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FICHE DE LECTURE

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : TABUCCHI, Antonio Titre : Les trois derniers jours de Fernando Pessoa. Un délire Lieu : Paris Édition : Seuil Collection : « La librairie du XXe siècle » Année : 1994 Pages : 92 Cote UQAM: PQ4880A33T7417.1994 Désignation générique : dans le premier rabat : «Un récit à la fois romanesque et biographique (même s’il s’agit d’une biographie imaginaire). » L’expression relevée ici n’est pas autrement explicitée.

Bibliographie de l’auteur : Plusieurs romans, des essais (sur Pessoa, dont Une malle pleine de gens, 1992) ainsi que des biographies diverses et hétérodoxes, ex. : Rêves de rêves, 1994 où la vie des auteurs est explorée à travers des rêves que Tabucchi leur inventent. Il a également publié les œuvres complètes de Pessoa en italien.

Biographé : Fernando Pessoa et ses hétéronymes

Quatrième de couverture : non

Préface : non

Rabats : rabat de la page couverture : mise en situation de la « biographie imaginaire », point de départ de l’auteur. « Novembre 1935. Pessoa est sur son lit de mort à l’hôpital Saint-Louis-des-Français à Lisbonne. Trois jours d’agonie durant lesquels, comme dans un délire, le grand poète portugais reçoit ses hétéronymes. » Le propos cherche surtout à rendre compte de la relation entre Pessoa et ses hétéronymes, qui s’incarnent et lui rendent visite à la fin de sa vie, et à évoquer la vie du grand poète portugais.

Autres (note, épigraphe, photographie, etc.) : Plusieurs dessins de Julio Pomar, que celui-ci avait exécuté pour décorer une station de métro à Lisbonne, sont insérés dans le texte. Ils remplacent les photographies que contiennent souvent les biographies et accentuent le thème du délire par leurs apparences très peu réalistes.

LES RELATIONS (INSTANCES EXTRA ET INTRATEXTUELLES) :

Auteur/narrateur : L’auteur Tabucchi est à peu près absent de la narration, sauf dans la dernière partie du récit où on retrouve les brèves biographies des hétéronymes et de Pessoa (Chap. « Les personnages qui apparaissent dans ce livre » Tabucchi laisse ainsi toute la place à la relation entre les hétéronymes, s’effaçant derrière ces personnages aussi vrais que leur auteur en personne. Le narrateur est hétérodiégétique et omniscient, et laisse lui aussi toute la place aux hétéronymes. La grande majorité du récit se déroule dans un dialogue entre Pessoa et ceux-ci, dialogue d’où sont pourtant absents les habituels tirets distinctifs, ce qui contribue à donner une forme plus romanesque, moins purement biographique, au récit.

Narrateur/personnage : Le narrateur n’est en relation avec Pessoa et ses hétéronymes que dans la mesure où il les introduit au lecteur, les décrit brièvement ou commente certains éléments du texte. De la manière dont le texte est construit, il arrive à plusieurs reprises que le lecteur ignore si c’est Pessoa qui pense ou le narrateur qui parle : « Pessoa sourit parce qu’il l’avait reconnu. C’était Coelho Pacheco, un hétéronyme rare, quelqu’un qui n’avait fait qu’une seule fois de la poésie et ce qu’il avait écrit était sombre et visionnaire, de style néogothique. Qu’est-ce que Coelho Pacheco déguisé en policier faisait là? Peut-être le Maître l’avait-il envoyé pour lui préparer le chemin qu’il devait prendre. Pessoa leva la main et fit un signe ésotérique. Coelho lui aussi fit un signe ésotérique […]. » p. 15-16 Notons que dans le récit de Tabucchi, Pessoa devient un personnage au même titre que ses hétéronymes, en prenant place comme personnage dans un livre qui le met aux côtés de ses propres personnages, qui étaient plus vrais que nature.

Biographe/biographé : La bibliographie de l’auteur permet de constater sa grande connaissance de la vie et de l’œuvre de Pessoa, l’auteur prenant à merveille la parole au nom des différents hétéronymes de Pessoa. Son érudition face à l’œuvre de Pessoa se traduit dans tous les aspects de son écriture, soit dans le ton attribué à chacun des hétéronymes – fidèle à leur écriture à chacun -, soit dans l’introduction de figure hétéronymique moins connue; outre Ricardo Reis, Alberto Caeiro, Alvaro de Campos et Bernardo Soares, dont les écrits sont les plus renommés et les plus couramment étudiés (dans le cadre d’études sur l’œuvre de Pessoa, bien sûr), il est question de Coelho Pacheco (p. 15, voir plus haut), Francisco Gouveia (p. 11), Armando Teixeira (p. 11), M. Moitinho de Almeida (p. 11), Antonio Mora (p. 47, 63), M. Don Pedro de Cascais (p. 53, bien que celui-là soit de statut incertain). À la fin du volume, le chapitre « Les personnages qui apparaissent dans ce livre » propose de brèves biographies de certains personnages du livre : Pessoa lui-même, de Campos, Caeiro, Reis, Soares et Mora. Le livre se veut donc aussi un essai sur les relations entretenues entre Pessoa et ses hétéronymes, mais également sur la relation des hétéronymes entre eux. Ces rapprochements entre les différentes « personnalités » de Pessoa existent déjà dans l’œuvre de ce dernier, mais Tabucchi extrapole les possibilités narratives d’une telle situation jusqu’à toutes les imaginer se côtoyant dans un univers vraisemblable.

Autres relations :

L’ORGANISATION TEXTUELLE

Synopsis : Les trois derniers jours de Fernando Pessoa : 28-29-30 novembre 1935. Pessoa, en compagnie de trois hétéronymes, va se rendre à l’hôpital Saint-Louis-des-Français suite à une crise hépatique. Durant les jours suivants, ses hétéronymes, même ceux qui sont morts, vont venir à sa rencontre, pour s’enquérir de sa santé, lui rendre un dernier hommage, lui raconter une dernière histoire avant qu’il ne meure à son tour, lui donner un poème (p. 30) ou tout simplement un message d’admiration (p. 59). On suit donc la rapide déchéance physique de l’écrivain qui, dans son délire justifié par la maladie, va discuter avec ses différents hétéronymes et les questionner sur leurs pratiques de l’écriture et les statuts d’écrivains; la rencontre avec le Maître Caiero est à ce titre particulièrement intéressante puisqu’on peut vraiment y voir la manière dont Pessoa abordait ses propres « inventions », avec autant de crainte que d’admiration. Les hétéronymes y sont donc de « véritables personnages » qui prennent corps auprès d’un Pessoa qui agonise et règle ses comptes avec lui-même avant de mourir.

Ancrage référentiel : L’hôpital Saint-Louis-des-Français, où est hospitalisé Pessoa, les noms des hétéronymes qu’on peut retrouver dans l’œuvre de Pessoa, les dates mentionnées (la mort de Pessoa), certains points de repères dans la ville de Lisbonne : « La voiture passa devant la basilique de l’Estrela et il regarda longuement sa coupole à travers la glace. […] C’était làa devant, dans le jardin, que plusieurs années auparavant il donnait rendez-vous à Ophélia Queiroz, son unique grand amour. » p. 12 Un peu plus loin, « Le taxi passa devant le Parlement puis s’engagea dans la Calçada do Combro. Il avait habité autrefois dans ce coin-là […]. » p. 12 Illustrations de Julio Pomar, créées en premier lieu pour décorer une station de métro de Lisbonne.

Indices de fiction : Dans le titre « Un délire » annonce que le récit qui va suivre ne se base pas nécessairement sur la réalité, bien au contraire : c’est une extrapolation imaginative d’une réalité déjà transformée par Pessoa lui-même. Le terme de « biographie imaginaire », dans le premier rabat, dirige tout de suite l’attention du lecteur vers le caractère fictif de la lecture qu’il entreprend. Les rencontres entre hétéronymes sont particulièrement révélatrices de la fiction qui construit toute l’œuvre : « Pessoa sourit parce qu’il l’avait reconnu. C’était Coelho Pacheco, un hétéronyme rare, quelqu’un qui n’avait fait qu’une seule fois de la poésie […]. Qu’est-ce que Coelho Pacheco déguisé en policier faisait là? Peut-être le Maître l’avait-il envoyé pour lui préparer le chemin qu’il devait prendre. Pessoa leva la main et lui fit un signe ésotérique. Coelho Pacheco lui fit aussi un signe ésotérique, t le taxi prit la première rue à droite. » p. 15-16

Rapports vie-œuvre : Ce rapport est entremêlé chez Pessoa, puisque cet écrivain a inventé des vies par le biais de l’écriture. Son œuvre s’explique entre autres par l’invention d’hétéronymes, personnages plus près du factuel que du fictionnel dans la mesure où ils côtoient, bien que ce soit uniquement sur papier, des êtres de chair; leurs personnalités sont directement rattachées à celle de leur auteur et inventeur, mais cela n’empêche pas qu’ils s’en différencient radicalement. Dans la biographie de Tabucchi, l’œuvre de Pessoa, en l’occurrence ses hétéronymes, rejoint des événements de sa vie. Tabucchi en profite également pour tenter d’expliquer, par la voix des hétéronymes, les influences, autant existentielles que littéraires, des hétéronymes entre eux et sur Pessoa. En filigrane de l’œuvre, le grand attachement de Pessoa pour la ville de Lisbonne qu’il ne quittera qu’en de très rares occasions au cours de sa vie

Thématisation de l’écriture et de la lecture : Concerne surtout l’écriture de Pessoa, celle de ses hétéronymes, comment elles cohabitaient dans le même homme. À peu près rien sur l’écriture et la lecture en général.

Thématisation de la biographie : non

Topoï : Dans la série : les (3) derniers jours, délire, personnalité, maladie

Hybridation :

Différenciation :

Transposition :

Autres remarques :

LA LECTURE

Pacte de lecture : Le pacte de lecture est annoncé dans le premier rabat avec le terme de « biographie imaginaire » : biographie de Pessoa d’un côté, et délire fictionnel de l’autre. Le pacte est habilement respecté par un écrivain qui connaît remarquablement bien son sujet.

Attitude de lecture : Cette œuvre convient parfaitement à notre étude puisqu’elle combine biographie et fiction en permettant de mieux connaître l’écrivain Pessoa et son œuvre. Un petit bijou pour qui s’intéresse à cet écrivain incomparable!

Lecteur/lectrice : Catherine Dalpé

fq-equipe/pessoa_par_tabucchi_3.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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