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FICHE DE LECTURE « Les postures du biographe »

INFORMATIONS PARATEXTUELLES

Auteur : François BOTT (1935-) Titre : Radiguet, l’enfant avec une canne Lieu : Paris Édition : Gallimard Collection : Folio Année : 1995 Pages : 213 Cote BANQ: 928.41R1293b2003

Biographé : Raymond Radiguet (1903-1923)

Pays du biographe : France

Pays du biographé : France

Désignation générique : Aucune désignation générique n’est circonscrite par l’appareil paratextuel.

Quatrième de couverture ou rabats : [Reproduction partielle] « Raymond Radiguet (1903-1923) était pressé de vivre et d’écrire. C’est le sort réservé à tous les météores. Il se dépêcha d’être l’amant de son institutrice (à quatorze ans), de débuter dans le journalisme, de devenir le protégé de Jean Cocteau, de connaître le Tout-Paris littéraire et artistique des Années folles, et de terminer deux chefs-d’œuvre : Le Diable au corps et Le Bal du comte d’Orgel. […] En faisant le portrait du jeune Raymond, François Bott fait celui d’une époque : Radiguet a rencontré, fréquenté tous les « héros » des années vingt. De Morand à Stravinski et de Mlle Chanel à Picasso, ils avaient décidé qu’après les horreurs de la guerre, la vie serait une fête ».

Préface : Ce livre ne comporte pas de préface.

Autres informations : Une bibliographie est annexée à la fin de ce livre, dans laquelle on trouve les œuvres publiées de Radiguet, divers ouvrages sur l’écrivain ainsi que des ouvrages de gens qui l’ont côtoyé (Cocteau, Desnos, Fargue, Jean Hugo, Max Jacob, Paul Morand, etc.).

Textes critiques sur l’auteur : J’ai trouvé deux articles portant sur Radiguet, l’enfant avec une canne. Ils offrent un bon survol de la biographie en même temps qu’une critique intéressante du travail de Bott :

- Olivier Frebourg, « Balade avec “Monsieur Bébé” », Le Monde, Vendredi 3 novembre 1995, p. 5.

- André Le Vot, « Radiguet, l’homme pressé », Le Magazine littéraire, no 339, janvier 1996, p. 77.

SYNOPSIS

Résumé ou structure de l’œuvre : Le premier chapitre s’ouvre sur la phrase « Que faisiez-vous en 1903? ». Bott survole la France de 1903 à la recherche des occupations des (futurs) grands écrivains à la naissance de Radiguet (Simenon, Queneau, Yourcenar, Cocteau, etc.). Les chapitres suivants sont ordonnés de façon chronologique : Bott nous fait le portrait de l’enfance et de la famille de Radiguet, nous raconte sa première liaison avec une jeune institutrice, ses débuts dans la presse, ses rencontres mondaines multiples, son amitié avec Cocteau. Bott s’attarde d’ailleurs assez longuement à faire le portrait culturel de l’époque, nous présentant à diverses reprises plusieurs figures bien connues de la faune littéraire des années dix et vingt, qu’elles soient ou non en lien avec Radiguet : « on entrevoit à cinq reprises les Fitzgerald errer dans les coulisses. Leur présence inexpliquée, tout comme celle de Kafka et de Milena, témoigne d’un au-delà de la mondanité » (André Le Vot, « Radiguet, l’homme pressé », Le Magazine littéraire, no 339, janvier 1996, p. 77). Bott consacre aussi plusieurs chapitres à l’œuvre de Radiguet, qui est d’abord constituée de recueils de poésie et ensuite enrichie de romans, lesquels, il va sans dire, ont largement été inspirés par les mondanités auxquelles Radiguet était convié. Puis, Bott illustre les beaux jours de Radiguet, alors que son roman Le Diable au corps connaît un grand succès, quelque temps avant qu’il ne tombe malade et ne succombe à la fièvre typhoïde – triste épisode que Bott esquisse brièvement en un chapitre. Dans les dernières pages du livre, Bott s’interroge sur les sentiments de l’entourage de Radiguet à la suite de sa mort, et poursuit le portrait de l’époque un peu plus avant dans les années vingt.

Topoï : Monde littéraire et artistique, jeunesse, effervescence du début du vingtième siècle, écriture inspirée du classicisme, guerre (avant-guerre et après-guerre), maladie, mort.

Rapports auteur-narrateur-personnage : Le narrateur est assurément l’auteur dans la mesure où Bott prend ici la posture d’un biographe qui dresse un portrait fidèle, certes, mais largement interprétatif de la vie de son biographé. La narration est toujours hétérodiégétique, à l’exception de ce passage, éloigné du texte principal par une note de bas de page : « Et quel métier, celui de biographe, lorsqu’il faut revenir de juin 1919 à décembre 1994! C’est le meilleur moyen de prendre froid » (75). Enfin, le jeu de la focalisation est à la fois, selon les passages, externe et omniscient – externe lorsque Bott expose les faits qui construisent la vie de Radiguet, et omniscient lorsque Bott nous fait part de ce que pensent les personnages, nous parle du temps qu’il fait, nous raconte des rêves faits par Radiguet, etc.

I. ASPECT INSTITUTIONNEL

Position de l’auteur dans l’institution littéraire : François Bott est l’ancien directeur/rédacteur en chef du «Monde des livres » (cahier littéraire du journal Le Monde). Il a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages, obtenu le prix Paul Léautaud en 1986 pour son livre Lettres à Baudelaire, Chandler et quelques autres ainsi que le grand prix littéraire de la Ville d’Antibes Jacques-Audiberti pour l’ensemble de son œuvre en 2004. (Il a forcément dû recevoir d’autres prix au fil de sa carrière littéraire, mais je n’ai pu, pour l’instant, les retracer. À suivre, donc.)

Position du biographé dans l’institution littéraire : Décrit par Bott comme un « météore » dans la littérature française, Radiguet incarne la figure mythique du jeune génie mort de façon prématurée. Son passage dans la littérature française a d’autant plus été remarqué par le fait que Radiguet était très impliqué auprès des artistes et des écrivains de son époque : ami de Cocteau et de Kessel, il a fréquenté Max Jacob, Apollinaire, Picasso, Juan Gris, Milhaud, Georges Auric, etc.

Transfert de capital symbolique : Je ne vois pas en quoi Bott pourrait tirer profit du capital symbolique qui émane de la figure de Radiguet, puisque ce capital repose sur un mythe dont Bott ne se réclame pas – il a après tout soixante ans lorsqu’il écrit sur ce jeune homme de vingt ans. À la lecture de Radiguet, l’enfant avec une canne, il me semble que Bott écrit sa biographie avant tout pour obéir à la fascination qu’il éprouve pour le jeune écrivain et pour l’époque effervescente dans laquelle il a évolué.

II. ASPECT GÉNÉRIQUE

Oeuvres non-biographiques affiliées de l’auteur : [voir la fiche de lecture portant sur l’ouvrage Faut-il rentrer de Montevideo?]

Place de la biographie dans l’œuvre de l’auteur : [voir la fiche de lecture portant sur l’ouvrage Faut-il rentrer de Montevideo?]

Stratégies d’écriture et dynamiques génériques : Une stratégie m’apparaît plus prégnante que tout autre dans cet ouvrage : il s’agit de la mise en scène du contexte littéraire dans lequel l’écrivain biographé a vécu. Bott se livre, tout au long de la biographie, à l’exploration du milieu littéraire et artistique du début du vingtième siècle – cette exploration occupe presque une place aussi importante dans l’ouvrage que les faits entourant la vie de Radiguet, car il n’est pas une page qui ne comporte pas d’allusion à des artistes ou à des écrivains que côtoyait ou non Radiguet, à un point tel qu’un commentateur dira de ce livre qu’il fait presque office « [d’] annuaire du tout-Paris pendant les années du Bœuf sur le Toit » (André Le Vot, « Radiguet, l’homme pressé », Le Magazine littéraire, no 339, janvier 1996, p. 77). J’ai déjà illustré ce phénomène à l’aide de l’incipit du livre (voir la rubrique « Résumé ou structure de l’oeuvre»). La fin de la biographie donne également un bel exemple de cette stratégie : « L’auteur du Diable au corps avait deux ans de plus que Paul Nizan. Il était de la même génération que Marguerite Yourcenar, Georges Simenon et Raymond Queneau. Cela étonne… Mais c’est l’habitude ou la vocation des jeunes morts : ils paraissent toujours d’une autre époque… » (209).

Thématisation de la biographie : François Bott réfléchit souvent aux aléas du projet biographique dans cet ouvrage : « Quelle entreprise de faire la biographie du « petit monsieur » de Saint-Maur! On tisse une toile, on jette des filets, mais les fantômes s’échappent » (106). Cet autre exemple m’apparaît également intéressant : « Comment savoir? Est-ce que les biographes sont forcés de tenir ou d’avoir tenu la chandelle? » (172). Bott se préoccupe également des liens qui doivent unir la vie et l’œuvre du biographé dans la biographie : « Raymond regardait l’existence comme une mythologie. Ce qui renverrait dos-à-dos les biophiles et les biophobes lorsqu’il s’agirait de déterminer la part de l’autobiographie dans Le Diable au corps ou dans Le bal du comte d’Orgel » (20). Ce passage témoigne aussi de cet intérêt : « L’existence de ce météore – je veux dire Radiguet – semblait si improbable que ses contemporains demandèrent à ses romans des garanties biographiques » ( 172).

Rapports biographie/autobiographie : L’ouvrage comporte très peu de traces autobiographiques. Cet exemple – le plus flagrant – me semble rendre compte de la rareté du phénomène : « Et quel métier, celui de biographe, lorsqu’il faut revenir de juin 1919 à décembre 1994! C’est le meilleur moyen de prendre froid » (75). Ainsi, le narrateur laisse parfois passer quelques réflexions sur sa vie quotidienne, mais il consacre l’essentiel de son ouvrage à écrire sur la vie de son biographé et sur les gens qui composaient son entourage.

III. ASPECT ESTHÉTIQUE

Oeuvres non-biographiques affiliées du biographé : Radiguet a écrit deux recueils de poésie – L’âme des automobiles et Devoirs de vacances – ainsi que deux romans : Le Diable au corps et Le Bal du Comte d’Orgel. Bott traite de ces œuvres en les mettant en relation avec les circonstances de la vie de Radiguet qui leur sont associées.

Œuvres biographiques affiliées du biographé : Aucune.

Échos stylistiques : Il m’est impossible d’en traiter, puisque je n’ai rien lu de Radiguet.

Échos thématiques : Comme je n’ai rien lu de Radiguet, j’avance ici une hypothèse qui pourrait fort bien se révéler tout à fait hors propos. J’ai constaté, au fil de la biographie, que la vie et l’œuvre de Radiguet étaient traversées par le thème de la mondanité et je me suis demandé si Bott ne traitait pas autant de l’entourage culturel de Radiguet pour mettre en scène le fort penchant mondain de l’écrivain.

IV. ASPECT INTERCULTUREL

Affiliation à une culture d’élection : Aucune affiliation à une culture d’élection étrangère. Le texte baigne dans l’histoire et la culture françaises.

Apports interculturels : Deux extraits m’ont particulièrement frappée, puisqu’ils mettent en valeur un certain intérêt pour le métissage et les échanges culturels. Le premier rend compte des origines métissées de Radiguet : « Curieusement, il vanterait plus tard le « charme créole » de l’Île de France. Bien sûr, il ferait allusion à l’île Maurice, qui s’était appelée « île de France » jusqu’en 1814, avant que les Français ne l’abandonnent à la Grande-Bretagne. Et puis la mère de Raymond descendait de Joséphine de Beauharnais, laquelle était née à la Martinique, aux Trois-Îlets précisément. Quant au père de Radiguet, il descendait de la Pompadour, paraît-il, mais c’est beaucoup plus douteux. N’empêche, quel mélange et quel exotisme! Le métissage est toujours recommandé, dans la vie comme dans la littérature » (18) (je souligne). Le second exemple renvoie énigmatiquement au concept d’échanges culturels : « C’était l’époque où les Fitzgerald venaient découvrir les bords de la Seine. Paul Morand ferait connaissance quatre ans plus tard avec les bords d’East River. C’est sans doute ce que l’on appelle des “échanges culturels ”» (113).

Lecteur/lectrice : Audrey Lemieux

fq-equipe/radiguet_par_bott.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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