ranx:on_s_habitue_aux_fins_du_monde

I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Martin Page

Titre : On s’habitue aux fins du monde

Éditeur : La dilettante

Année : 2005

Désignation générique : Roman

Quatrième de couverture : «Un producteur s’occupe de ceux qui entrent dans la lumière; lui reste dans la douce nuit qui protège du regard et donne le loisir de frapper et de consoler, sans jamais être frappé, ni consolé. Élias organisait, négociait, remplissait des chèques, serrait dans ses bras, réservait des jets et des hôtels, trouvait des bons acteurs et les meilleurs somnifères. Mais son œuvre ne laissait pas de traces. Il y a des fantômes sans qui rien ne fonctionnerait. Ce soir, alors que les premiers flocons de neige se posaient sur Paris, une cérémonie l’arrachait à l’immatérialité. Des inconnus refusaient de croire qu’il n’existait pas.»

II- CONTENU GÉNÉRAL

Résumé de l’œuvre : La première partie s’ouvre avec une soirée mondaine : on remet un prix à un jeune producteur : Élias. Celui-ci n’est ni content, ni mécontent. Pour quelqu’un qui est récompensé pour ce qu’il fait, il n’a pas l’air dans son élément. Puis, on apprend que sa copine l’a quitté pour quelqu’un d’autre, quelques jours plus tôt. Clarisse était une femme alcoolique qui a passé six ans avec Élias, mais on réalise que les deux personnages n’étaient pas amoureux, après coup, mais plutôt dans une relation d’aidant/aidé. Le protagoniste compte sur un film qu’il est sensé tourné avec Caldeira, en Afrique, pour s’éloigner, et entrer plus profondément dans son déni. Il côtoie Victor, son «ami», un autre producteur qui envie Élias pour le film avec Caldeira. Il prend un verre avec Zoé, une de ses amies quadragénaire (actrice qui a toujours des rôles secondaires) qui dit qu’«Élias est comme un miroir, […] tout le monde se regarde en lui et on ne le voit pas.» (p. 46) Puis, il va chez Caldeira, qui lui aussi est son «ami», mais après un long prélude chaleureux, ce dernier le tabasse, car il dit qu’il ne connaît rien sur lui. Le lecteur est alors très surpris, car le personnage se sentait à l’aise et confortable avant d’être attaqué.

Dans la deuxième partie, Élias apprend que c’est Victor qui va aller en Afrique à sa place : il n’est plus possible de se sauver. Il emménage chez Darius, un de ses amis (ancien criminel qui tente de percer dans le domaine du cinéma). Mais surtout, il doit reprendre le travail de Victor : faire un film sur une jeune femme qui tente de se suicider après chaque histoire d’amour. Lorsqu’il la rencontre, il découvre que «Margot Lazarus possédait une netteté inimaginable. Tout était flou autour d’elle en comparaison. La regarder c’était assister à la révélation de l’opacité intrinsèque du monde.» (p.115) Il semble que ce soit l’élément déclencheur pas celui de l’histoire (qui semble plutôt être l’abandon de Clarisse, qui était son continent, élément subvenu antérieurement au récit), mais celui de la reconnexion du personnage avec la vie. Cela n’est pas instantané. Il va saluer Victor, ce dernier étant surpris de ne pas être frappé. Sa femme tente de le séduire, mais Élias ne tient pas à se venger de Victor. Il repousse le travail qu’il devrait faire à propos de la vie de l’écrivaine, tente de ne pas penser à elle. Nous apprenons à connaître Margot : elle a eu une enfance malheureuse, elle est pauvre (l’écriture ne paie pas), et hésite à se vendre (vendre son histoire au studio) pour faire de l’argent. Élias apprend que Clarisse le fait suivre par un détective privé. Avec l’aide de Darius, il kidnappe l’enquêteur et comprend que cette dernière veut apprendre à le connaître, car en six ans avec lui, elle n’a pas l’impression de l’avoir entrevu. Élias demande au détective de continuer à le suivre, curieux de se connaître lui-même. Puis, il tabasse l’homme marié qui entretient une relation avec son amie Zoé (par vengeance pour elle, mais aussi pour se libérer d’autres choses), mais à l’inverse, il se comporte comme un ami pour le nouvel amoureux de Clarisse. Puis, lorsqu’il demande à l’enquêteur ce qu’il a découvert sur lui, Élias parle de lui à la troisième personne. Le détective, mal-à-l’aise, lui dit que «[c]’est difficile à dire. Il s’agite dans tous les sens. Il fait n’importe quoi» (p.210), mais aussi qu’il est lâche.

Dans la troisième partie, il revoie Clarisse qui lui dit ses quatre vérités en face pour se sentir mieux. Puis, Nathalie (la femme de Victor) lui demande de trouver pourquoi Victor ne l’appelle plus. Élias se rend en Afrique où il rencontre Caldeira qui lui dit que Victor s’est fait tuer par des habitants de la jungle (il a couché avec une jeune fille mineure). Il revient et décide de ne pas faire le film sur la vie de Margot. Il la rencontre dans la rue et une histoire d’amour débute. La décision de vivre son amour avec Margot le remet en phase avec la vie.

Thème(s) : Rupture amoureuse, cinéma, amour, amitié, méconnaissance de l'Autre.

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION

Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Le personnage ressemble à un de ces fous du travail qui se donnent corps et âme à quelque chose qui les aliène, qui les empêche de vivre et d’exister. Il ne semble pas savoir pourquoi il fait les choses, ni même qui il est.

Appréciation globale : Un roman poétique et agréable à lire. Une histoire intéressante qui se termine bien. Mais pas pour le personnage déconnecté : celui-ci disparaît au profit d’un homme en phase avec la vie.

IV – TYPE DE RUPTURE

A) Si Élias n’a pas de difficulté à agir, il a de la difficulté à comprendre ses agissements. Il n’a pas d’attentes envers la vie, ni envers lui-même. Il a agi envers Clarisse comme un aidant, car c’est ce dont elle avait besoin. Puis, il s’est plié aux règles implicites de l’entreprise Galaxie (le plus fort gagne, et ce, sans pitié) et est devenu un excellent producteur, sans vraiment apprécier son métier, ni même en retirer de la fierté. Il comprend bien son environnement et s’y inscrit, sans se questionner lui-même, sans rechercher le bonheur. Les gens qui le côtoient ne le connaissent pas, lui-même n’a aucune idée de qui il est et ne s’interroge pas. Plusieurs bouleversements surviennent dans sa vie (il se fait frapper sans raison, il perd un contrat important, il rencontre Margot) et peu à peu, il s’intègre au monde et est en mesure de se comprendre lui-même, de comprendre ce qu’il désire faire. Il évolue dans la vie comme dans un film sans profondeur, sans savoir que derrière l’acteur qu’il incarne, un humain sommeille. À la fin, Élias n’est plus un personnage déconnecté. C’est comme si le protagoniste avait d’abord lamentablement échoué sa connexion avec la vie, car il s’y était d’abord inséré en tant que vide. L’Élias du départ voyait le monde, mais le monde ne l’avait encore jamais aperçu.

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES

La narration est omnisciente, mais ce sont surtout les pensées d’Élias et de Margot qui sont rapportées. Plusieurs métaphores sont repérables au sein des dialogues, par exemple, lorsqu’Élias rencontre Caldeira en Afrique, ce dernier lui raconte l’histoire d’un de ses chevaux qui courrait sans jamais s’arrêter. Caldeira lui a cassé la jambe pour qu’il puisse vivre. C’est aussi ce qu’il a fait pour Élias en le tabassant et en lui enlevant sa place au sein du film.

ranx/on_s_habitue_aux_fins_du_monde.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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