I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Daniel Canty
Titre : Wigrum
Éditeur : La peuplade
Collection : -
Année : 2011
Éditions ultérieures : -
Désignation générique : Roman (couverture)
Quatrième de couverture :
Fin octobre 1944. Sebastian Wigrum s’éclipse de son domicile londonien. Personnage fuyant, voyageur des miroirs et des points de fuite, vivant à la frontière embrouillée de la fiction et des faits, il est une de ces figures d’exception douées du pouvoir de se dissimuler sous nos yeux.
Nous savons peu de choses sur lui, sinon qu’il a été curieux du monde entier, peut-être déçu par l’amour. Son héritage, pourtant, est le nôtre : celui pour qui vivre signifia collectionner a laissé dans son sillage une centaine d’objets qui éclairent de leur lumière incertaine l’histoire de notre temps.
Ce livre dresse l’inventaire doux-amer de la succession de Wigrum. Roman combinatoire, vertigineux échafaudage d’érudition et d’inconnaissance, Wigrum existe en équilibre instable entre l’univers des récits et celui où se déroule la vie des lecteurs. Ceux qui s’y risqueront véritablement n’obéiront plus qu’à ce mot d’ordre : si je peux croire à toutes les histoires qui me sont contées, vous en êtes aussi capables.
II- CONTENU GÉNÉRAL
« In memory of all that never happened »
Résumé de l’œuvre :
À l’époque de la Seconde guerre mondiale, Sebastian Wigrum est un collectionneur d’objets insolites qu’il trouve partout dans le monde. Le premier chapitre relate son histoire à cette époque. On s’intéresse ensuite à la composition de sa collection et aux gens qui ont suivi son travail, dont Joseph Stepniac et Daniel Canty lui-même. Certains éléments de l’histoire sont récurrents dont la présence de Clara, les mystérieuses correspondances entre les différents acteurs du réseau et la marginalité des personnages ainsi que des événements.
Thème(s) :
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Cote : 1
Explication (intuitive mais argumentée) du choix : L’encyclopédisme est utilisé dans ce roman autant par la forme que par le fond. On y utilise abondamment la note de bas de page pour les citations en langue originale, pour les compléments d’information (souvent purement triviaux) et pour des images explicatives. On emprunte aussi les conventions d’un catalogue de collection avec la préface, l’index, les listes chronologique et alphabétique ainsi que l’instruction au lecteur. Pour ce qui est du fond, les « nouvelles » sont très ancrées dans l’Histoire et ont recours à des références, des définitions et une abondance factuelle.
Appréciation globale : J’ai vraiment beaucoup aimé cette lecture. Les histoires des éléments de la collection sont tantôt drôles, tantôt touchantes. De nombreux échos se créent entre les textes et on demeure un peu dans l’irrésolu à la fin. Superbe chose. À relire.
IV – CONSTRUCTION GÉNÉRALE DE L'OEUVRE :
Construction étrange qui commence avec un chapitre (« 1944. Un bureau sur la lune – Chapitre premier », suivi d’une préface (« Sébastien Wigrum, collectionneur ordinaire), elle-même suivie d’« Instructions au lecteur ». On entre ensuite dans le catalogue illustré de la collection de Wigrum pour 130 pages (sorte de recueil de nouvelles cataloguées pas leur objet central). Il est suivi d’une postface sur la relation entre Wigrum et Stepniac, une apostille qui dit démêler le vrai du faux et un index. Les notes de bas de pages sont abondantes tant dans le catalogue que dans les chapitres.
V – ENCYCLOPÉDISME :
Contenu (Types de données imbriquées, à quoi servent-elles dans l'économie générale du roman, dans la construction des personnages, etc.):
Les informations sollicitées par le texte sont extrêmement variées. On réfère aux traditions culturelles (ex : la Baba Yaga du folklore russe p.43), les théories mathématiques (le tesseract p.43), des explications scientifiques liées à certains domaines (analyse du silex au carbone 14, p.51). La plupart des descriptions d’objets font référence au contexte historique, plaçant l’objet dans une case spatio-temporelle relativement bien connue ou à certains mythes. On retrouve également de nombreuses références à la littérature, tant en insérant les objets dans les vies d’écrivains (par exemple : « Suture de Shelley. 1801 », p. 151-154 – Marie Shelley, « Chapeau d’Holden », J.D. Salinger, p.57-58) ou en faisant référence à leurs œuvres (Melville à plusieurs reprises (« Brique barthleby », p. 48-49), Kafka, Stendhal (116-118, « Miroir de chemin »), etc. Ce qui est particulièrement intéressant est le mélange indifféré de faits réels et inventés. Je pense notamment ici à l’« Archétype stradivarien » (p. 40) où l’on cite le véritable nom du maître de Stradivarius et le mystère entourant le vernis de ses fameux instruments, mais où l’on affirme aussi qu’y entrait le jus d’un piment (faux, selon les dernières analyses scientifiques). On peut aussi mentionner à ce titre « Rouleau de Turing, 1950 » (p. 141-144), où on explique les expériences, mais où on ajoute des dialogues. Canty utilise aussi souvent l’idée du « perdu jusqu’à nos jours » ou du « aucune copie n’est parvenue jusqu’à nous » (p. 37) pour expliquer le manque de références aux segments qu’il invente.
Forme (narration, comment elles sont intégrées):
Les informations sont donc intégrées directement dans le propos et le sujet des « nouvelles », si on peut les appeler ainsi. L’impression de faits documentés relève aussi de l’abondance de données prétendument factuelles qui accompagnent chaque récit. On a toujours les noms de chaque personne qui intervient (ou on mentionne qu’ils ont préféré garder l’anonymat – ex. p. 53), on nomme les lieux, les moments précis, les liens entre les personnages et même parfois, on les cite textuellement à un moment de leur vie ou dans un scénario (p. 37-38). Les événements relatés, réels ou fictifs, sont relatés avec force détails. Je prends pour exemple « Camera blues » (p. 52-53), mais j’ignore si les faits sont véridiques (je n’ai rien trouvé à ce sujet du moins). On situe les personnages dans un contexte bien précis : on nomme les trois personnages, on leur met entre les mains une Brownie Camera de la Eastman Kodak Co., on les fait journalistes pour un magazine réel (Fortune magazine), on les cite et on établit des hypothèses quant à leur possible nom d’emprunt.
Une intégration formelle intéressante est l’ajout d’une chronique informative en note de marge. Dans le premier chapitre, Wigrum se souvient d’un après-midi d’été où il alla manger un Banana blitz (p. 10). Cela entraîne une longue note concernant le dessert, incluant historique, recette, explications, etc. Dans le texte « Canard des Canard, 1968 » (p. 53-57), on a également droit à l’historique complet de la compagnie des frères Canard dans une note et celle de la recette de fausses défécations du canard de Vaucassen dans une autre. On retrouve aussi toute l(a jolie)’histoire du personnage du nom de mademoiselle Grosseteste en marge de celle de « Suture de Shelley, 1801 » (p. 151-154). Il se permet donc d’utiliser les marges et le système de notes pour presque créer des histoires complètes en parallèle, sortir du monde pour y revenir.