Table des matières
Introduction
Dion écrit dans son introduction que ce livre est née d’un malaise. Ce malaise provient de la question suivante : « Comment un littéraire peut-il parler littérairement de la littérature ? » (p. 9) Le formulant autrement, Dion affirme par la suite que cette question pose le problème de la possibilité d’une science de la littérature. Une science de la littérature, voilà l’objectif que se seraient fixé les critiques novateurs du début du XXe siècle :
[…] tous les critiques novateurs du début du XXe siècle ont poursuivi le même objectif; ils ont tous cherché à concevoir une science de la littérature (une Literaturwissenschaft). Comme Saussure, ils ont cru que la création de cette «science» passait par la définition d’une objet de savoir spécifique. Il fallait donner aux études littéraires un objet distinct. (p. 11)
Ce passage est important dans la mesure où il met de l’avant le rôle capital qu’a joué la linguistique saussurienne dans le développement du structuralisme en France. De fait, Saussure occupe une place importante dans le livre. Dion rappelle que les structuralistes ont insisté sur l’aspect linguistique des oeuvres littéraires :
À la question «comment aborder les textes d’un point de vue strictement littéraire?», les structuralistes, qu’ils soient Russes, Praguois ou Français (laissons de côté, pour l’instant, les différences), répondent: en analysant l’aspect linguistique, et, par extension, formel, des textes. » (p. 11)
Le livre de Dion porte sur la période de 1960 à 1970. Selon lui, les parutions du collectif Sens et usages du mot structure, en 1962, et Figures III (Consulter la fiche sur Discours du récit), en 1972, délimitent cette période qui constitue l’apogée du structuralisme littéraire en France. C’est donc principalement de cette période dont il est question. Le but du livre est de montrer comment le structuralisme français de cette période a tenté de fonder une science de la littérature en pensant ses rapports avec la linguistique. Le livre souhaite montrer que ce structuralisme a constitué une première tentative d’appréhender littérairement la littérature et comment, au final, cette tentative s’est avérée insatisfaisante. Au final, Dion explore la postérité du structuralisme, c’est-à-dire les approches théoriques qui, selon lui, sont tributaires des avancées effectuées par les théoriciens structuralistes.
Chapitre I : Fondements linguistiques du structuralisme littéraire
But du chapitre : Déterminer quels sont les fondements linguistiques de la méthode structuraliste.
Ce chapitre revisite les principales théories linguistiques ayant influencé le structuralisme littéraire en France, soit la linguistique saussurienne, hjelmslevienne, la linguistique du cercle praguois et celle à la base du formalisme russe.
D’entré de jeu, Dion souligne le grand paradoxe de la reprise des théories linguistiques par les études littéraires : en effet, la linguistique refusait l’analyse d’énoncés dépassant l’échelle de la phrase :
« Dans la mesure où la dichotomie langue/parole (qui sera adoptée par la plupart des linguistes postsaussuriens) permet de circonscrire avec précision le champ de la linguistique, elle expatrie hors de ce champ toute manifestation linguistique excédant la dimension de la phrase. Si, en linguistique, la fécondité de cet exil n’est plus à démontrer, elle demande à être justifiée en littérature. Ce n’est pas le moindre paradoxe du domaine littéraire que de s’être doté d’un modèle scientifique qui prétendait l’exclure. » (p. 27)
Dion explique par le suite que, malgré ce paradoxe pour le moins embarrassant, les défenseurs de l’analyse structurale du texte littéraire ont été charmés par le fait que la linguistique proposait une approche formelle de la langue. Le structuralisme se serait ainsi développé dans l’esprit que « […] le jeu des différences formelles est le seul qui puisse, dans la langue comme dans la littérature, faire l’objet d’observations sûres et mesurables (p. 32)
Influences de Saussure :
Immanentisme : Dion suggère que la linguistique de Saussure a été déterminante dans l’approche (parfois férocement) immanentiste du structuralisme littéraire. C’est la valorisation d’une approche synchronique plutôt que diachronique qui serait à l’origine de cette approche : « Parce qu’elle met l’accent sur le système comme réseau de relations et qu’elle s’inscrit en faux contre une démarche historisante, la démarche synchronique ouvre la porte à une étude immanente de l’oeuvre littéraire, si bien que, de manière indirecte, les théories saussuriennes se trouvent à cautionner la poétique structurale. » (p. 34)
Abstraction : Le structuralisme littéraire serait également redevable à Saussure en ce qui à trait à l’abstraction du fait littéraire. Dion donne l’exemple de Todorov et de son concept de «littérarité». En effet, la littérarité est étudiée par Todorov en tant que structure abstraite (le propre de la littérature), plutôt que dans l’ensemble des faits empiriques (les oeuvres littéraires). Todorov définissait la littérarité comme étant «la propriété abstraite qui fait la singularité du fait littéraire.
Influences de Hjelmslev :
Sémantique structurale de Greimas : « En proposant d’insister sur la forme Hjelmslev fait apercevoir non seulement la forme de l’expression, mais aussi celle du contenu, négligée jusque-là (Essais, p. 45-46). Il ouvre ainsi la voie à un courant de recherche majeur, dont Greimas sera l’un des principaux représentants en France. Hjelmslev est sans contredit le principal inspirateur de la sémantique structurale (ou sémantique formelle), qui se développera sous l’appellation peircienne de «sémiotique». (p. 42)
Confusion dans les termes : Il semblerait que la linguistique de Hjelmslev soit assez complexe (je n’ai pas vérifié, mais le résumé de Dion est suffisamment tortueux pour m’en convaincre…!). De cette complexité résulterait une sorte de confusion venant de la part littéraire entre la dyade proposé par Hjelmslev «expression/contenu» et celle de fond/forme : « À cause de sa complexité, la théorie de Hjelmslev a pu susciter chez les littéraires de nombreux contresens. Bien peu de littéraires étaient préparés à manipuler un vocabulaire aussi technique. […] Ainsi, on peut déplorer que l’opposition expression/contenu ait involontairement ressuscité celle, canonique, du fond et de la forme. » (p. 45)
Influences des formalistes russes
Article important de Tynianov et Jakobson, « Les problèmes des études littéraires et linguistiques » : Selon Dion, cet article marque la fin du formalisme et le passage au structuralisme. Les auteurs y emploient l’expression «loi structurale» pour la première fois et annoncerait clairement ce que Dion nomme l’obsession structuraliste à venir. Dion insiste sur l’importance de l’expression «loi structurale» pour les études à venir : « […] cette expression devait connaître une grande fortune : associant l’idée de «prédétermination» (loi) à celle d’«organisation» (structure), applicable à l’évolution (loi évolutive) et à la composition (structure compositionnelle), elle a représenté, d’une certaine façon, un sésame structuraliste. » (p. 53-54)
Adaptation de l’opposition saussurienne langue/parole : Dans le même article, Tynianov et Jakobson aurait formé le pendant littéraire de cette opposition langue/parole. Ils développent l’idée de «norme littéraire», qui est l’équivalent de la langue, et celle des «énoncés individuels», soit les textes, qui constituent l’équivalent de la parole en linguistique.
Vocabulaire annonciateur de la narratologie : Dion relève dans le vocabulaire formaliste de Tomachevski les notions de fable (la somme des événements) et de sujet (qui correspond à la façon dont les événements sont racontés) : « En somme, Tomachevski propose un ensemble cohérent de notions qui couvre l’ensemble des problèmes du récit. Il inaugure une poétique narrative dont les principaux acquis fonderont celles de Propp, de Genette, de Greimas. La filiation de Tomachevski à Genette est particulièrement évidente; on croit déceler chez le premier une répartition des phénomènes narratifs en éléments ressortissant aux catégories genettiennes de Temps, de Mode et de Voix. » (p. 56-57)
Le modèle de Propp : La schématisation du conte merveilleux proposée par Propp a eu une fortune importante en théorie littéraire. Dion y voit le prédécesseur du schéma actantiel de Greimas : « Le modèle actantiel à six actants (sujet, objet, destinateur, destinataire, adjuvant, opposant) ainsi que le modèle à deux actants et deux relations (sujet, objet; conjonction, disjonction), formulés par Greimas, constituent des états plus achevés du modèle proppien, parce qu’ils épuisent l’ensemble des possibilités narratives tout en étant plus simples que le modèle à trente et une fonctions. » (p. 59-60) Jakobson et ses fonctions du langage : Ces fonctions dégagées par Jakobson ont eu la fortune qu’on leur connaît. Dion nous apprend que les principaux textes de jakobson ont été traduits en français et réunis dans Essais de linguistique générale 1 (1963) et les Questions de poétique (1973). Ce sont dans ces volumes que nous trouvons les concepts « aujourd’hui incontournable », par exemple celui de « fonctions du langage» ainsi que la dyade «métaphore/métonymie. » (p. 63)
Définition de la poétique par Jakobson : Pour Jakobson, la poétique est « […] cette partie de la linguistique qui traite de la fonction poétique dans ses relations avec les autres fonctions du langage. La poétique au sens large du mot s’occupe de la fonction poétique non seulement en poésie, où cette fonction a le pas sur les autres fonctions du langage, mais aussi en dehors de la poésie, où l’une ou l’autre fonction prime la fonction poétique. » (Essai de linguistique générale 1, p. 222) (cité par Dion p. 68)
Conclusion partielle :
Premièrement, Dion conclut à l’existence de plusieurs structuralismes littéraires, qui proviennent de souches linguistiques différentes. De plus, il a remarqué que les concepts au coeur de ces linguistiques ont le plus souvent été adaptés, modifiés afin de mieux correspondre au texte littéraire. Finalement, Dion conclut que la linguistique a joué un triple rôle dans la naissance du structuralisme : « En conclusion, nous pouvons affirmer, avec Jonathan Culler, que la linguistique aura joué, par rapport aux études littéraires, le triple rôle de modèle de scientificité, de réservoir de concepts (plus ou mois métaphoriques) et de mode d’emploi de l’investigation sémiotique. » (p. 77)
Chapitre II : Fondements épistémologiques du structuralisme littéraire
Idée de base : Dion explique dans ce chapitre que l’anthropologie, la psychologie et la philosophie sont passé au structuralisme avant la littérature. Il explique ce phénomène par le fait que ces sciences étaient plus jeunes et moins ancrées dans une tradition.
But du chapitre : Dion souhaite montrer comment s’est effectué le passage du structuralisme anthropologique, philosophique et psychologique vers la littérature : « Nous voudrions maintenant nous attarder à ce rôle de relais pour comprendre comment s’effectue le passage des structuralismes anthropologique, psychologique et philosophique au structuralisme littéraire. Autrement dit, nous voudrions dégager quelques fondements épistémologiques du structuralisme littéraire. » (p. 86) Pour se faire, Dion étudie dans ce chapitre l’influence de Lévi-Strauss et de Piaget.
Influences de Lévi-Strauss
- La pensée sauvage (1962), contient un passage capital qui, aux yeux de Dion, contient l’ABC du structuralisme littéraire. Pour Lévi-Strauss, ce qui compte dans l’analyse des structures : « […] c’est l’évidence des écarts, beaucoup plus que leur contenu; ils forment, dès qu’ils existent, un système utilisable à la manière d’une grille qu’on applique, pour le déchiffrer, sur un texte auquel son inintelligibilité première donne l’apparence d’un flux indistinct, et dans lequel la grille permet d’introduire des coupures et des contrastes, c’est-à-dire les conditions formelles d’un message signifiant (Lévi-Strauss, 1962, p. 100) » (p. 88)
Dion insiste sur le fait que Lévi-Strauss avait publié un compte-rendu de la Morphologie du conte russe de Propp. Dans ce compte-rendu, Lévis-Strauss insiste sur la notion de fonction mise de l’avant par Propp. Dion avance que cette lecture de Lévi-Strauss a influencé la postérité du texte de Propp pour le structuralisme littéraire en France. Cependant, Lévi-Strauss formule une critique sévère à l’endroit du formalisme de Propp. Selon lui, le travail de Propp permet de comprendre en quoi les contes russes se ressemblent. Par contre, son travail exclut la notion de différence, il passe sous silence ce qui fait la singularité de chaque texte : « Avant le formalisme, nous ignorions, sans doute, ce que [les] contes avaient en commun. Après lui, nous sommes privés de tout moyen pour comprendre en quoi ils diffèrent. On a bien passé du concret à l’abstrait, mais on ne peut plus redescendre de l’abstrait au concret. » (p. 93)
Greimas et Barthes ont été grandement influencés par Lévi-Strauss. Le premier, qui a été l’assistant de Lévi-Strauss, a signé plusieurs études inspirées de ce dernier, dony sa contribution au célèbre huitième numéro de Communications : « Éléments pour une théorie de l’interprétation du récit mythique ». Barthes, quant à lui, en signant Mythologies, s’inscrit aussi dans la lignée de l’éminent anthropologue.
Influences de Piaget
Dion avance que c’est à Piaget que l’on doit le manifeste du structuralisme le plus global et le plus diffusé : Le Structuralisme (1968). Piaget fut avant tout un théoricien de la pensée structuraliste et non un créateur de modèle d’analyse. De plus, pour Piaget, le structuralisme authentique est méthodologique. Pour lui, « […] Le structuralisme ne vise pas, en première analyse, à dégager un sens : il vise au premier chef à déceler des structures. Ces structures devront présenter deux aspects : se suffire à elles-mêmes et manifester des caractères généraux malgré leur variété. » (p. 97)
Dion affirme que, pour Piaget, « La structure n’est donc ni dans le sujet, ni dans l’objet. Elle est dans la médiation, c’est-à-dire dans le rapport entre le sujet et l’objet. Ce rapport est ouvert sur la nouveauté et soumis à l’évolution diachronique. La mise au jour de la médiation constitue un important apport de Piaget. » (p. 100)
Piaget aurait été le premier à s’intéresser à la genèse des formes. Après lui, on a divisé le structuralisme «statique» (Lévi-Strauss, Barthes) du structuralisme «génétique» (Kristeva, Derrida). : « La constitution d’un structuralisme génétique et évolutif a représenté un moment clef du structuralisme : celui d’une contestation spectaculaire, venue de l’intérieur même du mouvement, du caractère statique, a-historique et synchronique d’un certain structuralisme. » (p. 101)
Chapitre III : La notion de système
Idée générale : Dans ce chapitre, Dion explore la notion de système telle qu’elle a été développée par les différents penseurs du structuralisme. Dion explique que pour lui, le terme de structure n’est pas le plus englobant pour parler de structuralisme. Il lui préfère celui de système, qui englobe selon lui la structure, envisagée ici comme organisation interne.
Dion revient sur l’attrait de l’idée de système dans la linguistique pour les études littéraires. Cependant, cette adéquation entre système linguistique et système littéraire ayant été établie rapidement, cela a entraîné des problèmes méthodologiques : « Comme principe explicatif de phénomènes aussi divers et particuliers que les langues naturelles, la conception de la langue comme système présentait un attrait indiscutable; il semblait qu’avec un minimum de modifications, elle pourrait rendre compte de phénomènes tels que les oeuvres littéraires. Ainsi, du système de la langue au système de l’oeuvre littéraire, le pas a été rapidement franchi. Mais nous verrons que cela n’a pas été sans grandes conséquences théoriques. » (p.113)
Dion explore la notion de système chez les grands penseurs structuralistes, dont Tynianov, Bremond, Greimas, Todorov, Genette, Eco et Jean Cohen :
Tynianov
Il est le formaliste russe le plus convaincu de l’importance du système dans l’analyse littéraire : « Parmi les Formalistes russes, Tynianov est sans doute celui qui a le plus combattu le point de vue mécaniste et qui, du même élan, a le plus lutté pour imposer la notion de système. Pour Tynianov (et pour Eikhenbaum), seuls les faits systématisables sont accessibles à l’analyse. » (p. 116)
Contrairement aux idées convenues, les formalistes russes n’ont pas complètement rejeté l’étude historique de la littérature, particulièrement Tynianov et Jakobson. Pour Tynianov et Jakobson, l’opposition sausurrienne synchronique/diachronique n’est pas aussi pertinente en littérature qu’elle ne l’est pour la linguistique. Ils écrivent, dans « Les problèmes des études littéraires et linguistiques » (1965, p. 139) que cette opposition : « […] perd son importance de principe puisque nous reconnaissons que chaque système nous est obligatoirement présenté comme une évolution et que, d’autre part, l’évolution a inévitablement un caractère systématique. » (p. 118)
Bremond
La Logique du récit (1973) de Bremond s’inscrit en filiation avec les travaux de Propp en démultipliant toutefois l’analyse morphologique. Il ne renonce pas à décrire la succession linéaire des fonctions, mais il prévoit deux entorses à cette linéarité : la bifurcation du récit, justifiée par la présence d’une «fonction-pivot» qui ouvre une alternative (le héros fera ceci ou cela) et la superposition des séquences (dans ce cas, «la même action [joue] simultanément un rôle fonctionnel différent dans chacune des séquences que le récit fait avancer de front» Logique, p. 39) » (p. 128)
« Bref, chez Bremond, la succession des fonctions n’est pas unilinéaire, mais multilinéaire. » (p. 129)
Dion résume ainsi la théorie du récit de Bremond : « En clair, la théorie du récit, formulée en termes de système général, permet de décrire l’«agencement» (le pattern) des rôles et des actions d’un récit particulier, agencement qui constitue la structure (l’infrastructure, dans les termes de Bremond) de ce récit. De sorte que, chez Bremond, le parcours critique est décrit comme le passage du système à la structure, c’est-à-dire de la logique générale à la langue particulière. » (p. 132)
Greimas
Selon Dion, les travaux de Greimas pose la question du caractère systémique du sens. Pour Greimas, « […] cet aspect systémique apparaîtrait au niveau sémique. » (p. 133)
Dion souligne la filiation directe de Greimas avec la méthode linguistique :
« Selon Greimas, l’oeuvre littéraire n’est, tout compte fait, que l’expansion démesurée d’une seule et même phrase; c’est pourquoi il peut appliquer au texte littéraire les mêmes modèles de description que la simple phrase; une seule et unique méthode de base peut indifféremment servir à analyser la phrase, c’est-à-dire l’unité linguistique supérieure, et l’énoncé — lequel ne constitue, au choix, qu’une grande phrase ou une collection de phrases. » (p. 138)
Dion souligne le paradoxe du structuralisme greimassien, qui entend à la fois décrire le plus grand nombre de discours et relever les particularités de chacun d’entre eux. Ce problème méthodologique aurait, selon Dion, était largement reconduit par les successeurs de Greimas : « Le structuralisme greimassien veut à la fois s’appliquer au plus grand nombre de discours et signaler les particularités de chacun d’entre eux. Il se veut universel et, pourtant, particularisant. Il entend créer des «types», fondés sur des réseaux de ressemblances et de différences, tout en désignant ce que chaque discours a d’irréductible à ce type. Ce paradoxe, on le verra, modèle en profondeur les travaux de nombreux structuraliste français. » (p. 139)
Todorov
Chez Todorov, la notion de système entraîne une question importante. En effet, si chaque partie d’une oeuvre trouve son sens dans ses relations avec l’ensemble, il est possible de se demander où cet ensemble trouve son propre sens. Cette question, aux dires de Dion, est centrale chez Todorov : « Autrement dit, si l’oeuvre donne sens (un ou plusieurs sens, en nombre fini) aux éléments qui la composent — c’est l’unité de la notion de système —, qu’est-ce qui donnera sens à l’oeuvre dans son ensemble ? Où chercher, et comment décrire ce sens ? » (p. 142)
À propos de Quest-ce que le structuralisme (1973) de Todorov : « Dans cet ouvrage, Todorov définit une poétique qui, comme science du littéraire, est purement abstraite, abordant l’oeuvre comme «la manifestation d’une structure abstraite et générale, dont elle n’est qu’une des réalisations possibles (p. 19) Cette poétique vise d’abord la scientificité : elle ne s’occupe donc que de ce qui est général. Elle s’attache aux propriétés littéraires du discours littéraire : en d’autres mots, à sa littérarité. » (p. 143)
On voit bien que ce qui intéresse Todorov, ce n’est pas d’abord les structures réalisées par une oeuvre littéraire, mais plutôt les possibilités génétiques du fait littéraire : « […] pour Todorov, les discours réalisés ne représentent plus, tout comme les individus vis-à-vis des possibilités génétiques, que des combinaisons fortuitement achevées. » (p. 146)
Genette
Genette n’étudie pas seulement un système pour lui-même. Au contraire, pour lui, il s’agit d’étudier un système de formes dans ses relations avec un système de sens. C’est la critique qu’il adresse au formalisme dans son article « Structuralisme et critique littéraire » : « Entre le pur formalisme, qui réduit les «formes» littéraires à un matériel sonore finalement informe parce que non-signifiant, et le réalisme classique, qui accorde à chaque forme une «valeur expressive» autonome et substantielle, l’analyse structurale doit permettre de dégager la liaison qui existe entre un système de formes et un système de sens, en substituant à la recherche des analogies terme-à-terme celle des homologies globales (Genette, 1966, p. 155). » (p. 151)
Dans le même article, Genette affirme que le structuralisme est pour lui une question de parti-pris : « […] Le parti pris est précisément de valoriser les structures aux dépens des substance […]. La question n’est pas tant, en effet, de savoir s’il y a ou non un système de relations dans tel ou tel objet de recherches, puisqu’il y en a évidemment partout, mais de déterminer l’importance relative de ce système par rapport aux autres éléments de compréhension […] (Genette, 1966, p. 155). » (p. 152)
On remarque aussi que Genette est d’accord avec Todorov pour étudier les structures abstraites plutôt que les objets littéraires. Dion rappelle la célèbre formule de Genette : « […] Figures III (1972), se veut une poétique «ouverte», dont l’objet ne serait pas «le seul réel, mais la totalité du virtuel littéraire» (1972, p. 11). » (p. 154)
Eco
L’apport d’Eco à la théorie littéraire serait selon Dion l’introduction du pragmatisme dans l’étude structurale. Il affirme à propos d’Éco qu’il « […] considère l’oeuvre comme un objet de consommation. En vertu d’une certaine ouverture qui peut (ou non) être prévue dans son projet structural même, l’oeuvre est susceptible de susciter divers types d’appropriation. » (p. 155)
Loin d’assouplir la notion de système, Éco déplace la problématique systémique en y introduisant une théorie des rapports entre énonciateur et énonciataire qui sont appréhendés eux aussi de manière systémique. « […] Eco se trouve à renforcer le système en y adjoignant les rapports de l’énonciateur à l’énonciataire. […] L’oeuvre ouverte est donc, paradoxalement, autosuffisante , voire close. » (p. 156)
Dion souligne un fait assez intéressant pour nous : l’idée selon laquelle le choix du corpus chez les structuralistes est toujours révélateur d’un certain parti-pris (disons, les oeuvres où la structure est particulièrement saillante) : « C’est un fait avéré que la formulation de la théorie structuraliste ne va pas sans la valorisation d’une esthétique particulière - d’un type particulier d’oeuvres littéraires. Bref, il n’est pas sûr qu’Eco, malgré le parti pris affiché dans La Structure absente (1972), échappe vraiment au piège du structuralisme ontologique. » (p. 159)
Jean Cohen
Cohen propose une définition restrictive de la poétique. En effet, pour lui, la poétique est la science de la poésie, du « style poétique ». « Cette définition a été très contesté dans les cercles structuralistes. […] C’est-à-dire que, chez Cohen, l’ambition de construire une «poétique généralisée», une science des formes virtuelles ou réalisées du discours littéraire, est complètement abandonnée. » (p. 160)
Pour Cohen « […] ces traits poétiques sont à chercher du côté de la forme. Fondamentalement, un poème n’est pas poétique par ce qu’il dit; il est poétique par la façon dont il le dit. » (p. 161)
Pour Cohen, la différence entre la prose et la poésie est de naturel linguistique, c’est-à-dire formelle. Elle ne se trouve pas dans le son, ni dans l’idéologie, mais « dans le type particulier de relations que le poème institue entre le signifiant et le signifié d’une part, les signifiés entre eux d’autre part » (p. 162)
Conclusion
Pour Dion, la dissolution de la notion de système, fin 60 début 70, est amorcée par Julia Kristeva, qui introduit le dialogisme bakhtinien en France. En introduisant la présence du discours d’autrui dans l’oeuvre littéraire, Kristeva apporte un regard nouveau sur la notion de système, qui n’est plus concevable en tant qu’unité fermée.
Chapitre IV : L'impulsion structuraliste (Roland Barthes)
Dion consacre ce chapitre aux écrits de Roland Barthes qui ont constitués selon lui l’impulsion du structuralisme littéraire en France, soit ceux « […] publiés entre 1964 et 1967 : «Éléments de sémiologie» (1964), Critique et Vérité (1966), «Introduction à l’analyse structurale des récits (1981) et Système de la Mode (1967). » (p. 176)
But du chapitre : À partir du cas de Roland Barthes, Dion espère saisir le structuralisme dans un moment historique, celui de sa domination dans le champs intellectuel. Le parcours structuraliste de Roland Barthes devrait permettre de rendre compte du bouleversement des sciences humaines à cette époque. Ce chapitre vise également à déterminer si Barthes fonde, ou non, une étude scientifique de la littérature.
Barthes reprend la distinction saussurienne langue/parole, en plus d’affirmer «qu’il ne saurait y avoir de science que de la langue».
Pour Barthes, la société construit des systèmes seconds à partir du système premier qu’est la langue. Dès lors , « […] il semble que doivent s’imposer une linguistique et, partant, une sémiologie de la connotation (des systèmes décrochés). Ainsi, la critique idéologique peut se justifier du fait que l’idéologie appartient à un second système et qu’elle est, écrit Barthes, la forme des signifiés de connotation. » (p. 182)
Dion revient sur la querelle qui opposa Barthes à Raymond Picard : « Selon Barthes, l’ancienne critique est essentiellement empiriste, c’est-à-dire inductive, attachée à la compilation et à la vérification de petits faits vrais. En cela, elle est positiviste, se mouvant dans les topoï du positivisme : la patience et la modestie de la recherche, composantes habituelles d’une doxa universitaire hostile au «clinquant» comme au «byzantin» et au «laborieux». » (p. 184)
Pour Dion, il existe trois enjeux centraux dans le projet scientifique de Barthes. Il s’agit des enjeux du langage, de l’objet et de l’herméneutique (qui réside dans le rapport entre les deux premiers).
Le nouveau critique, dont Barthes est un représentant, s’opposerait à la critique ancienne en ce qu’il ne parle plus de l’oeuvre, mais plutôt avec l’oeuvre : « […] il parle avec l’oeuvre, en concurrence avec elle; il en parle d’autorité, puisque le critique ne peut qu’asserter ce qu’il énonce. » (p.189)
À propos de l’enjeu herméneutique chez Barthes : « […] le poéticien a-t-il droit à l’interprétation ? Doit-il être fidèle à l’ordre des langages, y apposer un langage historique, psychanalytique ou autre ? Contre une critique qui mythifie ses propres méthodes et en fait l’unique voie d’accès au texte dans sa pure littérarité, Barthes propose une théorie interprétative qui puisse tenir compte des sens multiples de l’oeuvre. » (p. 190) « Introduction à l’analyse structurale du récit »
Selon Dion, le structuralisme rigide que Barthes propose dans ce texte constitue en parti une réponse aux attaques de Picard : « Si les récits ne sont pas une combinaison aléatoire d’éléments disparates, ils doivent forcément relever d’une structure universelle fixe. Dès lors, le structuralisme de Barthes se radicalise : il tend à fossiliser les récits, à les renvoyer à une structure toujours identique et rigide. » (p.192)
Comme l’analyse structurale des récits en était encore à ses premiers balbutiements, Barthes propose de ne retenir que trois niveaux de description du récit, soit les fonctions, les actions et la narration. (p. 193)
S/Z
C’est dans S/Z que Barthes abandonne la notion de «Modèle» au profit de celle, plus souple, de «Texte» : « Il ne s’agit plus dorénavant de se référer à une Structure une et entière, mais, au contraire, de faire appel à des Textes multiples, divers, pluriels, qui sont en position d’intertextualité et qui, relevant d’une pratique d’écriture, représentent des tentatives - toujours uniques - de structuration. Car le Texte est, par définition, une semiosis, c’est-à-dire un processus dynamique, sans cesse recommencé, de signification. » (p.199)
Dans Critique et vérité, Barthes développe l’idée selon laquelle la tâche de la critique n’est pas de traiter du sens, mais plutôt d’en produire : « La critique est cette activité qui, ne constituant ni une science, ni une simple lecture, engendre un certain sens en le dérivant d’une forme qui est l’oeuvre (CV, p. 64). » (p. 200)
Conclusion du chapitre
Dion affirme que pour Barthes, le structuralisme a agit en tant qu’imaginaire plutôt que comme modèle scientifique. Barthes a en effet affirmé à l’occasion que, pour lui, le projet d’une science de la littérature était un rêve naïf : « […] Le structuralisme, comme modèle déductif et universel, procède d’un rêve naïf, comme Barthes l’a souvent répété : la littérature n’est pas cet objet clos et forclos qui se laisse prendre aux mailles d’un filet scientifique. » (p. 201)
Chapitre V : La linguistique discursive
Ce chapitre est consacré à Émile Benveniste. Selon Dion, Benveniste fut à l’origine de trois grandes révolutions en linguistique : « Ces bouleversements profonds furent liés, premièrement, à la mise au jour des catégories formelles de l’énonciation; deuxièmement, à celle de la distinction entre le discours et l’histoire; troisièmement, à l’introduction de la dichotomie sémiotique/sémantique, qui n’est pas sans effet sur la dyade saussurienne traditionnelle langue/parole. » (p. 206)
Il semble que les théories de Benveniste aient constitué un appel à la littérature, en proposant notamment une distinction entre l’énonciation parlée et l’énonciation écrite. Cet appel, selon Dion, a été entendu par les écrivains du célèbre Communication #8 : « Dans le numéro de la revue Communications consacré à L’Analyse structurale du récit (1966, 1981), la problématique de l’énonciation n’est pas évoquée que par Barthes. Todorov et Genette y font aussi allusion. S’appuyant sur l’article de Benveniste consacré à la «Subjectivité dans le langage», Todorov dinstingue la parole-énoncé de la parole-énonciation, insistant sur la subjectivité et la performativité de cette dernière pour en faire un mode du discours et l’assimiler à la narration (1981, p. 151). Genette ne procède pas autrement quand il définit la subjectivité […] » (p. 213)
Pour Benveniste, c’est l’énonciation qui est l’acte producteur du récit : « Considérée, théoriquement, comme l’acte producteur du récit, l’énonciation est, pratiquement, traitée comme un processus réalisé, dont il s’agit d’observer les traces encore perceptibles. Du coup, elle prend place à côté d’autres phénomènes textuels tels que l’aspect et le temps du récit, comme si elle se situait sur le même plan que ces phénomènes. » (p. 213)
Dion souligne un paradoxe : Si les structuralistes se sont intéressés par la linguistique discursive de Benveniste, ils n’ont toutefois pas participé à son développement : « Ainsi, la linguistique discursive, dont l’intérêt pour les structuralistes était certain, n’a pas été développée par ces derniers. Il est sûr que les considérations sur l’énonciation discursive ne rejoignaient pas directement les structuralistes, préoccupés davantage de l’énonciation de type historique. » (p. 214)
Pour Dion, la narratologie genettienne est largement redevable des travaux de Benveniste. C’est la dichotomie énonciation discursive/énonciation historique de Benveniste qui inspire celle du discours/histoire : « Le modèle genettien calque exactement celui de Benveniste, à cette différence près qu’il substitue le terme «récit» à celui d’«histoire». S’attardant à quelques exemples littéraires, Genette note la très subtile intrication dans le texte d’éléments relevant de l’histoire et du discours, posant là les jalons d’une étude qui sera fort pratiquée, assez rentable, et qui mènera progressivement à la narratologie. » (p.218)
En bref, pour Dion, le structuralisme est redevable à Benveniste principalement parce qu’il a relevé l’importance de la problématique de l’énonciation : « En soi, le repérage des marques de la subjectivité et des traces de l’énonciation discursive ou historique, ainsi que la mise au jour de l’opposition sémiotique/sémantique, visent un même but; toutes ces découvertes convergent vers la même révélation: celle de l’importance considérable, en linguistique générale comme en littérature, de la problématique de l’énonciation. » (p. 227)
Chapitre VI : Postérité du structuralisme
Pour Dion, les trois principaux héritiers du structuralisme littéraire en France sont la narratologie, la pragmatique et la sémiotique.
Dion revient sur l’apport de Benveniste, qui a constitué en quelque sorte le point de jonction entre le structuralisme et la narratologie, la pragmatique et la sémiotique. Selon Dion, « Benveniste a été à l’origine d’une prise de conscience des limites de la linguistique saussurienne. » (p. 234) Aussi, sa distinction histoire/discours apparaît comme étant capitale dans la constitution de la narratologie et sa notion d’énonciation énoncée fonde, pour une part, la spécificité de la sémiotique. Dion affirme également que ses travaux sur l’analyse conversationnelle ont ouvert la porte à l’analyse pragmatique.
Comment la narratologie constitue une sorte de prolongement du structuralisme : « La narratologie se trouve à prolonger le structuralisme, mais elle ne le recouvre pas tout à fait. Elle ne traite que d’un secteur de la poétique: celui qui concerne l’analyse du récit comme discours, c’est-à-dire «comme mode de «représentation» des histoires, opposé aux modes non narratifs comme le dramatique, et sans doute quelques autres hors-littérature» (Genette, 1983, p. 12). Les histoires ne sont jamais données à lire directement. Elles ont besoin de la médiation d’une instance énonciatrice, d’une instance narrative, dans le cas du récit. Comme le signalait Genette dans Nouveau discours du récit - corrigeant là une assertion imprudente glissée dans «Frontières du récit» -, le récit est une forme au sein de laquelle les marques de l’énonciation ne peuvent être que provisoirement et partiellement suspendues. Cela est vrai pour tout récit, même pour ceux qui semblent «se raconter tout seuls.». » (p. 237)
Il semble également que Benveniste ait contribué à la fortune de la théorie du signe saussurienne au dépend de la théorie du signe peircienne en France : « Chez Benveniste, se rencontre une binarisme saussurien, qui ne pouvait aisément intégrer le triadisme peircien. Dans l’article consacré à la «Sémiologie de la langue» (1974), Benveniste s’attarde longuement à la «semeiotic» peircienne. Il y présente Peirce et Saussure tels deux génies antithétiques; et il reconnaît aux théories du premier le mérite de l’ambition et de l’universalité. Toutefois, en ce qui a trait plus particulièrement à la langue, Peirce ne formulerait, selon Benveniste, rien de précis ou de spécifique. » (p. 241)
Dion défend le structuralisme en rejetant l’idée de sa mort. Selon lui, le structuralisme a contribué au développement des théories sémiotique : « « Bien que les structuralistes n’aient pas véritablement lancé une sémiotique de l’énonciation, celle-ci doit beaucoup à la pensée structurale. C’est en adjoignant l’étude de l’énonciation à celle du texte réalisé que la sémiotique a pu mettre en place l’ensemble du dispositif théorique et méthodologique qu’elle avait inauguré en déployant une conception générative de la signification discursive. Bref, la sémiotique a fait fructifier une partie de l’héritage structuraliste. Contrairement aux préjugés concernant la mort du structuralisme, celui-ci ne s’est pas perdu corps et bien: il s’est, en quelque sorte, transsubstantialisé. » (p. 246) Conclusion partielle : Dion parle du structuralisme non pas en tant que théorie ou méthode, mais plutôt en tant qu’épistémè : « Partout l’épistémè structuraliste pousse ses ramures. La sémiotique et la narratologie en procèdent; le poststructuralisme déconstructionniste, en s’en démarquant résolument, en asserte aussi l’emprise. La difficulté, aujourd’hui, c’est précisément de penser la notion de système. […] Ceci dit, il est important de constater à quel point la sémiotique peircienne a envahi l’aire théorique française. Il semble bien que le signe triadique apparaisse aujourd’hui comme une bonne réponse à la relative sclérose qui frappe une sémiotique française essentiellement fondée sur le binarisme du signe saussurien. Parce que le signe peircien n’est pas linguistique et qu’il est, en quelque sorte, premier, il ne se prête peut-être pas à l’analyse des textes littéraires; cependant, du fait qu’il renvoie, en définitive, au monde des objets, à l’habitude, aux conventions sociales, il pourrait fort bien contribuer à l’élaboration d’une étude de la «vie» des textes au sein de la vie sociale, réalisant ainsi, par certains côtés, le projet saussurien. Sans doute évoquons-nous là des recherches à venir. »
Conclusion
Dion conclut que le structuralisme s’est érigé sur les bases d’un fantasme, celui de comprendre les processus d’engendrement du sens : «Il apparaît donc que, comme phantasme, le structuralisme s’est vécu comme une étude du procès de signification. Comme phantasme, cependant, puisque l’examen des analyses structuralistes montre que la plupart d’entre elles ne constituent à tout prendre qu’une dissection consciencieuse des oeuvres analysées et une mise au jour de structure régissant un sens manifesté à caractère statique. […] En tant que recherche des structures immanentes au même titre que comme formulation de modèles, le structuralisme est une discipline statique : il dévoile des structures fixes, achevées; il propose des modèles de description synthétiques. Le structuralisme travaille, pour ainsi dire, dans un monde de significations achevées. » (p. 252)
En définitive, Dion souhaite montrer que les travaux d’aujourd’hui, principalement les disciplines sémiotiques, sont tributaires des travaux structuralistes. C’était le but du livre que de montrer qu’il ne s’agit pas là uniquement de rupture, mais aussi de continuité : « Dévoiler les processus de la régulation discursive : tel est donc, aujourd’hui, le projet formé par les sémiologues. Sur ce nouveau consensus, continuent de s’affiner ce qu’on peut appeler les disciplines sémiotiques. Dans ces pages, nous avons tenté d’indiquer à quel point ce projet est enraciné dans la tradition structuraliste littéraire : la poétique structurale, en effet, ne se présente-t-elle pas comme une tentative de dévoiler la syntaxe narrative qui régit la totalité des discours et dont les règles sont peut-être aussi rigides et incontournables que celles de la syntaxe grammaticale ? La sémantique n’est-elle pas toute contenue dans l’étude des processus qui président à l’avènement du sens ? Il est grand temps, croyons-nous, de réhabiliter un structuralisme littéraire qu’on ne tend plus guère à concevoir, aujourd’hui, que comme une pratique stérile et stérilisante, utopique et néfaste. Il n’est plus possible, au nom d’un soi-disant retour au sujet, à l’empirisme critique et à son corollaire, l’impressionnisme, de faire l’impasse sur une aventure intellectuelle qui, souterrainement, continue de l’insinuer dans la plupart de nos pratiques. Que notre étude soit donc, de surcroît, un plaidoyer en ce sens. »