Notice bibliographique : VERREAULT, Mélissa, Voyage Léger, St-Fulgence, La Peuplade, 2011, 219 p.
Résumé de l’œuvre :
Une jeune femme, à la fois en quête de liberté et de son identité, quitte le foyer conjugal sans explication pour plus de deux mois. Au moment de son départ, sa relation amoureuse semble battre de l’aile. Elle vient de se faire avorter car le père ne souhaitait pas avoir d’enfant maintenant. Elle prétend qu’elle part en voyage, mais en fait, au moment d’embarquer dans l’avion, elle rebrousse chemin, incapable de partir. Elle s’établit donc dans un petit hôtel minable de son quartier. Son voyage est léger, non seulement parce que son ventre est vide, mais aussi parce qu’elle n’emporte avec elle qu’une petite valise à moitié remplie, contenant tout le peu qui lui reste. La jeune femme entreprend alors une chasse au trésor à rebours qui consiste à perdre les objets lui rappelant son amoureux afin, semble-t-il, de se libérer de lui et de chercher sa propre identité. Finalement, elle couche avec un homme rencontré dans la rue, puis à son retour chez elle, prétend ne jamais s’être fait avorter.
Narration : autodiégétique (Ariane : on apprend son prénom par un ancien ami d’enfance qu’elle croise dans la rue à la page
Explication : La jeune femme parle au « JE », raconte son voyage en s’adressant à un « Tu » qui désigne l’amoureux qu’elle a temporairement quitté; il s’agit d’un dialogue in absentia. Quand elle ne raconte pas les faits et les événements ayant lieu durant son séjour à l’hôtel, elle raconte des rêves, ou des souvenirs d’enfance qui impliquent ses parents. Au début le récit n’est pas linéaire, mais plutôt raconté dans le désordre. Il y a beaucoup d’ellipses.
Personnage(s) en rupture : Ariane
A) Nature de la rupture : Actionnelle
Explication : Animé par sa quête identitaire, la narratrice se coupe de son quotidien pour entamer une période d’errance durant laquelle elle a amplement le temps de réfléchir sur son existence. Elle souhaite en quelque sorte rebâtir sa vie.
Quand elle était petite, son père lui a offert une valise en cuir rouge. Elle n’a jamais rien trouvé de valable à y mettre. Elle la traînait avec elle en faisant seulement semblant qu’elle contenait quelque chose. Lorsqu’elle annonce son départ à son amoureux qui lui, voyage fréquemment dans la vie quotidienne, elle dit : « Chaque fois que tu pars en voyage, je pense que c’est toi que j’attends, ton retour. Mais non, c’est moi-même que j’espère voir revenir. Je souhaite tellement fort que tu me ramènes à la maison. » (p. 78).
De plus, la mère d’Ariane s’est laissé volontairement brûler quand la maison familiale est passée au feu (la narratrice n’a donc plus que son père qui n’était d’ailleurs pas très présent dans son enfance). Au moment de l’incendie, Ariane ne savait pas quel objet sauvé et finalement, elle a tout abandonné derrière elle, de même que sa mère : « Qu’est-ce qu’on doit prendre avec soi quand le lieu d’où l’on vient brûle? Quand la terre, les racines se consument? » (p. 120-121).
B) Origine de la rupture : la quête identitaire
C) Manifestations : Actorielles
Explication : Le voyage de la narratrice prend l’apparence d’une fuite ou d’une bifurcation volontaire dans son existence. Elle se questionne sur le sens que doit prendre sa vie : « S’il y a une route tracée d’avance, qu’est-ce que je fais ici? Je ne crois pas au destin, j’erre pieds nus sur le tapis. » (p. 25). Pour commencer, elle dort durant trois jours par-dessus les couvertures du lit de sa chambre d’hôtel, le manteau encore sur le dos. Puis, elle erre dans son quartier, s’épuise en déambulant dans les rues, sans but. Marcher lui donne l’impression d’avancer (p. 107). Son action se résume la plupart du temps à observer ceux qu’elles croisent sur sa route (ses voisons de chambre, l’homme de l’accueil, Jacques l’itinérant). Son action tourne donc essentiellement autour de sa pensée… Lorsqu’au moment de prendre l’avion elle rebrousse chemin, elle dit : « Je ne peux pas embarquer à bord de cet appareil. Ni à bord du suivant. Les seuls vols que je peux emprunter sont les vols intérieurs » (p. 97). Elle tente de venir en aide à l’itinérant qu’elle a prénommé Jacques mais elle ne sait pas comment s’y prendre, commet des maladresses. Aussi, parmi les treize pellicules photos qu’elle a fait développer, toutes les images sont ratées, complètement noires. La seule qui a pu être développée correctement est une photo prise par erreur. Enfin, lorsqu’un ami d’enfance, tout heureux de la revoir, la croise dans la rue, elle fait semblant de ne pas être celle qu’il croit.
Cela dit, elle commet quelques actions qui la sortent d’elle-même. Elle accepte de boire du Whisky avec un inconnu nommé Michael. En pleine nuit, elle retourne seule vers l’hôtel, le verre à la main : « Je ne pourrais pas mourir de toute façon. Si c’est de la vie qu’on meurt, il faut d’abord que je rebâtisse la mienne. » (p. 179). Puis, c’est avec ce même inconnu qu’elle fera l’amour à l’hôtel quelques jours plus tard.
D) Objets :
Explication :…
E) Manifestations spatiales :
Lieux représentés : La chambre d’hôtel.
Explication : cette chambre semble « appartenir à une autre époque » par sa désuétude. La télé ne s’allume plus que par la télécommande et celle-ci est introuvable, par conséquent, la narratrice a l’impression d’être coupée du monde, de ne pas savoir ce qu’il devient. Toutefois, ce lieu de retraite n’apaise pas vraiment la narratrice : « Je suis venue ici pour avoir la paix, mais je me rends compte d’une chose : les lieux ne sont pas paisibles. Le calme est en nous ou n’est pas. » (p. 18).
F) Autres citations pertinentes :
En s’observant dans le miroir de la chambre d’hôtel elle dit : « Je fixe cette femme au teint blafard qui n’est pas moi. […] Je ne sais plus qui je suis et cet endroit n’existe pas. » (p. 13).
En parlant d’une photo d’elle prise accidentellement par son amoureux : « Tu as appuyé sur le déclencheur sans le vouloir. En a résulté une image floue. On y voit que la moitié de mon visage, l’autre étant recouverte par ta main. C’est probablement le portrait de moi le plus fidèle qui existe. » (p. 110).
Sur le voyage : « Ceux qui croient que voyager signifie être en vacances n’ont jamais véritablement mis les pieds à l’extérieur de chez eux. Le monde ne nous donne pas de vacances : il nous force à être soi, soi et rien d’autre… » (p. 139).
« Il y a des étoiles mortes qui brillent encore parce que leur éclat est pris au piège du temps. Où est-ce que je me tiens dans cette lumière qui n’existe pas au sens stricte? » (p. 183).