Wiki – Laboratoire Ex situ / René Audet

Le roman s'ouvre sur une scène de naufrage. Jean-Paul sauve héroïquement son fils des flots après les avoir combattus pendant plusieurs heures. Malheureusement, sa femme et sa fille ont perdu la vie dans l'accident. Afin d'oublier cette tragédie et la disparition de sa femme Jeanne en particulier, Jean-Paul transforme un camion en espèce de véhicule moitié tank moitié Westfalia - le tout équipé des plus récentes technologies - et décide de partir à l'aventure, en autonomie totale, avec son fils, Ben, et Marc-Aurèle, un ami, ancien boxeur reconverti en garagiste philosophe. Entretemps, par ailleurs, Jean-Paul a changé de nom pour s'appeler Sauveur Desrozeaux. Forcés de renoncer à l'autonomie totale au profit de l'autonomie partielle (bref, utiliser les routes au lieu de s'embourber dans les champs et tenter sans succès cours et plans d'eau à gué…) à cause d'une suite d'accidents et d'une inefficacité générale, les trois comparses finissent par se retrouver sur le continent africain et s'établissent finalement sur le flanc d'une falaise, dans les montagnes de l'Atlas, non loin d'un petit village berbère. À la grande stupéfaction du lecteur - moi, en l'occurrence, qui n'ai pu m'empêcher d'éclater de rire -, une fois qu'ils sont bien installés, Sauveur (ancien Jean-Paul, je le rappelle) aménage un coin pour ses ordinateurs et se met à jouer frénétiquement à un jeu vidéo ! Ce passe-temps semble être une façon métaphorique pour lui de se recréer un monde et de renouer avec l'amour (voir citations dans la section suivante). Peu à peu, les ex-voyageurs fraternisent avec les habitants du village, puis Sauveur file le parfait amour avec une mystérieuse femme, Marc-Aurèle, devenu homme de ménage, meurt en tombant de la falaise, presque dans l'allégresse générale. On apprend aussi que le naufrage n'était pas un accident, mais une tentative de suicide familial orchestrée par Jean-Paul/Sauveur…

Explication : La narration est à la troisième personne et se focalise tour à tour, le temps de quelques paragraphes ou parfois d'un chapitre entier, sur Sauveur, Ben et Marc-Aurèle. À quelques reprises, le narrateur fait un court commentaire très facultatif du genre: « Mais changeons de sujet et revenons au paysage et aux aspects pratiques. » (p. 151)

Explication : Sauveur l'admet sans trop de difficulté, l'objectif de sa fuite au sud est de se défaire du souvenir de sa femme: « Jeanne ne nous poursuivrait pas ici. » (p. 149) Dans les 150 premières pages, il se lamente d'ailleurs périodiquement sur la perte de sa femme et de sa fille, mais on ne connaît pas vraiment ses états d'esprit. En fait, les personnages de ce roman sont tous un peu insipides… Tout de même, on finit par comprendre que l'étonnant épisode du jeu vidéo à flanc de falaise constitue une sorte de tentative métaphorique de renouer avec le monde:

« Il jouait à Caesar III. Il s’agissait de bâtir une ville romaine avec ses marchés, ses greniers mais aussi ses temples, ses bibliothèques, ses écoles, avec ses ports, avec son artisanat de poteries et de meubles, avec ses fermes de blé et de légumes. » (p. 156)

Puis, quand il renoue également avec l'amour, il réalise que construire des casernes et des armureries ne lui sert à rien s'il veut devenir consul (remporter la partie):

« La clé, c’étaient bien les temples à Vénus. […] Pour être consul, il n’y a que l’amour. C’est bien vrai. » (p. 201)

Explication : L'incapacité de Sauveur à accepter la perte de sa femme et de sa fille. Son changement de nom reflète aussi cette sorte de déni: en choisissant de s'appeler Sauveur, il peut ainsi mettre l'accent sur son acte héroïque et se détacher un peu de la tragédie. Lorsqu'il révèle, à la fin du roman, qu'il est responsable du naufrage, on comprend encore mieux la raison de ce déni et sa volonté de changer de monde.

Explication : Rien de particulier, excepté sa propension à prendre des décisions inusitées, comme partir dans le désert pour jouer à un jeu vidéo à flanc de falaise…

Explication :

Lieux représentés : véhicule tout-terrain, montagnes de l'Atlas Explication : Les montagnes de l'Atlas, en particulier, semblent permettre à Sauveur de s'évader mentalement. Le véhicule tout-terrain sert quant à lui à s'évader physiquement. Étant donné que ce sont à peu près les deux seuls espaces représentés, on pourrait dire que le roman en entier est placé sous le signe de l'évasion.