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1. Propriétés du personnage

Ses caractéristiques physiques, psychologiques, relationnelles

Physiques

Il a environ quarante-cinq ans (soit près du double de l'âge d'Orson Welles lorsque celui-ci écrivit Citizen Kane et en interpréta le premier rôle), les cheveux gras, est un peu bedonnant et de plus en plus chauve. Fumeur, sauf en société.

Psychologiques

Il semble être continuellement au bord de la dépression, voire suicidaire (même si le suicide est le plus souvent évoqué avec du sarcasme ou un brin de dérision. On dirait même qu'il prend un certain plaisir à s'auto-enfoncer, à se répéter, sous toutes les variantes possibles, à quel point il est misérable.

Normand admet que le bonheur des autres l'accable (94).

Relationnelles

Ce sont probablement les relations avec les gens qui sont le plus problématiques pour Normand. Personne ne veut l'aider. Au contraire, quand les gens ne sont pas indifférents, ils semblent chercher à lui nuire par tous les moyens possibles.

La plupart de ses conversations, même celles avec ses amis, sont insipides et insignifiantes (75).

Il manque tellement d'affection qu'il semble amoureux de la voix féminine de son répondeur. De son propre aveu, celle-ci lui “suffit presque”(119).
Normand admet d'ailleurs ne pas avoir eu de petite amie “depuis très, très longtemps” et parle de “l'aridité de sa vie sexuelle” (79).

À Noël, sa mère est partie en voyage avec sa soeur (la soeur de Normand) et son père est parti en voyage de chasse (pourtant une activité typiquement père-fils) avec le beau-frère de Normand. Aucun des deux parents n'a proposé à Normand de l'accompagner. Il devra donc passer Noël dans sa famille éloignée, un échec. (51)

Il trouve que son père est un homme parfaitement inintéressant. (66) Quant à sa mère, elle souhaite qu'il lui rembourse les 100 000 $ qu'il lui en a coûté pour l'élever (40). Comme si elle n'était pas satisfaite du produit fini et qu'elle voulait se prévaloir de la garantie, j'imagine… Elle le traite également de “bon à rien”, de “mal élevé” et de “sans-coeur” (174), a affiché dans le quartier des portraits de Normand avec la mention “Dangereux récidiviste” (168).

Pour généraliser, on pourrait dire que tout le monde se fiche de lui, le prend pour un moins que rien (ce qu'il semble être, c'est vrai), mais alors là quelque chose de grave. Mentionnons, en vrac et sans prétendre à l'exhaustivité: le laveur de tapis (16), les deux fils de sa soeur qu'il doit souvent garder, la concierge qui le rabaisse constamment et est carrément méchante (91), la commis au bureau des passeports qui le rabaisse aussi (92), les gens qui refusent de le raccompagner jusqu'à l'arrêt d'autobus à la sortie du ciné-parc, le chauffeur du camion de déménagement qui refuse de l'aider à transporter des trucs avant de garocher les trucs en question dans la rue et de partir en trombe (137), son nouveau voisin qui fait exprès de fumer devant la porte de Normand, le chauffeur d'autobus qui refuse de le laisser descendre (148), le paysan lituanien qui se sauve plutôt que de lui parler (154), la dame chez qui il habite en Lituanie qui le force à accomplir diverses corvées et à manger sa nourriture infâme et qui prend son journal en otage (157-158), et pire.

Il se rend parfois au salon de massage pour recevoir des massages érotiques (49). Une fois, il s'y rend dans l'espoir de recevoir simplement un massage “normal”, mais on lui dit que c'est impossible. Même quand il paie, il n'obtient pas ce qu'il veut des autres… Même chose d'ailleurs avec la prostituée qui doit venir chez lui. Lorsqu'elle arrive, il réalise qu'il s'agit de sa cousine.

Même ses plantes meurent toutes… (24)

Un jour, il se rend au cinéma avec Povilas, mais aboutissent dans des salles séparées parce qu'ils ne s'entendent pas sur un film à aller voir. (81)

Normand se plaint que ses relations avec les autres humains sont toujours laborieuses et décevantes: il bafouille et devient maladroit en société. “Rien n'est jamais acquis dans la vie, c'est un combat de tous les instants. Voilà pourquoi je reste à la maison en ce samedi soir.” (99)
Lorsqu'il va passer une fin de semaine au chalet de ses amis Louise et Robert et deux de leurs amis, il constate que chaque conversation est une corvée. (104)

Il est un non-fumeur social, c'est-à-dire qu'il “ne fume pas, uniquement en société” (93).

Perception qu'ont de lui les autres personnages

La concierge de Normand parle de lui comme de “l'affligeant divorcé dans le minable taudis” (10), même s'il n'a jamais été marié.

Une cousine éloignée “fait l'inventaire de [s]es principaux défauts: imbécillité, vêtements affreux, cheveux gras, etc.” (57)

Perception qu'il a de lui-même

Il s'imagine en prisonnier (16), se voit en bête en cage (23). Problème de liberté, donc.

À plusieurs reprises, Normand se compare aux grands hommes de ce monde et aux héros de cinéma, pour se rendre compte qu'il n'est vraiment qu'un minable: “Comment fait un héros de film, alors qu'vient de tomber profondément amoureux, pour résoudre une intrigue complexe, pleine de coups de feu, de requins mangeurs d'hommes ? De mon côté, j'ai du mal à me concentrer pour préparer un vulgaire sandwich au thon.” (115)
“Pour véritablement vivre une expérience remplie et passionnante, comme les gens au cinéma, marcher dans la ville sans but précis ne compte pas. Il faut aller régler une affaire urgente, enquêter sur quelque sujet, fuir des malfaiteurs, avoir une mallette à la main pour un projet important, vivre une passion exacerbe… ce genre d'activités. Au sortir de la salle de cinéma, je marche sans but.” (146)
Après une série d'échecs lors de son voyage en Lituanie: “Comment Jack Kerouac procédait-il pour vivre des aventures telles que les siennes ?” (160)
Au cinéma: “Le film finira inévitablement par se terminer […] et je me retrouverai dehors, au gros soleil en plein après-midi, avec mes problèmes, dépité, moins riche de quinze dollars, confronté à ma vie, celle-ci n'ayant rien en commun avec les aventures formidables auxquelles je viendrais d'assister. […] Tout ce qui suivra ne pourra qu'être fade.” (171)

Le cadre dans lequel il évolue

Le demi-sous-sol dans lequel il habite n'a qu'une fenêtre sale à hauteur du sol, est peu éclairé et était à l'origine un débarras, comme la concierge ne manque pas de le rappeler à Normand. Celui-ci-réfère tour à tour à son logement comme à un “nid à punaises”, un “entrepôt”, un “cloaque” (23). L'endroit ne semble pas être fait pour accueillir un être humain: “la porte d'entrée de mon logis est terriblement basse. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis cogné le front sur son cadre. “Pour ranger les tondeuses et les pelles, pas besoin d'une grosse porte, voyons”, m'avait aboyé la concierge.” (24)

Il n'y a pas de place pour un lit dans son appartement, c'est pourquoi Normand dort sur un canapé deux places. (61)

Son immeuble, Le Voltaire, tombe en ruine et est “situé dans un ensemble d'immeubles identiques et grisâtres le long d'une voie ferrée en périphérie de la ville”. Les visites y sont interdites, mais Normand ne respecte pas ce règlement lorsqu'il doit garder ses neveux ou les rares fois où il reçoit des visiteurs. À un moment, il compare même son immeuble à l'Enfer, qui serait gardé par Cerbère, le camion de goudron (112).

Il a la radio, pas la télé.

Son rôle dans l'action

Se lamenter et tenter, le plus souvent en vain, d'améliorer sa quotidien. Résultat: résignation, sauf à la toute fin du roman.

Son discours : commentaires "littéraires"

La littérature ne sert à rien. D'ailleurs, son père se servait de livres pour équilibrer des tables et des chaises bancales (35-36).

Sans se faire trop d'illusions, il écrit son journal pour “tenter de [s]e remonter le moral, mettre un peu de gaieté dans [s]a vie. Si tant est qu'on puisse exulter en écrivant. Alphonse Daudet a-t-il véritablement exulté avec son Petit Chose? Si oui, il est bien le seul. Romain Gary, lui, a-t-il exulté en écrivant son oeuvre ? Si tel était le cas, il ne se serait probablement pas tiré une balle dans la tête.” (15)
Il décrit d'ailleurs son journal comme une “exaspérante et interminable litanie” à laquelle personne ne s'intéressera. (38)

Constante dans son comportement

Il fait tout de travers. Et lorsqu'il fait quelque chose correctement, des malchances ou des gens méchants s'occupent de faire capoter ses projets.

Identité et désignations

Son identité est problématisée de plusieurs façons:

  • lorsqu'il était enfant, ses enseignants oubliaient son existence jusqu'au tout dernier jour d'école (11);
  • sa mère l'a appelé Normand en l'honneur du célèbre chanteur français “Normand” Aznavour (!) (12);
  • plutôt que de le reconnaître, la serveuse d'un café qu'il fréquente depuis plus d'un an le prend chaque fois pour “le nouveau livreur de patates qui attend de se faire payer” (21);
  • à l'usine, un contremaître l'appelle Réjean même si ce n'est pas son nom: “J'vais t'appeler RÉjean, ça va être plus simple (57)
  • à tous les ans depuis qu'il est tout jeune, sur les ballons d'anniversaire que gonfle sa mère il est écrit “Joyeux anniversaire Marc” (74)

De plus, Normand lui-même a de la difficulté à retenir les noms des gens: par exemple, il ne se souvient pas du nom de Louise, la femme d'un ami qu'il connaît pourtant depuis des années. (50-51) À un autre moment, il rencontre une ancienne connaissance dans la rue, par hasard, et va boire ses économies dans un bar avec cet homme dont il est incapable de se rappeler le nom, même après avoir passé plusieurs heures avec lui.

Passé/hérédité

A déjà été serveur, dans une “vie antérieure” (51), commis dans un magasin de produits d'extermination (111), fantôme dans une maison hantée (113).

Il a déjà perdu un emploi et était alors sans le sou (11). Il a eu une enfance “on ne peut plus ordinaire” (11), mais les récits qu'il en fait sont insipides (lui-même le dit). Bref, le regard qu'il pose sur son enfance n'est pas nostalgique, comme c'est souvent le cas, mais complètement désenchanté. La magie de l'enfance, pour Normand, ce n'est même pas un fantasme.

Il classe ses souvenirs matériels méthodiquement, ce qui est pour le moins étonnant étant donnée sa personnalité. Mais les dessins d'enfant qui se trouvent dans sa boîte à souvenirs ne sont pas les siens; il s'agit de ceux du petit voisin qui dessinait mieux que lui et que la mère de Normand a préféré conserver (63).

“Je ne suis jamais parvenu à me faire des souvenirs de qualité” (96), manière de dire que tous ses projets antérieurs ont été des échecs tellement lamentables qu'il vaut mieux tenter de les oublier.

Situation, classe sociale, métier

Sur appel, de nuit et au noir, il travaille pour Cyanibec, une usine qui fabrique du cyanure de potassium, un poison pour euthanasier les animaux (12-13). Il doit faire 1h45 de trajet pour se rendre au boulot (marche-bus-train-métro-autobus-autobus-marche) et autant pour en revenir. Après avoir déménagé, ce sera encore plus long. Nul besoin de préciser, sans doute, que Normand n'aime pas son travail (31).

Il a un certificat universitaire, qui ne lui a servi qu'à accumuler des dettes qu'il n'a jamais pu rembourser. Et son voyage en Lituanie l'endettera encore davantage (169).

Il rêve d'être fleuriste (67), ce qu'il semble réussir à faire à la fin du roman, juste avant de mourir écrasé.

Loisirs:

À peu près aucun. Même qu'il est parfois forcé de s'en inventer maladroitement pour se soustraire à la compagnie des autres. “Quatre heures quinze du matin […] Je ne sais comment m'occuper. S'il pouvait être plus tard, aussi. Puis, je réfléchis: même s'il était midi, je ne saurais pas davantage quoi faire. Un conseil: n'écoutez pas ceux qui vous affirment que la vie est courte. Oh non. La vie est longue, interminable.” (18)

À tous les mardis soirs, il va au cinéma avec l'espoir confus de trouver l'âme soeur “dans une salle obscure et où il est interdit de parler” (64).

Selon ses dires, Normand n'a pas vraiment de hobbies et n'est habité par aucune passion. (147) L'écriture de son journal est sa seule occupation (168).

Psychologie à peine évolutive

Brièvement évolutive. Si je pouvais dessiner une courbe pour exprimer l'évolution de Normand, elle ressemblerait à une longue et douloureuse descente entrecoupée de faux espoirs et suivie d'un bref sursaut à la fin du roman, avant de s'arrêter brusquement avec son décès. Tout ça pour dire que dans les dernières pages du roman, Normand retrouve foi en la vie, semble se reprendre en main grâce à sa propre motivation et à l'aide de certains de ses amis. Mais, peine perdue: il se fait écraser par le fameux camion de goudron. Accident fortuit, mais, en bout de ligne, tellement absurde qu'il s'inscrit dans la tonalité cynique de l'ensemble du roman.

2. Textualisation des procédés de caractérisation

Focalisation

Interne

Narration

Autodiégétique.

Le narrateur et personnage principal pose un regard assez ironique sur sa condition. En vérité, il s'agit plus d'un regard sarcastique (“l'affriolante usine” où il travaille) ou carrément cynique: “On dit qu'il faut beaucoup d'échecs pour enfin réussir, dans quelque domaine que ce soit. Ma réussite sera sûrement grandiose.” (30)

Discours

direct et indirect

Niveaux de langue

Dans l'ensemble, courant ou soutenu. Certains dialogue adoptent cependant un niveau de langue plus familier, populaire.

Identification

Directe

Introduction (première occurrence)

“J'habite un appartement minuscule.” (p. 9, 12e ligne)

Scène de révélation/dissimulation/travestissement, qui mène à une identification normale, fausse, empêchée, différée

Non…

ranx/une_vie_inutile_exercice_de_poetique_sebastien.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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