Table des matières
Gianfranco Robino (dir.), Présences du passé dans le roman français contemporain
INFORMATIONS PARATEXTUELLES
Auteur : Gianfranco Rubino (dir.) Titre : Présences du passé dans le roman français contemporain Lieu : Rome Édition : Bulzoni Collection : Studi e Testi Année : 2007 Pages : 244
Gianfranco RUBINO, « Présentation », p. 9-20.
Rubino évoque l’importance de la question du passé dans le roman français contemporain : passé individuel (les écritures biographiques et autobiographiques) ou collectif (où l’on présente les événements à travers un point de vue singulier, mais où celui-ci se subordonne aux événements, aux civilisations, aux mentalités). L’auteur fait également remarquer que, même si toutes les époques sont convoquées, ce sont plus généralement le XIXe et le XXe siècle qui retiennent l’attention des romanciers contemporains.
L’auteur explique que cet intérêt pour le passé est attribuable à un présent précaire, qui se cherche des ancrages, mais aussi à une incapacité à envisager l’avenir : « Mais ce passé que l’on congédie est bien lourd, ne serait-ce que parce qu’il est chargé d’un avenir manqué : il ne s’éteint plus facilement, il n’arrête pas de nous hanter, il est là sans plus y être, à la manière de ces spectres qui n’ont de cesse de côtoyer les vivants qu’ils n’aient trouvé leur place définitive. La spectralité semblerait donc caractériser l’expérience actuelle de la temporalité. » (2007 : 10-11)
Rubino explique que c’est par le truchement de l’histoire ou de la mémoire que les romanciers contemporains tendent à s’approcher du passé, ou encore par le témoignage, qui se trouve aux confluents des deux. Il rattache également l’attention portée au passé au contexte littéraire des dernières décennies, soulignant que : « au cours des années quatre-vingt le retour du roman à une attitude plus figurative et à une pratique plus lisible de la narration, sa prise en compte de la représentation du réel, sa sensibilité renouvelée au politique en facilitent la rencontre avec cette grande vague mnémonique et rétrospective de la culture française. » (2007 : 14)
Une particularité relative aux convocations du passé dans le roman contemporain est soulignée par Rubino : plus il y a de recul chronologique, plus le ton des écrivains a tendance à se dédramatiser, alors que les événements plus récents sont racontés de manière plus émotive. Les événements lointains permettent, par contraste, de réfléchir aux fondements de notre civilisation et de notre identité.
« Tout en ayant conscience de venir après, l’écrivain contemporain ne se sent pas pour autant épaulé par des antécédents solides. C’est de ce manque d’assises que découlent un mouvement vers le passé et la recherche d’un héritage, menée en direction des ancêtres, d’une tradition familiale ou culturelle. » (2007 : 18)
Mises au point
Francine DUGAST-PORTES, « Alain Robbe-Grillet. Le Nouveau Roman et l’Histoire », p. 23-41.
Dans cet article, l’auteure explore les relations entre le Nouveau Roman et l’histoire. L’auteure montre que, même si on a souvent eu l’impression que le Nouveau Roman était en rupture radicale avec l’histoire, celle-ci y était pourtant latente. À partir de 1980, on assiste à un désenfouissement du secret qui prévalait dans la littérature depuis la guerre, grâce au retour à une écriture plus personnelle, mais aussi à des films comme Shoah de Claude Lanzmann, ou ceux de Ophüls, Truffaut et Malle, aux procès de collaborateurs. À partir de cette époque, non seulement la production des Nouveaux Romanciers se transforme, mais la perspective sur leurs œuvres antérieures se modifie également, puisqu’on envisage désormais leur historicité.
Dominique VIART, « Témoignage et restitution. Le traitement de l’Histoire dans la littérature contemporaine », p. 43-64.
Viart affirme que, s’il régnait dans la littérature française d’avant 1980 une certaine jachère historique, la littérature contemporaine s’intéresse davantage au passé (en particulier chez des auteurs comme Pascal Quignard, Claude Louis-Combet, Gérard Macé, Alain Nadaud, Didier Daeninckx). Cet intérêt renouvelé pour l’histoire se décline selon quatre modèles :
1-Le roman archéologique : Ce roman aborde le passé à partir du présent, non pas de façon chronologique mais plutôt selon le rythme des « fouilles ». L’histoire n’y apparaît pas de manière linéaire, mais plutôt comme une stratification du temps. Elle est livrée selon un point de vue individuel et non « par l’omniscience narrative du roman historique » (2007 : 47).
2-L’éthique de la restitution : Ce modèle multiplie les hypothèses, insiste sur la précarité du savoir historique qui y apparaît sous forme de bribes, de traces, de ruines, de fragments. La restitution qu’évoque Viart consiste à rendre aux générations antérieures la vie qu’ils n’ont pas été en mesure de transmettre.
3-Le témoignage littéraire : Surtout lié à l’expérience de la guerre. Viart explique que les écrivains se sont longtemps heurtés à la position d’Adorno et de Blanchot, pour qui la littérature d’Auschwitz est impossible, cette réalité étant selon eux innommable, jusqu’à ce que le film de Lanzmann ne lève l’interdit.
4-Le récit décalé : Il s’agit de dire l’histoire, mais sans fournir de détails temporels ou spatiaux, ce qui donne lieu à des écritures allégoriques, voire post-apocalyptiques.
Une fois ces distinctions établies, Viart note que ce n’est toutefois qu’au deuxième et au troisième modèle qu’il entend consacrer son analyse. Il explique notamment que le croisement entre ces deux pratiques pose la question de l’inadéquation du langage pour rendre compte de l’expérience des camps. Il souligne aussi que l’éthique de restitution et le témoignage littéraire s’opposent au devoir de mémoire, puisque ce type de commémoration, en sanctifiant le passé, fige le discours. Il s’agit plutôt d’un travail de mémoire (Viart s’inspire des travaux de Ricœur pour établir la distinction entre devoir et travail de mémoire), car bien que la restitution comporte une dimension éthique, il s’agit bel et bien d’un travail.
Un autre point commun entre les deux pratiques consiste dans le fait qu’elles « s’organisent toutes deux autour de la reconstruction d’un lien, font effort de liaison » (2007 : 56) entre le passé et le présent. Il n’est donc pas question ici de transmettre l’histoire en soi, mais bien de la transmettre à ses contemporains, à ses lecteurs qui se trouvent introduits dans le texte. Par conséquent, la question du dicible et de l’indicible se déplace vers le transmissible et l’intransmissible.
Autre point commun : ces écritures correspondent à ce que Viart nomme des « écritures en creux », c’est-à-dire des écritures qui se légitiment par leur propre précarité. Pour Viart – comme pour Derrida, qu’il cite – ce qui fait la vérité du témoignage, c’est précisément son incertitude, ses zones de difficulté. Ces difficultés mènent toutefois à un ressassement, car on n’a jamais l’impression que la parole s’est accomplie tout à fait. Le témoignage est en somme moins tourné vers le passé et ses événements que vers le présent d’une parole. Viart écrit que la poétique du témoignage qui s’est développée dans les dernières décennies fait en sorte que le texte vaut par lui-même, même après la disparition du témoin.
En conclusion, l’auteur écrit que ce qui fait la force de la littérature contemporaine, c’est sa capacité à afficher ses propres failles, ses questionnements, ses problèmes. Il s’agit, affirme-t-il en somme, d’une littérature critique.
Impasses du siècle court
Catherine DOUZOU, « L’Histoire en écho : La compagnie des spectres de Lydie Salvayre », p. 67-84.
L’auteure se penche sur la figure de l’écho dans le roman La compagnie des spectres de Lydie Salvayre, pour montrer de quelle manière le passé revient par bribes au témoin. En effet, même si le roman donne lieu à une reconstitution d’événements du passé, il s’agit moins d’un travail historique que mémoriel. Douzou insiste d’abord sur la dimension théâtrale de l’écho dans le roman, avant de se pencher sur le caractère problématique de la transmission, causé par « la violence de l’histoire [qui] a partiellement pulvérisé sa capacité à utiliser le langage » (2007 : 73). Le roman suggère en effet autant l’inutilité de la littérature à endiguer des massacres que son incapacité à transmettre des valeurs humanistes. Inapte à transmettre véritablement des savoirs, le langage, dans l’œuvre de Salvayre, devient une sorte de métaphore de la condition humaine : « À travers une dramatisation de l’échange, Salvayre exhibe la difficulté à communiquer le passé et elle suggère par le processus même du dérèglement linguistique, devenant l’expression métaphorique et métonymique d’autres dérèglements, les affolements de l’être, de la communication, de la société. » (2007 : 74)
Le roman pose également le problème de la réception du témoignage, qui est accueilli froidement par la société. L’horreur y est, soutient Salvayre, si bien intégrée qu’elle n’est plus porteuse de souffrance que pour les gens qui l’ont réellement vécue. Cette indifférence a pour effet de dissuader les témoins de recourir à la parole pour raconter. Ainsi, commente Douzou, La compagnie des spectres est moins un roman historique qu’un roman familial : ce ne sont pas tant les événements eux-mêmes qui y sont mis en question que l’expérience individuelle de ces événements et les difficultés qui surviennent pour le témoin autant lorsqu’il souhaite oublier le passé que lorsqu’il tente de se le remémorer. Ainsi, le roman de Salvayre se penche d’une part sur la souffrance liée au silence, puisque celui-ci mène à un ressassement du passé, et par conséquent à une situation « où le présent ne peut être lu que comme la répétition d’un passé mortifère […]. » (2007 : 77) D’autre part, Salvayre traite de la nécessité problématique de la transmission qui, malgré la douleur qu’elle provoque, conduit néanmoins à une certaine libération de l’emprise du passé : « Le fait de parler, de raconter devient un psychodrame où s’opère un dépassement du statut de victime, comme si le temps se remettait en route et que quelque chose se transmettait qui serait transmué en l’amorce d’une guérison. » (2007 : 78)
Le roman de Salvayre présente en somme une vision sombre du présent, où celui-ci se définit à partir de la résurgence du passé. « Les spectres auxquels fait référence le titre du roman sont les fantômes du passé mais aussi les gens du présent, digérés, désubstantialisés par la vie moderne. » (2007 : 81) Car Salvayre représente l’histoire comme une métaphore de la souffrance et lit en elle « des mécanismes identiques à ceux de la psyché humaine : l’Histoire refoule et ce refoulé fait retour dans la vie de ces femmes [celles que le roman met en scène] comme dans la société présente. » (2007 : 82)
Marina MINUCCI, « Un héros du passé : le militant communiste », p. 85-101.
L’article de Minucci se penche sur deux romans traitant du militantisme communiste en France : Parti de François Salvaing et Nous arrêterons le soleil de Françoise Bouillot. L’auteure rapproche ces œuvres du récit de filiation tel que le définit Dominique Viart (elle retient de cette définition le lien qui rapproche le récit de filiation de la psychanalyse et du conte philosophique) dans la mesure où le communisme y est représenté comme une grande famille et que la question de l’héritage s’y pose.
Parti représente un héros sans famille, qui trouve dans le communisme une famille de substitution. Il y est lié par le même type d’appartenance un peu ambivalent qui marque généralement le lien entre une personne et sa famille biologique. Dans Nous arrêterons le soleil, l’héroïne hérite du militantisme de sa mère et s’inquiète de l’héritage qu’elle-même laissera à son fils. L’auteure, se demandant ce qui a poussé vers le communisme les héros des deux romans, répond : « L’idéal politique et social, bien sûr, mais aussi le besoin d’appartenance, d’une famille. L’idée d’un défi ou celle d’un héritage. » (2007 : 100)
Dans sa conclusion, l’auteure indique que les personnages des deux romans ressentent la nostalgie du communisme déchu, pas tant d’un point de vue idéologique mais plutôt parce qu’ils regrettent le sentiment d’appartenance qu’ils ressentaient vis-à-vis du parti. L’auteure fait également une analogie entre Parti et les tragédies shakespeariennes : « Chez Bouillot, c’est surtout le manque de courage des pères dans la dénonciation des crimes staliniens et leur connivence avec les régimes autoritaires qui a éloigné les fils de l’héritage communiste. / Chez les deux, donc, un débat familial, une fracture entre générations paralysent l’action en gaspillant des énergies qui auraient pu être positives. » (2007 : 101)
Gianfranco RUBINO, « La pression du passé : Olivier Rolin », p. 103-116.
L’auteur explique comment l’action des romans d’Olivier Rolin se passe toujours après des événements intenses qui ont marqué les personnages, et que par conséquent ceux-ci sont toujours tournés vers le passé. Cette tendance à la rétrospection s’accompagne d’« un refus radical de l’époque contemporaine. […] Cette horreur du présent est justifiée en partie par la valeur de l’expérience révolue dont on regrette l’intensité sinon la plénitude. » (2007 : 105)
Les narrateurs de Rolin sont notamment en rupture avec l’époque contemporaine parce qu’ils regrettent qu’elle ne soit pas tournée vers un passé dont ils se sentent dépossédés (alors que, jadis, le passé correspondait à une source d’inspiration). Mais, explique Rubino, « [s]i le monde actuel manque de recul et qu’il est dépourvu de mémoire et donc d’histoire, c’est aussi que l’idée d’un itinéraire temporel de la civilisation humaine vers des horizons radieux s’est désormais effritée. […] Le présent est coupé de ce qui le suit et de ce qui le précède. » (2007 : 108)
Les romans d’Olivier Rolin réfléchissent donc à la manière dont il est possible de survivre à l’échec et à la déception. « La solitude d’une retraite désolée favorise la réflexion sur le sens profond de ce qui s’est passé, sur la nature et les raisons de la chute. » (2007 : 112?) C’est souvent vers un passé lointain, originel que se tournent les personnages dans leur quête de sens.
Les romans de Rolin mettent en scène une interrogation de l’histoire, et en particulier des décalages qui lui enlèvent son caractère intelligible. « La structure formelle et thématique de ces textes montre à quel point l’exigence d’interroger le passé reste fondamentale, surtout dans la mesure où l’époque actuelle ne valorise que l’immédiateté de l’hic et nunc. Cependant, ce regard rétrospectif ne peut plus s’appuyer sur un facteur de continuité temporelle, car toute proximité avec la légende épique d’autrefois est abolie et que la nature de l’avenir n’est plus garantie par une conception providentielle, qu’elle soit immanente ou transcendante. Si l’Histoire en tant que res gestae, déroulement intelligible des événements, n’a plus de sens déchiffrable, il ne reste qu’à en dénicher le [sic] plis, les failles, les strates, les circonvolutions susceptibles de nous dire quelque chose sur les paradoxes de notre être dans le monde. » (2007 : 113-114)
Enfin, Rubino explique que le récit, chez Rolin, se conforme à l’effritement de l’histoire et qu’il suit le rythme de l’exercice de la mémoire qui, en l’occurrence, suit une trajectoire circulaire.
Réécritures de la grande histoire
Valerio CORDINER, « Le théorème de Marmouset, ou la langue (peu) tranchante du Léviathan », p. 119-139.
Pas vraiment pertinent. Cet article se penche sur Les mille mots du citoyen Morille Marmouset de François Cathala, qui raconte l’histoire d’un personnage fictif à l’époque de la Révolution française.
Anna Maria SCAIOLA, « Les jours de brume de Napoléon. Sur la trilogie de Patrick Rambaud », p. 141-160.
Pas vraiment pertinent. L’auteure s’intéresse surtout à la position de Patrick Rambaud par rapport au roman historique. Elle explique notamment comment il prend ses distances par rapport à la forme canonique du roman historique, où l’action est selon lui subordonnée aux intrigues amoureuses ou à un certain exotisme. Le roman historique tel qu’il entend le pratiquer doit au contraire se caractériser par la mise au premier plan des faits historiques eux-mêmes ainsi que par la restriction à une tranche temporelle limitée. Pour lui, qui croit en la vocation cognitive du roman, cette manière de pratiquer le roman historique permet de transcender l’histoire académique elle-même, car les historiens de profession sont, selon lui, moins objectifs que les romanciers car ils sont trop préoccupés par la nécessité de démontrer des hypothèses.
Luca BEVILACQUA, « Notes de lecture sur L’imitation du bonheur de Jean Rouaud », p. 161-176.
L’auteur montre d’abord l’importance, à travers l’ensemble de l’œuvre de Jean Rouaud, de la question de la famille et de la vocation d’écrivain. Dans L’imitation du bonheur, il n’est toutefois pas question de l’histoire familiale de l’auteur, et le texte se présente davantage, du moins dans la première partie, comme un roman sur le roman. Bevilacqua propose cette hypothèse quant à la signification du titre du livre de Rouaud : il ne s’agirait pas d’imiter le bonheur, mais plutôt de trouver le bonheur dans l’imitation, c’est-à-dire « dans le fait de se sentir-comme-si. » (2007 : 166) C’est ainsi que Rouaud tente dans son roman de renouer avec des pratiques romanesques traditionnelles, afin de montrer à quel point le projet de raconter une simple histoire d’amour est en fait extrêmement difficile dans le contexte littéraire actuel. Son roman, où la narration de la première partie est toujours entravée par des digressions sur le romanesque, est en fait construit, explique Bevilacqua, de manière à ce que le lecteur, lorsque Rouaud se met enfin à raconter véritablement, puisse le suivre.
Modes de représentation
Grazia TAMBURINI, « Le passé au présent : quelques remarques sur l’emploi des temps dans le récit contemporain », p. 179-191.
L’article de Grazia Tamburini se penche sur les temps verbaux utilisés pour raconter des temps lointains dans les œuvres de Pascal Quignard et de Pierre Michon. Ces deux auteurs ont en commun, en plus de leur intérêt pour le passé, de raconter des histoires qui ont souvent un noyau authentique que l’auteur vient enrichir par l’imaginaire. Chez Quignard, l’auteure remarque une alternance temporelle entre passé et présent qui signale que le passé est lié au présent. Chez Michon, l’usage du présent (dont l’auteure spécifie qu’il est rare dans son œuvre) signale une vérité qui perdure, et affirme ainsi la permanence du passé.
Jean-Bertrand VRAY, « Photographie et ‘‘revenances de l’histoire’’ dans la littérature narrative contemporaine », p. 193-215.
L’auteur se penche sur les divers paradigmes intellectuels concernant la photographie qui se déclinent dans les œuvres contemporaines. Les œuvres étudiées dans l’article sont Chien de printemps et Dora Bruder de Patrick Modiano, Le cri du peuple de Jean Vautrin, Tigre en papier d’Olivier Rolin, Daewoo de François Bon, Mummy, mummies et Immersion d’Alain Fleischer. Dans ces textes, la photographie joue un rôle, soit en tant que trace, soit en raison de la présence de personnages photographes. Les paradigmes explorés par l’auteur sont ceux-ci : D’abord, la fonction de reproduction de la photographie, qui sert à attester d’une présence, à conserver le souvenir. Ensuite, la capacité de la photographie à faire resurgir un souvenir en hibernation, permettant par conséquent la résurgence du passé. Un troisième paradigme concerne la conscience fantasmatique de la trace, qui consiste à voir la trace là où elle n’est pas réellement, ou encore à interpréter le réel comme une trace photographique. Enfin, l’auteur se penche sur le caractère périssable de la photographie, dont la dégradation est envisagée par les auteurs à partir des années 1980, alors que précédemment la photographie était davantage vue dans sa permanence.
Extrait de la conclusion : « Obsédée par la disparition, la littérature actuelle, travaillée par les revenances de l’histoire qui se disent notamment dans un imaginaire très riche de la photographie, un imaginaire halluciné de la trace généralisée et de la périssabilité de l’image photographique, est mémoire vive. Dans ce travail métaphorique du paradigme photographique, c’est de notre rapport à des fantômes collectifs qu’il s’agit. » (2007 : 215)
Paolo TAMASSIA, « Pierre Michon : deux poétiques du passé », p. 217-229.
L’auteur explique le mouvement vers le passé qui caractérise l’œuvre de Pierre Michon par un sentiment d’absence qui habite l’auteur (l’absence du père, tout particulièrement). Dans Vies minuscules, explique-t-il, on retrouve deux conceptions du passé : « l’une enfonce encore plus le sujet dans son manque de consistance et l’autre, révélée à la fin du livre, qui le sauve. » (2007 : 219)
Tamassia explique que, dans Vies minuscules, le réel est présent mais, en revanche, les livres sont métaphysiques; c’est ce qui pose problème au narrateur, qui souhaite se donner consistance par l’écriture. La solution à ce problème survient à la fin de l’ouvrage et consiste dans la répétition, car celle-ci permet de se projeter vers l’avant plutôt que de rester toujours tourné vers le passé. L’auteur écrit : « Il me semble que Pierre Michon est effectivement parvenu à se tourner vers le passé non pas au moyen d’une réminiscence funéraire, mais en effectuant une répétition authentique, une ‘‘reprise’’, comme Kierkegaard l’appelait, de possibilités d’existence passées. » (2007 : 225)
Tamassia s’arrête ensuite sur la question de l’héritage littéraire. Il explique que la littérature permet de combler la perte ontologique. Il explique également que, tout comme l’écriture permet une reprise authentique du passé, le rapport à l’héritage littéraire n’est pas qu’un simple regard vers les œuvres du passé, mais plutôt une nouvelle création qui se fait à partir de l’interprétation de ces œuvres.
Au-delà des Alpes
Martine VAN GEERTRUYDEN, « Croquis de paysages italiens entre Histoire et récits », p. 223-244.
Pas pertinent.
Lectrice : Mariane Dalpé