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Fiche de lecture

1. Degré d’intérêt général

Bien qu'on ne puisse dénier à l'auteur une imagination impressionnante et pour le moins foisonnante, il faut avoir les yeux bien accrochés et l'esprit éminemment spongieux (au sens d'absorbant, bien sûr) pour ne pas enclencher de temps à autre le pilote automatique (aussi connue sous l'appellation technique d'“absence mentale de durée indéterminée”) devant l'absurdité en cul-de-sac ou en queue de poisson et la démultiplication de l'hétérogène qu'offre Mon nom est Personne. Bref, même si ce n'est pas à proprement parler un bonheur de lecture, la porosité est à l'honneur dans ce roman, de même qu'une certaine forme - éreintante - de diffraction.

2. Informations paratextuelles

2.1 Auteur : Leblanc, David

2.2 Titre : Mon nom est Personne

2.3 Lieu d’édition : Montréal

2.4 Édition : Le Quartanier

2.5 Collection : Série QR

2.6 (Année [copyright]) : 2010

2.7 Nombre de pages : 337

2.8 Varia : sous-titré “fictions” sur la 1ère de couverture

Quatrième de couverture:

“Comme dans le bon vieux temps, quand les Indiens faisaient mordre la poussière aux cow-boys, on rencontre parfois son destin sur la route qu’on a prise pour l’éviter. Lorsqu’on ne croit plus aux fables et à leurs morales, le seul moyen d’allonger la vie, c’est d’essayer de ne pas la raccourcir. Ça prend du doigté. Par exemple, on peut tendre les cinq parties mobiles d’une main pour ouvrir la trappe d’un grenier et voir la tête renversée de Colette en descendre et prononcer ces paroles d’une tendresse à vous arracher le cœur : « Il faut, avec les mots de tout le monde, écrire comme personne. » Qui n’entend rien à rien en temps normal dira pour l’occasion qu’une inquiétude sourde traverse ce livre. Il aura vu juste. Désert toutefois plus accueillant qu’hostile, Mon nom est Personne emprunte sa fraîcheur couverte aux cactus de Death Valley, profonde dépression aride de cette Californie d’où les grands studios diffusent les cartoons de Road Runner et Wile E. Coyote. Comme dans le bon vieux temps, à cette différence près que celui-ci s’invente à mesure. — D. L.”

3. Résumé du roman

Recueil composé de quatre-vingt-dix-neuf “fictions”, Mon nom est Personne est, force est de l'admettre, difficile à résumer, bien que les rapports sociaux et la métaphysique y tiennent une place prépondérante. Retenons aussi que les fictions en question s'apparentent autant à des contes, des nouvelles, des novellas, des maximes, des titres (!), des fables, des paraboles, des dialogues qu'à des commentaires ou des essais, le ton essayistique étant en effet assez fréquemment employé dans les textes du recueil. De plus, une seule voix narrative (un Je écrivain ou étudiant) chapeaute l'ensemble du recueil et certaines récurrences - ténues, il faut le dire - apparaissent parfois entre des textes, ce qui confère une certaine homogénéité au livre. Mais que ce soit bien clair: dans la guerre que se livrent les forces de l'Homogène et de l’Hétérogène sur le terrain de Mon nom est Personne, la victoire va clairement à la seconde, qui, à l'heure qu'il est, piétine sans doute encore le cadavre de la pauvre homogénéité…

4. Singularité formelle

Le recueil est composé de quatre-vingt-dix-neuf “fictions” dont la plus brève n'est qu'un titre et la plus longue, une novella, dure quelque vingt-cinq pages. Par ailleurs, il paraît que 99 est un chiffre vénéré par les Oulipiens. Mais il y a en réalité plus que quatre-vingt-dix-neuf histoires dans le livre puisque certaines “fictions sont faites de dizaines de brèves de quelques lignes liées autour d'une thématique plutôt lâche ou d'un processus génératif qui n'est pas sans rappeler l'écriture automatique, par exemple, la série des “J'ai oublié” qui revient à trois reprises, proposant chaque fois une série de textes brefs mettant tous en scène un narrateur qui oublie quelque chose d'insignifiant, d'important ou, le plus souvent, de risible.

De nombreux textes sont précédés d'une citation en exergue.

5. Caractéristiques du récit et de la narration

Comme mentionné dans le résumé, un Je quasi divin - sorte d'alter ego de l'auteur - règne sur l'ensemble des textes du recueil, ce qui vient, dans une certaine mesure, unifier ce qui autrement demeurerait un amas de textes disparates. Ce Je pose un regard à la fois absurde et cynique sur des faits dramatiques (suicide d'un politicien en direct, pour n'en nommer qu'un), des événements insolites (mais souvent avérés) ou des fictions.

L’auto-réflexivité est aussi très présente dans le roman, mais toujours de manière sous-entendue. Cela dit, puisque c'est un des seuls éléments qui revient d'un texte à l'autre, on s'y raccroche comme à une bouée percée, en croyant à tort qu'elle nous sauvera du naufrage de l'incompréhension. Car non, l'auto-réflexivité dans Mon nom est Personne ne fournit pas de clé de lecture épiphanique.

6. Narrativité (Typologie de Ryan)

C'est un recueil de textes dans lequel l'hétérogénéité règne sans partage, il n'y a donc que des micro-récits.

7. Rapport avec la fiction

Plusieurs passages rappellent des textes de l'Oulipo (la complexité du propos et des phrases) et du surréalisme (l'inventivité débordante et incontestable) par le brouillage constant entre réalité et fiction. Quantité de faits historiques sont rapportés dans le recueil, mais plusieurs d'entre eux dérapent un peu, c'est-à-dire que des éléments proprement fictionnels leur sont ajoutés ou qu'ils sont racontés sur un ton humoristique alors qu'ils semblent plutôt tragiques. En quelque sorte, Mon nom est Personne explore donc les possibles de la fiction.

D'ailleurs, le texte mentionne quelque part (j'ai oublié de noter où, désolé…) que la fiction est partout dans cet ouvrage, autant dans les faits réels que dans la fiction.

8. Intertextualité

Mon nom est Personne regorge de références intertextuelles, que ce soit grâce aux citations en exergue de plusieurs des textes ou à l'intérieur même des fictions. Ça va de Dr Seuss à la mythologie chinoise en passant par des traités scientifiques et des films de toutes époques. L'encyclopédie convoquée de manière pas toujours explicite dans le livre est impressionnante au moins autant par sa variété que par son étendue.

9. Élément marquant à retenir

Le brouillage entre réalité et fiction grâce à la surenchère, l'absence de liens entre les textes, le ton cynique et les dénouements absurdes, entre autres, entraînent une perte de repères assez caractéristique de la post-modernité. En ce qui concerne précisément la diffraction, c'est surtout le point B, brièveté et recueillisation, qui me semble être le plus intéressant dans ce livre.

fq-equipe/david_leblanc_mon_nom_est_personne_montreal_le_quartanier_2010._sebastien_hogue.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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