. 152-153.
  • « Les mouches du plafond », Liberté, no 165, juin 1986, p. 126-131.
  • « Nouvelles du dernier siècle », », Liberté, n° 167, 1986, p. 100-105.
  • « Du roman familial à la scène historique », Liberté, no 168, 1986, p. 74-79.
  • « La ville toute verte, bordée de montagnes enneigées », Liberté, n° 170, 1987, p. 118-124.
  • « La passion cuisinée » Liberté, n° 171, 1987, p. 90-94.
  • « Rééditions », Liberté, n° 175, 1988, p. 61-68.
  • « Trois nouvellistes », Liberté, n° 178, 1988, p. 84-89.
  • « La littérature comme effet spécial », Liberté, n° 179, 1988, p. 75-84.
  • « “La peinture n’enseigne rien” », Liberté, n° 180, 1988, p. 62-68.
  • « Roman en couleurs et récit en noir et blanc », Liberté, n° 182, 1989, p. 58-64.
  • – Avec Robert Melançon « Chronique d’une mort différée » Liberté, n° 183, 1989, p. 138-143.
  • « Sentir l’animal à plein nez », Liberté, no 181, 1989, p. 46-50.
  • « Au delà des signes », Liberté, n° 184, 1989, p. 106-112.
  • « Passeurs de frontières », Liberté, n° 185, 1989, p. 124-128.
  • « Accueillir, non choisir », Liberté, n° 186, 1989, p. 98-105.
  • « Le vin de la tendresse », Liberté, n° 188, 1990, p. 94-104.
  • « “Le chemin du milieu du monde” », Liberté, n° 189, 1990, p. 68-73.
  • « Détecteurs de mensonges », Liberté, n° 192, 1990, p. 94-100.
  • « “On rit mais ça me fait mourir” », Liberté, n° 194, 1991, p. 110-120.
  • « Entre vers et prose », Liberté, n° 200, 1992, p. 84-89.

Nom du critique : Réjean Beaudoin

Statut institutionnel du critique : Professeur au Département de français de l'Université de Colombie-Britannique

Forme de la chronique (consacrée à quel genre? Fait-elle quelques lignes ou quelques pages ? Y’a-t-il plusieurs livres dans la même chroniques? Etc.) : Chronique « Littérature québécoise » : quelques pages, d’une à trois œuvres. Recension critique et observation générales sur la littérature québécoise contemporaine.

Genre du texte : Critique

Place des textes dans l’économie globale de la revue : Sauf mention contraire, les textes sont publiés sous l’intitulé « Littérature québécoise », à la fin de la revue, avec les autres chroniques, et juste avant « Pour non-liseurs ».

Événements littéraires québécois mentionnés : Aucun.

B) Informations métacritiques

Posture générale du critique (ton, point de vue, etc.) : Réjean Beaudoin critique âprement le milieu éditorial et universitaire québécois. Il est souvent moqueur et ironique. Il adopte une posture de marginal, mettant régulièrement sur un piédestal ce qui s’éloigne des modes de la fiction et de la critique. Cependant, Beaudoin évite les excès de langage et ne critique le plus souvent que les œuvres qu’il juge pertinentes. Il est volontiers nostalgique des oeuvres authentiques et profondes qu’il n’identifie pourtant pas à une époque révolue.

Réflexions générales sur la littérature québécoise contemporaine : Beaudoin reproche à Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer d’être sans intelligence, ennuyant (no 165). Du même souffle, il critique la tendance actuelle de la poésie (Bacilles de tendresse, Bernard Pozier) et du roman (Comment faire l’amour…, Dany Laferrière ; La convention, Suzanne Lamy; Cette langue dont nul ne parle, Denis Vanier) de s’intéresser à la vie courante, pas à des considérations plus élevées. Le critique soutient son propos avec une citation de Vadeboncoeur.

Le chroniqueur oppose constamment la vacuité de ce qui s’écrit en général à ce qu’il choisit comme valable. Réjean Beaudoin considère que la littérature québécoise contemporaine, spécialement le roman, est influencée par la philosophie spectaculaire des médias. C’est ce qui explique ces univers baroques, qui multiplient les personnages et les lieux ; en un mot, qui ne sont pas ancrés dans le réel. Cette tendance est peut-être un moyen de faire prendre conscience au lecteur de la quantité aberrante d’informations disponibles, suppose le critique.

Beaudoin considère que trop de livres sont publiés. Plusieurs, par leur vulgarité (au sens de commun, usuel, grotesque) sont essentiellement contraires à sa vision de la littérature. Il juge que la littérature contemporaine est envahie par l’esthétique médiatique (effets spéciaux, vidéo-clips, sensationnalisme, etc.).

Le critique dit du roman L’Hiver de Mira Christophe de Pierre Nepveu (no 170) qu’il est bien écrit, mais que son objet est sans intérêt. Cette combinaison est peut-être un projet esthétique : le roman est en cela un produit de la post-modernité. Beaudoin remarque que le roman se trouve à la frontière de la prose en se questionnant sur la réalité des évènements relatés, et ainsi rejoint la méfiance contemporaine à l’égard de toute vérité.

À l’occasion de sa critique du roman La passion selon Galatée de Suzanne Jacob (no 171), Beaudoin affirme que l’écrivain doit aujourd’hui accrocher le lecteur rapidement, ce qui explique la tendance au style foisonnant, étourdissant.

Réjean Beaudoin considère que l’inachèvement de la littérature québécoise est le gage de sa continuité, de sa nécessité.

Il se plaint de la confusion, de la cacophonie, de la mollesse qui caractérisent la culture québécoise contemporaine.

À l’occasion d’une recension de Le Cœur sur les lèvres d’Aline Beaudin-Beaupré (no 181), il relève plusieurs tendances du roman contemporain, parmi eux une mise en scène appuyée qui souligne un certain vide et le détournement du langage commun.

En parlant de Le Pont de Londres de Louis Gauthier (n° 182), Beaudoin note l’esthétique particulière du genre du récit, qui révèlerait la crise de l’art du roman. Le critique vante également le dépouillement de ce texte, qui soulignerait la maturité de l’écrivain, trait assez rare dans la littérature québécoise contemporaine selon Beaudoin.

Dans un texte co-signé avec Robert Melançon, Beaudoin fait la critique de L’Écologie du réel de Pierre Nepveu (no 183), qui reprend plusieurs des thèses défendues par Beaudoin dans ses textes antérieurs. La littérature québécoise est liée à un imaginaire post-romantique depuis toujours ; le projet nationaliste ne peut plus la définir à l’heure du postmodernisme. La littérature québécoise, fondée sur le manque, la défaite, est caractérisée à travers la relecture du corpus, notamment de Saint-Denys Garneau, qu’opère Nepveu.

Beaudoin félicite La Poussière du chemin (no 186) pour sa remise en question des modes littéraires et spécialement le penchant théorique abscon de la « pensée écrivante ». Encensant Brault, le critique écorche au passage ses contemporains, les critiques d’arts et les spécialistes qui videraient l’art de son sens en tentant de l’expliquer. La critique de Brault s’éloigne des conventions universitaires, évite sciemment le paratexte, ce que Beaudoin identifie comme marginal par rapport aux pratiques savantes actuelles.

Beaudoin trace un parallèle entre Le Vieux Chagrin et Essai sur une pensée heureuse (no 188); ceux deux textes reviendraient de façon cyclique aux mêmes idées, notamment la rhétorique de l’ancien, du vieux et du démodé chez Poulin et le lyrisme chez Vadeboncoeur. Beaudoin célèbre ces thèmes et ces idées qu’il admet volontiers démodées, tout en les présentant comme plus authentiques que celles qui animent la production littéraire de ses contemporains.

À la lecture de Terre du roi Christian et Journal d’une obsédée (no 189), Beaudoin remarque que la littérature québécoise contemporaine a substitué le thème de la découverte intérieure à celui de la découverte de l’Amérique qui a inspiré les premiers auteurs du Canada français. Parlant de Copies conformes (no 192), Beaudoin insiste sur l’importance thématique du voyage et de l’exploration, qu’il associe à la littérature québécoise contemporaine. Il relève l’abondance de références américaines, plus spécialement californienne dans le corpus contemporain.

Critiquant Dévadé (no 194), Beaudoin insiste sur la surabondance de la production littéraire québécoise contemporaine. Les éditeurs publient trop et mal, revoyant à peine les textes ; les critiques sont trop indulgents, louant par principe tout ce qui est d’ici ; les lecteurs ne sont vraisemblablement même pas au rendez-vous.

Élection de certaines œuvres ou certains écrivains : Pauline Harvey, Le Deuxième monopoly des précieux, Encore une partie pour Berri ; Félix Leclerc; Jacques Ferron; Jacques Benoit; Jacques Brossard; Yvon Rivard ; François Hébert ; Pierre Nepveu, L'Hiver de Mira Christophe, Suzanne Jacob, La passion selon Galatée ; André Major, L’Hiver au cœur ; André Vachon, Toute la terre à dévorer ; Pierre Vadeboncoeur, L’Absence ; Louis Gauthier, Voyage en Irlande avec un parapluie, Robert Baillie, Les Voyants ; Esther Croft, La Mémoire à deux faces ; Madeleine Ferron, Un singulier amour ; Andrée Maillet, Les Montréalais ; Alain Poissant, Vendredi-Friday ; Bertrand Bergeron, Maisons pour touristes ; Jean-Paul Beaumier, L'Air libre ; François Tétreau, Lit de Procuste ; Gaétan Brulotte, Ce qui nous tient ; Pierre Nepveu, L'Écologie du réel ; Jacques Brault, La Poussière du chemin ; Louis Gauthier, Le Pont de Londres ; Aline Beaudin-Beaupré, Le Cœur sur les lèvres ; Véra Pollak, Nuit en solo; Claire de Lamirande, Neige de mai ; Paul Zumthor, Les Contrebandiers ; Jacques Brault, La Poussière du chemin ; Jacques Poulin, Le Vieux Chagrin ; Pierre Vadeboncœur, Essai sur une pensée heureuse ; Sylvain Trudel, Terre du roi Christian ; Lise Vaillancourt, Journal d'une obsédée ; Jean Fugère ; Monique LaRue, Copies conformes ; Réjean Ducharme, Dévadé ; Lise Gauvin, Fugitives ; André Brochu, La croix du Nord.

Valorisation de lieux éditoriaux : Réjean Beaudoin souligne l’apport de la collection « Typo » des Herbes Rouges, tout en émettant un bémol sur le choix des œuvres rééditées, qui serait effectué davantage en fonction du « capital symbolique » (guillemets de Réjean Beaudoin) que de la valeur littéraire. Le critique se plaint de la quantité astronomique de livres qu’il reçoit, et juge que plusieurs sont sans intérêt. Il en attribue la faute aux maisons d’édition, qui produisent des livres comme les usines produisent des objets de consommation et juge que la littérature est ainsi commercialisée.

Valorisation d’événements littéraires : Beaudoin se réjouit de l’attribution du premier prix Gilles-Corbeil à Réjean Ducharme (1990).

Valorisation d’esthétique(s) particulière(s) : Réjean Beaudoin loue les œuvres de Pauline Harvey (no 165), qui reprennent le thème du pays, ainsi que sa prose « limpide et insolite ». Il apprécie les noms des personnages, polysémiques, et le choix stylistique des fables.

Beaudoin remarque l’importance grandissante de Montréal comme personnage ou décor dans la littérature et le cinéma contemporain.

La nouvelle, écriture exigeante selon Beaudoin, gagne en importance dans le paysage littéraire : le critique apprécie la retenue du genre, juge que le travail stylistique y est prépondérant (notamment no 200).

Autres valeurs ou enjeux défendus : Aucun.

Autres remarques : Aucune.

Lecteur/lectrice : Rosalie Dion-Picard

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