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ranx:coup_de_tete

I - MÉTADONNÉES

Titre : Coup de tête

Auteur(s) : Guillaume Vissac

Date de mise en ligne :2 mars 2013

Adresse : http://ulaval.publie.net.acces.bibl.ulaval.ca/fr/read_book/9782814596467/#pct0.9843792222222225

Présentation ou résumé :

« « C’est pas important de savoir d’où c’est venu ni quelle silhouette j’ai vue, sur quel bitume, et à quelle date, quel âge, et quelle ombre fouettait quelle autre, et dans quel sens, pourquoi. J’étais étudiant et puis je l’étais plus. J’ai écrit ça le long. Le long de moi-même et le long de tous les autres petits trucs que j’ai aussi écrits. Un premier roman, je tiens fort à la formule, qui aurait pu s’appeler, lui aussi, Fuir est une pulsion.

« D’abord un corps, l’adolescence sur la peau. Ca non plus, c’est pas très important. L’important, c’est la représentation mentale d’un membre manquant, ayant un jour appartenu à quelqu’un, mais aujourd’hui fourré au fond d’une benne sanitaire d’un hosto tout au nord ou tout au sud de la ville, n’importe quelle ville. Un membre manquant mais toujours là quand même, en sous-sol de soi-même, en surbrillance nerveuse, palpitant fort en permanence. On parle souvent du fameux « membre fantôme » mais qu’est-ce que ça dit de nous tous, au juste, que ces douleurs de désafférentation ? D’où elle sort la poésie qu’on lit sur les boites et notices d’antalgiques ? Est-ce que c’est vrai qu’on peut être, simultanément, en surimpression, deux personnes différentes ? Je crois qu’en fait, j’ai écrit Coup de tête comme j’aurais aimé un jour pouvoir le lire : les yeux fermés et plusieurs fois. Par coeur. Dans des mondes parallèles différents.

« J’ai pas compté le nombre de fois où le narrateur dit : « ma main droite », la manquante. Je suis rentré par là, dans sa gorge, pour comprendre quelle voix l’animait et comment elle disait les choses et quel était son timbre. Et parce que c’était un récit adolescent, il fallait que ce soit oral. Qu’on l’entende, aussi, de cette façon là, cette histoire.

« Quand on me demande, comme ça, ce que j’écris, voilà ce que je réponds le plus souvent : c’est l’histoire d’un mec qui a perdu sa main et qui veut la retrouver. J’ai rien à dire de plus. On me répond pas non plus.

Ainsi parle Guillaume Vissac, un de nos principaux expérimentateurs tous azimuts des nouvelles formes web et littérature (voir son site Fuir est une pulsion), de sa première tentative de roman – entendre : ce qu'on demande à un roman, personnages, histoire, limites… »

NB : le carnet d'écriture de ce roman est disponible à cette adresse : http://www.fuirestunepulsion.net/spip.php?page=sommaire

II- CONTENU GÉNÉRAL

Résumé de l’œuvre : Honnêtement, je ne suis pas sûre d'avoir bien compris tous les ressorts de l'intrigue… En gros, l'histoire semble celle d'un adolescent, ancien nageur, qui a perdu sa main dans l'explosion d'une bombe artisanale (connerie de jeunesse avec des amis qui a dérapé). Le jeune homme (anonyme) fugue ou quitte la maison après la mort (peut-être inventée de toutes pièces) de ses parents. Il devient alors itinérant, rencontre Nil, un autre sans-abri, puis des squatteurs. Un jour, il veut voir Nil, mais il ne se trouve à aucun des endroits qu'il fréquente d'habitude; c'est plutôt un homme aux cheveux bleus qu'il n'arrête pas de rencontrer. Celui-ci l'accuse de lui avoir volé son père (ou plutôt d'avoir été son amant). Après un court séjour chez le type aux cheveux bleus, X, l'adolescent repart à la recherche de Nil, dans le tram, sous les ponts, et il semble que, finalement, Nil (ou le jeune homme?) finit par se jeter en bas d'un viaduc…

Le narrateur va visiblement très mal : il est incapable de manger sans vomir, est confronté à la violence et au dédain des passants, et, surtout, il est accablé par des douleurs fantômes. Il semble raconter rétrospectivement son histoire à quelqu'un, Ajay, qui la connait déjà.

Thème(s) : fugue, itinérance, souffrance, maladie, ville.

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION

Explication (intuitive mais argumentée) du choix : Le roman est mentionné dans une autre oeuvre de Vissac. Le rapport au corps du personnage est particulier et semble très intéressant. De plus, la forme fragmentée du texte et le traitement des phrases sont des éléments poétiques intéressants.

Appréciation globale : Le texte est long et m'apparaît plutôt hermétique; lecture laborieuse, mais pertinente.

IV – TYPE DE RUPTURE

Validation du cas au point de vue de la rupture

a) actionnelle : Remise en question de l’intention (et éventuellement de la motivation); logiques cognitives/rationnelles ou sensibles; présence ou absence d’un nœud d’intrigue et d’une résolution; difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable), etc.

D'abord, la raison de la fugue du personnage, les motivations qui l'ont mené à être dans la rue ne sont pas expliquées, ses intentions non plus. Il vit les évènements comme une fatalité et tourne en rond : « Partir sans penser, Ajay, c’est tourner en rond. Tu marches et tu regardes le sol et puis tu lèves la tête et tu te rends compte que t’as pas bougé. »

Le personnage ne contrôle pas bien son propre corps (douleurs fantômes, vomissements, transpiration incontrôlable, etc.), et cet handicap le pousse à s'en détacher; il en parle comme d'une entité qui ne fait pas partie de lui. Il est ainsi spectateur de ses actions :

« Au fond je sais pas pourquoi je suis là à faire ce que je fais et à fixer ce que je fixe. Quand je laisse mon corps bouger sans moi c’est ma main, main droite, qui plonge dans le bordel de mon bras pour remuer du vide. Autour : vacarme ambiant, les pelleteuses raclent au sol, éventrent aussi béton. Une benne bleue décharge des tonnes de merde par terre. Et des barrières qu’on traîne et des grillages qu’on plante. Voilà ce que je fixe. Voilà le panorama qui m’empêche de penser à ce que j’ai pas envie de savoir. Voilà mon divertissement. »

« Je regarde mes pieds buter contre les marches d’escalier, spectateur je me dis, les marches défilent, je pense, elles défilent, propres et blanches. »

Finalement, côté intrigue, il n'y a ni noeud réel ni résolution satisfaisante; la recherche de Nil peut peut-être être considérée comme une quête aboutie, mais l’ambigüité de la fin suggère plutôt (selon moi) que Nil est soit un double du personnage, soit le fruit de son imagination. Le roman semble se conclure par un suicide.

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES

- Nombreuses phrases coupées nettes par une barre verticale, suspendues, parfois en plein milieu d'un mot.

- Le texte est entrecoupé de paragraphes en italique, comme en aparté, dans lesquels le narrateur semble s'adresser à des personnages absents. Ces paragraphes coupent parfois une phrase en plein milieu; elle se terminer alors après le paragraphe.

VI - AUTRES REMARQUES

Extraits :

« Je comprenais plus. L’écran disait suis les rails, Nil gueulait pareil mais plus fort… Mais pas un pour pour me pointer la direction, pas un pour me dire où aller, et quand je tapais Envers du décor et Bout du bout dans les bornes SNCF, l’écran derrière me disait d’aller me faire foutre parce qu’il comprenait rien.»

« Et tant pis si un jour, je me dis, une nuit, je me souviens, ce corps-là que je file en transe était capable de me fondre sous la peau, de me briser les nerfs en sang et de prendre contrôle de mon corps. Devenir moi. Tant pis pour ces merdes. Si c’est le prix à payer pour ressentir mon corps, je me dis, le ressentir vraiment, je me dis, alors je prends le risque. »

« il a pas dû regarder beaucoup de films d’action dans sa vie, je me dis, parce que sinon, sinon, il saurait qu’on peut pas retenir un type en le serrant d’une main par le col. Une main c’est juste pas assez. Du coup, il me voit pas m’arracher vers l’arrière pour le déséquilibrer, me défaire de ses doigts trop mous, et sortir, sortir ma main, main droite, de sous ma poche, main droite vraiment, pour la lui coller sous le pif, calibre 9 ou 11 mm entre les doigts, détente pressée dans l’instant, cervelle crachée lourde sur le carrelage derrière et cadavre tombé sec à mes pieds. Une gerbe de sang projetée du sol au faux plafond, ma sale gueule fouettée par la décharge, douche hémoglobine prise 37° entre Le Chat Machine et Canigou Viandes Blanches. Sous mon t-shirt et sous mes bras, la sueur se remet à couler comme si mon corps réagissait. »

« Qu’est-ce qu’on peut faire, je me demande, quand on est comme moi perdu chez un autre et qu’on sait pas comment changer de peau ?

Qu’est-ce qu’on peut faire ici perdu dans la maison d’un type qui voudrait juste qu’on crève ?

Qu’est-ce qu’on peut faire devant ces photos, visages, qui pourraient être des reflets sans en être, qui se contentent juste de ressembler ?

Réponse : que dalle. »

« Mon sac au pied de la porte, le plancher claque. J’entends encore ses talons battre les marches, il descend les escaliers. Depuis l’autre côté, porte close, je lui gueule : ton père il était cool, c’était pas un connard. Les mots sortent sans moi, ma voix c’est pas vraiment la mienne et je comprends au bruit du bois qui grince que son poids d’abord s’arrête et qu’ensuite c’est son talon qui repart. Je lui dis eh, je lui dis oh, je lui dis : t’es toujours là ?

Mais rien qui vient, rien qui sort, je crois qu’il s’est tiré et qu’il reviendra plus. Maintenant je sais plus ce qu’il croit, je sais plus ce qu’il pense, mais au moins j’aurais essayé, je me dis, et le fait est

Tu crois vraiment, Ajay, que ça suffit une phrase pour devenir quelqu’un d’autre ?»

ranx/coup_de_tete.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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