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Passivité loquace [ou auto-réflexive ? ou encore l'Immobile rumination ? L'Immobile insatiable ? (difficile celui-là, en gender-neutral)]
phrase catchy
Faisant visiblement preuve d'une passivité inébranlable face à son destin, la réflexion quant à sa situation prévaut largement, chez Passivité loquace, sur le passage à l’acte qui pourrait mettre fin à la situation problématique. Cela se traduit généralement par un vaste monologue intérieur où les différents scénarios possibles sont examinés (de façon paranoïaque ou méthodique), les frustrations quotidiennes sont ressassées et toutes les actions des gens qui l'entourent sont questionnées. Cela crée souvent des relations problématiques avec son entourage et avec les autres en général qui n’ont pas accès à ce flux perpétuel de préoccupations. Cette supplantation de la vie active par la pensée personnelle amène Passivité loquace à se complaire dans ses ruminations solitaires.
Cette situation n’est pas nécessairement intrinsèque à sa personnalité (bien qu’elle le soit en de nombreux cas), mais peut découler d’un événement de coupure – rupture, tentative de suicide, rencontre inopportune, par exemple – qui l’a poussé à cette période de remise en question.
Des exemples notables :
Adam Haberberg dans Adam Haberberg de Yasmina Reza ;
À l'approche de la cinquantaine, Adam Haberberg vit avec deux enfants et sa femme qui ne l'aime plus et le méprise ouvertement. Il souffre d'un grave trouble oculaire qui pourrait le rendre aveugle et sa carrière d'écrivain est en manque de succès critique et populaire. Il maudit tout le monde intérieurement et se vautre dans la rumination. Il est résigné à sa situation et ne fera rien pour améliorer son sort. S’il demeure en pensée très critique de ce et ceux qui l'entourent, ses actions ne suivent pas ces récriminations. Ses pensées semblent même déconnectées de son corps : « [Adam pense :] je devrais lui retourner la question, mais je me fous éperdument de ses parents comme je me fous de sa vie entière. - Et toi, tes parents ? Dit-il. » (p. 83). Il se retrouve dans des situations de moins en moins agréables, qui le font se plaindre de plus en plus, sans jamais s’en sortir.
Yasmina Reza, Adam Haberberg, Paris, Albin Michel, 2003, 656 p.
Réédition sous le titre Hommes qui ne savent pas être aimés chez Albin Michel, en 2009.
Rita dans Rita tout court de Maxime Olivier Moutier ; Rita, obèse, fin quarantaine), assise dans son fauteuil au milieu de ses dizaine de toutous ou nettoyant, fait, sur douze jours, le lent monologue de sa vie. Elle se rappelle ses douloureux souvenirs comme ils se présentent à son esprit, en modifiant parfois sa version. Une certaine volonté d’agir est présente, mais un certain blocage l’empêche de passer à l’action, même dans les plus simples des gestes : « J'ai des idées… comme aller prendre une marche, me faire un chocolat chaud. Mais j'pas capable de passer à l'action » (p. 21).
Maxime-Olivier Moutier, Rita tout court, Montréal, Marchand de feuilles, 2013, 97 p. Orion
L'homme dans Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint ; L'homme vit une rupture amoureuse et il part en errance dans Tokyo, ville inconnue où il accompagnait son amoureuse. Il rumine des idées sans les mettre en pratique. Les élans de violence qui l'assaillent ne se traduisent pas en gestes. Son récit est surtout centré sur les aléas émotifs qui l'habitent et qui semblent paralyser sa capacité à agir. Une certaine confusion intérieure, ou une incertitude quant à la décision de rupture, favorise aussi son inaction : « je n’ai rien fait, je ne l’ai pas embrassée, je ne l’ai pas embrassée une fois cette nuit-là, je n’ai jamais su exprimer mes sentiments. J’ai regardé la larme se dissiper sur sa joue, et j’ai fermé les yeux – en pensant que peut-être, en effet, je ne l’aimais plus » (p. 31-32).
Jean-Philippe Toussaint, Faire l'amour, Paris, Éditions de Minuit, 2002, 180 p.
Documentation critique
La femme au gigot dans Univers, univers de Régis Jauffret ; La femme est littéralement inactive, voire immobile tout au long de son récit, regardant simplement cuire son gigot dans le four. Ce qui habite ses pensées est toutefois bien plus dynamique. Pendant cette activité on ne peut plus passive, elle s'invente des vies multiples, des mésaventures violentes et sexuelles, des environnements revisités, des morts nombreuses. Elle se crée de multiples identités afin de couper avec sa vie réelle, qu'elle trouve inintéressante, mais où elle demeure tout de même. Se perdant dans ces fantasmes, elle se déconnecte entièrement de son monde
Régis Jauffret, Univers, univers, Paris, Verticales, 2003, 610 p.
Documentation critique
La patiente dans Les murs d'Olivia Tapiero ; Une tentative de suicide mène à l'hospitalisation de la jeune femme. Elle se plonge dans ses pensées noires et refuse de s'attacher à quiconque l'entoure. Sous surveillance constante à l’hôpital, le personnage ne peut pas faire grand-chose. Ses journées se ressemblent toutes. En état de grande passivité, elle ne prend pas part au monde. Si son seul vrai désir est de mourir, elle ne repassera toutefois pas à l'action : elle se contentera de se laisser dépérir tranquillement, de se rapprocher de la mort comme elle le peut, notamment en cessant de manger.
Olivia Tapiero, Les murs, Montréal, VLB éditeur (Fictions), 2009, 151 p.
Orion
Mathieu dans Vu d'ici de Mathieu Arsenault ; Mathieu, le plus souvent affalé devant sa télé, dans une maison de banlieue, dévoile ses pensées vitrioliques. Plusieurs des réflexions décousues de Mathieu proviennent de près ou de loin de ce qu'il contemple à l'écran, comme en témoigne l'abondance de références télévisuelles. Son aliénation semble venir de cette fascination qu’il a pour l’analyse du monde, qu’il fait devant son téléviseur. Perdant tranquillement espoir pour le monde, la volonté d’agir du personnage, déjà très peu présente, s’estompe de plus en plus : « Il ne se passe rien il n'y a pas d'intrigue pas de salut et ce qui est horrible c'est qu'on apprend plus rapidement à fréquenter les atrocités en changeant de chaîne ou en fixant le vide qu’a douter de tout devant le spectacle de l'effondrement du monde j'aime les sushis le beau temps l'odeur de l'herbe fraîchement coupée l'odeur de l'essence lâcher au bon moment la gâchette de la pompe à essence pour que ça fasse un chiffre exact et pourtant qu'est-ce que cette sourde et minuscule angoisse […] » (quatrième de couverture).
Mathieu Arsenault, Vu d'ici, Montréal, Triptyque, 2008, 97 p.
Orion
Séraphine dans Certainement pas de Chloé Delaume ; La vie de Séraphine est une constante répétition de son quotidien. Elle est prise dans sa routine. Ce qu’elle fait, elle le fait mécaniquement, comme un robot. Elle trouve le monde extérieur hostile, ce qui l’empêche de sortir de son environnement et d’opérer un changement. Elle se complait dans son oisiveté : « Le corps de Séraphine pilotait en automatique le long de ce trajet depuis six ans trois semaines et cinq jours. Deux fois par semaine, cinquante-sept pas […]. » (p.250) Elle ne cherche aucunement à améliorer son sort : « Elle était morte depuis longtemps. […] Du reste, elle n'avait jamais aspiré à autre chose qu'à celle ligne doucereuse, droite et sécurisante d'horizontalité » (p. 252).
Chloé Delaume, Certainement pas, Paris, Verticales, 2004, 360 p.
Sam Elliot dans Juste avant la frontière de Julien Bouissoux ; Sam Elliot s'apprête à partir de la ville où il travaille depuis quatre ans et dont il a été incapable d'apprendre la langue locale. Durant les quelques heures précédant son départ, il termine ses préparatifs et se remémore ses rencontres, particulièrement ses rencontres avec les femmes. Ses souvenirs prennent le dessus sur tout, même si sa mémoire est infidèle. Son manque d’enthousiasme est flagrant. Son seul but étant de prendre l’avion pour Paris, où personne ne l'attends : « La proximité ne m'a pas toujours dérangé. Peut-être est-ce le départ. L'anesthésie du dernier jour. Je suis comme un corps mort descendant le fleuve. Comme une éponge, encore, décrochée du fond de l'eau » (p.14).
Julien Bouissoux, Juste avant la frontière, Paris, Éditions de l'Olivier, 2004, 152 p.
Le diariste dans L'excavatrice de Boris Schreber ; L’homme s’isole dans l'écriture de son journal intime où il cherche à ne rien dire ou à en dire le moins possible. L’objectif de son journal est d’échapper à l'Indifférence et aux sbires de celle-ci qui seraient à ses trousses. L’écriture étant la seule action concrète que pose le personnage, son attitude face à cette activité suggère que même cet effort lui est insupportable. Il souhaite « ne rien dire par l’écriture » et pourtant remplit près de 200 pages de mots. Non seulement son inaction est flagrante, mais son refus de communiquer de l’information met en lumière ce défaitisme face aux actions et aux pensées qui les régissent.
Boris Schreiber, L'excavatrice, Paris, Le cherche midi, 2000, 197 p.
Le fils dans Villa Bunker de Sébastien Brébel ; Le fils a entrepris il y a une dizaine d'années une thèse sur Foucault qui demeure inachevée et qui lui semble impossible à terminer. Il travaille encore à ce projet qui le plonge pourtant dans un isolement quasi complet et qui monopolise toutes ses pensées : « une thèse qui était devenue avec le temps une obsession monopolisant tout mon temps et toute mon intelligence, une obsession qui avait éteint toute curiosité et tout intérêt pour ce qui échappait à la sphère de mes préoccupations philosophiques, une idée fixe qui avait fini par tuer toute sympathie pour le monde et qui m'avait finalement coupé du monde, qui m'avait rendu indifférent à tout en effet, y compris et surtout à moi-même, incapable que j'étais de m'intéresser désormais à autre chose qu'à Foucault » (p. 114-115). Il semble paralysé dans l'inaction. Lire les lettres de sa mère semble inconcevable, qui plus est y répondre.
Sébastien Brebel, Villa Bunker, Paris, P.O.L., 2009, 160 p.
L'homme dans Nue de Jean-Philippe Toussaint ; L'homme attend pendant deux mois que Marie, son ex-copine qui vient de le laisser, le contacte, mais il n'envisage à aucun moment de le faire lui-même. Quand il est sans la femme qu'il aime, il se laisse aller à une angoissante oisiveté, ne prenant aucune décision ni aucune initiative. Jamais il n'accomplit seul une tâche concrète, hormis le déplacement. En effet, c'est par sa seule errance que le personnage agit, en quelque sorte. Lorsqu'il est en contact avec Marie, le narrateur est en soudaine adéquation avec le monde, devenant alors fonctionnel, mais toujours au crochet de Marie.
Jean-Philippe Toussaint, Nue, Paris, Éditions de Minuit, 2013, 176 p.
Simon Steiner dans Kyoto Limited Express d'Olivier Adam ; Simon Steiner est de retour à Kyoto, ville où il vécut heureux avec sa femme et sa fille. Toutefois, cette fois, elles ne sont plus avec lui. Revivant le passé, ne pouvant s'en détacher, le personnage se contente maintenant d'errer d'un lieu à un autre afin de contempler la ville et son bonheur perdu. Il se complait dans la contemplation de Kyoto et demeure en retrait du monde. Il n'entamera aucune relation amoureuse ou affective avec cette amie pour qui il ressent du désir. « Ses mains, sa bouche, son visage, tout en elle était d'une douceur insensée, tout aurait dû me rendre à moitié dingue, mais je n'étais plus assez vivant pour ça, j'avais encore une ombre mais c'était tout ce qu'il restait de moi. Je n'avais plus d'énergie que pour des éclats, des fragments épars, un baiser, un battement de coeur, une étreinte volée au néant » (p. 116).
Olivier Adam Kyoto Limited Express, avec les photos d'Arnaud Auzouy, Paris, Points, 2010, 176 p.
[ICI]
Je vole - Mathieu Belezi
Dans une ville au bord de la Méditerranée, un ancien comptable dans la quarantaine, asthmatique, divorcé qui peine à payer la pension alimentaire, chômeur qui n'aura bientôt plus droit à l'assurance-chômage et dépressif à temps presque plein, n'a droit qu'à quelques rares instants de bonheur lorsque, le dimanche, il peut passer quelques heures avec sa fille. Face à l'échec de sa vie, il s'ennuie. Il affirme qu'il voulait « exercer en paix mon métier de comptable, avec à mes côtés la femme que j’avais épousée et la fille que j’avais faite, dans l’hébétement salutaire de l’habitude, ceci afin que ma mémoire s’en tienne à un rôle strictement informatif » (p. 158) Puisque son dessein est de retrouver cet état, le lecteur serait en droit de s'attendre à ce qu'il tente de reconquérir sa femme, qu'il fasse des efforts pour se retrouver un emploi, mais puisqu'il est déprimé, il réfléchit à son enfance difficile (il accuse son éducation d'être la cause de ses maux) et ne répond pas au téléphone. Lorsqu'il décroche finalement un emploi, il cesse de s'y présenter et s'enfonce dans sa situation déplaisante.
La nuit des morts-vivants - François Blais
À Grand-Mère, Pavel et Molie sont payés pour écrire leur quotidien, sans qu'ils ne sachent pourquoi. La vacuité de leurs existences de zombies modernes est traitée sur un ton dérisoire. Même s'ils sont allés à l'école secondaire ensemble, Pavel et Molie n'ont plus le moindre contact depuis cette époque, ce qui est étonnant étant donné leurs nombreux points communs. Cela constitue un des seuls ressorts de l'intrigue. Pavel vit et travaille la nuit, à l'entretien d'un centre commercial alors que Molie est essentiellement noctambule, mais n'a volontairement pas d'emploi. Pavel et Molie ne se rencontrent jamais, mais ils ont plusieurs interactions théoriques. L'absence d'ambition des personnages et leur désir de ne pas s'inscrire dans le monde est la cause de leur inaction Ils sont fans de jeux vidéos, parlent des mêmes sujets (la poutine théorique, l'âme soeur impossible, etc.), louent les mêmes films d'horreur, utilisent la même métaphore de Schopenhauer des porcs-épics frileux, lui pour décrire sa vie sentimentale peu satisfaisante, elle pour parler de sa vie sociale, car elle est, justement, asociale, voire sociopathe à l'occasion. Ces réflexions n'entraînent, à aucun moment, une action quelconque pour se reconnecter avec la société. Un contraste est évident entre les compétences intellectuelles des protagonistes et ce qu'ils se contentent de faire.
Le ciel antérieur - Mark Greene
Le roman est centré autour de trois personnages, mais le seul à être admissible dans cette catégorie est Pierre Orangel, petit éditeur parisien homosexuel et vieillissant qui a publié les deux autres personnages, Marc et Felicia. Les trois personnages ne se reverront pas durant six ans. Pendant ces années, Orangel repense au type étrange qu'était Marc Williams dont il a refusé de publier le troisième roman et il regrette à longueur de soirée n'avoir jamais pris le temps d'écrire lui aussi un livre.
Signes cliniques - Christine Jeanney
Une femme est atteinte d'une maladie qui touche “une femme sur sept”. Hospitalisée et très faible, elle regarde le monde par la fenêtre, elle tente de comprendre et d'interpréter la portion de réalité à laquelle elle a accès: “Chercher du sens, il faut chercher du sens.” Entre un aller-retour à la toilette, la visite d'une infirmière et sa préparation pour des examens médicaux qu'elle doit subir, il ne passe pas grand chose. Elle n'a plus accès physiquement au monde et ne peut donc pas y agir. De cet isolement découle une claustration mentale. Elle ne peut qu'interpréter les choses à partir de sa petite ouverture, sa fenêtre sur la ville. Elle est consciente que le monde continue, mais elle n'en fait plus partie.
Un lac immense et blanc - Michèle Lesbre
Une femme va attendre le train de 8h15 qui doit voir descendre l’Italien qu’elle croise chaque mercredi au café. Mais il n’est pas là. Elle marche dans la ville, se remémore sa jeunesse activiste, la naissance de son amitié avec un corbeau au Jardin des Plantes, sa relation avec Antoine, les villes où elle a marché. Voyages en train, en bus, à pied, c’est une marche solitaire dans la blancheur de la neige qui se rpête à l’évocation de fantômes du passé. La narratrice mène très peu d’actions à bien, renonce, doute de sa capacité à agir. Dans les cafés, elle observe et ne participe pas, attendant qu’un regard d’homme se pose sur elle sans rien faire pour le provoquer. Et lorsque c’est le cas, réagit-elle ? oui et non : elle fuit. « J’attendais qu’ils s’aperçoivent de ma présence, j’attendais jusqu’à ce qu’un regard se pose sur moi. Je le soutenais quelques secondes et je m’en allais. » (p.21)
L'herbe des nuits - Patrick Modiano
Le narrateur, grâce à un carnet noir dans lequel il a l’habitude de noter des noms, des lieux, ou des moments, retrace une période de sa vie pendant laquelle il était le copain de Dannie, une jeune femme aux drôles de fréquentations, qui des problèmes avec l'immigration. Il se rend compte que ses souvenirs sont imprécis et qu'il ne reste de ce temps que les notes hétéroclites de son carnet noir. Dans le temps réel, le narrateur subit et accepte son sort. Donc, ne s’oppose pas aux choses et croit qu’elles sont telles quelles, inchangeables. Agir est superflu. La seule chose que Jean fait vraiment, c’est peut-être de noter plein de mots hétéroclites dans son carnet noir pour avoir une emprise sur le temps et démêler tout cela un jour. On peut noter une répétition de la question : «À quoi bon?» dans le roman.
Sur la dune - Christian Oster
Paul projette de quitter Paris pour habiter Bordeaux. Entretemps, il doit prendre quelques jours de congé pour aider ses amis, Catherine et Jean, à désensabler leur maison au bord de la mer. Arrivé à Saint-Girons-Plage, il ne trouve pas ses amis. Ils ne sont ni à la maison ni à l'hôtel. À défaut d'avoir une autre activité, Le personnage décide de quand même procéder au “désensablage” de la maison. La volonté du personnage est plutôt étrange. De plus, il vit dans une attente presque perpétuelle : il laisse aux autres le soin de prendre les évènements en main. La principale caractéristique du personnage est son sens de l'analyse exacerbé. Il hésite constamment, surinterprète les moindres gestes de son interlocuteur. Les rapports aux autres passent par le silence : «Le silence, désormais, s'était installé entre nous comme le plus sûr moyen de dialogue.» (p.162)
Les mots des gorges (Nouvelle (Un renard à mains nues)) - Emmanuelle Pagano
Une jeune femme est seule au bord de la mer. Elle regarde les baigneurs et repense à une rupture récente. La vie se déroule devant elle, mais elle ne pense qu’à sa peine: « [J]e suis sortie de sa vie, de notre vie, de la vie tout court peut-être, je suis entrée dans une enluminure du Moyen Âge, tout est si minutieusement là, tout est si attentivement précisé, je n’ai pas l’impression d’exister.» (p.15)
Palladium - Boris Razon
Un homme hypocondriaque commence à ressentir de bizarres et douloureux symptômes; personne ne comprend ce qui lui arrive jusqu'à ce qu'un spécialiste le soupçonne d'être réellement atteint d'une maladie rare du système nerveux nommée syndrome de Guillain-Barré. Cette maladie paralyse le corps complètement pendant un certain temps. Tout au long de son hospitalisation, Boris ne peut qu'agir en pensée. Il entremêle rêves, hallucinations et réalité jusqu'à être complètement déconnecté du monde réel. Dans son esprit, il prend part à toutes sortes d'aventures durant lesquelles il meurt plusieurs fois et où apparaissent sporadiquement membres de la famille ou du corps infirmier.Dans ce récit on ne peut aucunement se fier au narrateur, car celui-ci entremêle souvenirs, rêves, hallucinations et réalité. Paralysé, il raconte les événements qui se déroulent dans son esprit et leur donne valeur d'événement réel. Ce monde intérieur qu'il s'est créé et dans lequel il se retrouve prisonnier et complètement seul est également qualifié de “petit camp de concentration” (p. 366).
Musaraignes - Jacques Serena
Un homme vit d'abord avec une femme. Celle-ci travaille et vit de façon normale, comme tout le monde, pendant que lui passe ses journées à déambuler dans la maison en attendant qu'elle revienne du boulot. Un jour, elle en a marre et lui ordonne de ficher le camp, ce qu'il finit par faire sans vraiment s'obstiner, comme indifférent. Il échoue chez deux sœurs qui, pour une raison inconnue, acceptent de l'héberger dans une chambre vacante. Le personnage principal passe alors le plus clair de ses journées à se reposer dans son lit, à réfléchir et à se plaindre du traitement pourtant impeccable qu'il reçoit des sœurs.Peu à peu, on comprend qu'il passe son temps à penser plutôt qu'à agir. Et qu'à force de penser, il comprend mal les choses, sans compter que lorsqu'il a fini de penser, il est souvent trop tard pour agir ou, le plus souvent, il ne peux ou veux pas agir.
Pas trop certaine de ceux-ci :
Le professeur de piano dans La mort de Blaise de Luc Mercure ; Un professeur de piano particulièrement sensible considère son existence futile. Il s'attache particulièrement à un de ses élèves, Alexandre, dont l'innocence enfantine permet au professeur de garder un lien avec le monde ou, plutôt, avec les humains. Toutefois, il tentera de se suicider avec l'aide de ce dernier, plan qui échouera. La mort de l'un de ses chats, Blaise, le bouleverse et lui fait repenser sa vie. Il n’a aucun contact durable avec son entourage. Son inaction est pratiquement maladive, ayant presque une phobie de l’agissement, comme lorsqu'il tentera, sans succès, de passer la porte de son ami Thierry, une fois déplacé en France dans ce seul but.
Luc Mercure, La mort de Blaise, Montréal, Leméac, 2008, 133 p.
Orion
Nadia dans Mon cœur à l'étroit de Marie NDiaye ;
Le regard que l'entourage de Nadia et de son mari, Ange, porte sur eux change drastiquement. Tout à coup, on les insulte et on les rejette. L’orgueil et l’infidélité de Nadia leur amèneront, à elle et son mari, les persécutions de l’entourage. Le personnage de Nadia choisit de se poser des questions, mais ses raisonnements ne trouvent ni écho, ni réponse positive dans son entourage. Elle est en proie à un désarroi et un déséquilibre mental. Le monde lui devient complètement illisible, ce qui l’empêche de poser des actions concrètes et cohérentes.
Marie NDiaye, Mon coeur à l'étroit, Paris, Gallimard, 2007, 298 p.
Documentation critique
Ann dans Tarmac de Nicolas Dickner ; Ann a des problèmes de santé mentale et une superstition qui occupe une telle place dans sa vie qu’elle occasionne un total manque d’agissements ou de communication verbale avec l’entourage. L’inaction du personnage réside dans sa solitude et son isolement.
Nicolas Dickner, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 280 p.
Fiche Orion
Documentation critique