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Notes pour une synthèse : lecture critique des introductions du Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tomes IV, V, VI et VII (1960-1985)

Construction du contemporain dans le discours critique au Québec

Découpage de la période :

- Celui de la période 1960-1969 est très affirmé : « Le découpage de la décennie 1960-1970 peut assez facilement faire l’objet d’un large consensus sans qu’il soit nécessaire d’argumenter longtemps. La période commence avec la mort de Maurice Duplessis (septembre 1959) et se termine par la Crise d’octobre 1970. » (IV, p. XI)

- Aucune autre période traitée par le DOLQ ne fait l’objet d’un découpage aussi clair. En outre, il n’en est même pas question dans les autres introductions, on parle de la période en question, oui, mais sans la justifier. Il semble que le découpage par tranches de cinq ans s’est imposé de lui-même, sans qu’on ait à le justifier de quelque façon que ce soit. Il n’y a pas de tentative de nommer la période, ni de la baliser avec des événements, des objets culturels ou des personnages importants. Ce qui ne nous aide pas vraiment à saisir ce qui peut ou pas définir la période contemporaine. Il faut chercher ailleurs.

Pas de coupure avec la période précédente dans la littérature narrative :

- On affirme d’entrée de jeu dans le tome VII « qu’il n’y a pas de coupure sensible entre les romans publiés à la fin des années 1970 et ceux qui paraissent à la suite du Référendum de 1980, soit de 1981 à 1985 inclusivement » (VII, p. XIX).

- Les thèmes semblent aussi être les mêmes. On retiendra toutefois que, en ce qui concerne la période précédente, les œuvres narratives exprimaient des « ruptures : avec la famille et avec la religion qui ne cessent d’être contestées, tout comme le système d’éducation, en particulier dans les œuvres tournées vers le passé et qui ressemblent à des autobiographies. » (VI, p. XVI) Pour 1981-1985, on ne parle pas de ruptures.

- On assiste dans la période qui nous intéresse – dans les romans – à un passage de la collectivité à l’individualité : « Mais la lutte collective a cédé la place à une lutte individuelle, à l’expérience personnelle […]. » (VII, p. XXIV) Un même type de passage du collectif à l’individuel avait été noté pour la période 1960-1969 : « Le passage de la collectivité à l’individualité est surtout frappante dans la thématique. La majorité des romans présentent des individus qui ont maille à partir avec une collectivité, et leur action se résume à contester l’emprise que les diverses institutions sociales exercent sur eux. Au cours des ruptures qui s’ensuivent, il n’est plus possible de partager la même symbolique, et c’est en grande partie grâce à ce combat pour la transmutation des valeurs que se structure le récit. » (IV, p. XIX)

Le mot « contemporain » n’est jamais utilisé, sauf dans deux références de deux époques différentes :

- « Cette prise de position des femmes se traduit aussi dans la forme du discours qu’elles tiennent. Les récits sont souvent fragmentés, pluriels, multiformes, constitués de multiples voix qui se répondent et qui déroutent parfois le lecteur. L’hermétisme est très pratiqué, que favorise la complexité de l’écriture à la première personne trahissant “les remontées en apparence inconscientes du narrateur qui s’égare dans les méandres labyrinthiques de la mémoire et instaure une confrontation incessante du rêve et de la réalité” (Gilles Dorion, “De quelques orientations du roman québécois contemporain”, Voix d’un peuple, voies d’une autonomie, p. 101). » (VI, p. XXI)

- « Mais la lutte collective a cédé la place à une lutte individuelle, à l’expérience personnelle, comme le souligne avec à-propos Lori Saint-Martin. François Gallays a déjà noté, comme elle qui parle non plus de postféminisme mais de métaféminisme, ce changement notoire quand il écrit : “Le roman de demain se détournera aussi du féminisme militant, du moins dans sa forme primitive. En ce moment, il se nuance et explore des modes de vie plus restreints, marginaux. Chose qui me paraît certaine, il ne pourra pas prétendre s’exprimer au nom de toutes les femmes” (Archives des lettres canadiennes, tome VIII : le Roman contemporain au Québec (1960-1985, [Montréal], Fides, [1992], p. [485]-500 p. [v. p.485]). Le critique semble remarquer, de plus, que les œuvres écrites par des femmes au début des années 1980 ne sont plus des œuvres à thèse mais des œuvres davantage axées sur la réalité des femmes du Québec. » (XXIV-XXV)

Sinon, tout porte à croire qu’on ne s’intéresse pas à la question, qu’il ne semble pas nécessaire de définir l’époque étudiée. Pourtant, le tome VII paraît en 2003, il me semble qu’on aurait dû au moins y faire référence…

Si on essaie de saisir ce qui a mené au contemporain, on est frappé (moi, en tous cas) par l’importance immense des écritures féminines. D’ailleurs, l’intro du tome VI se termine là-dessus :

« À la lecture de l’ensemble des œuvres, on est frappé par le fait que deux grands courants traversent la période [1976-1980], le nationalisme et le féminisme, et influencent profondément la production littéraire du Québec. Le nationalisme trouve ses partisans et adversaires surtout dans l’essai qui, cependant, ne se cantonne pas à ce domaine, mais, au contraire, développe, d’une façon presque pléthorique, les études proprement littéraires. Les adeptes du féminisme, de leur côté, investissent tous les genres, et leur parole, aux accents variés, leur confère une richesse incontestable tout en suscitant la réflexion, l’engagement et les débats. L’affirmation et la reconnaissance de la femme constituent un des acquis les plus précieux de la littérature québécoise de l’époque. » (VI, p. XXXVIII)

Même si le roman occupe la majeure partie de l’intro du tome VII (9 pages, contre 4 pour le récit bref, 4 pour la poésie, 6 pour le théâtre et 7 pour l’essai et la prose d’idée), il me semble qu’on en parle moins que des autres genres. Peut-être s’attarde-t-on plus à des descriptions qu’à des analyses, mais encore, ce n’est peut-être qu’une impression. Néanmoins, on peut noter les points suivants, qui sont spécifiques à la période qui nous intéresse :

- Essor du roman historique et des grandes sagas, les livres les plus populaires sont souvent des œuvres imposantes en ce qui concerne le nombre de pages. (VII, p. XX)

- Narration postmoderne (le mot est utilisé, sans être défini vraiment) : hybridation, œuvres protéiformes, multiples voix narratives, mélange des genres, réflexion sur l’écriture et pratiques intertextuelles (VII, p. XXVI-XXVII).

- Explosion du récit bref, création de revues et de maisons d’édition consacrées à la nouvelle. (VII, p. XXVII-XXVIII)

- L’écriture migrante amène à redéfinir ce qu’est, maintenant, la littérature québécoise : « À l’inverse, il faut remarquer que des poètes migrants qui ont choisi le Québec commencent à développer une prise de parole qui questionne à la fois le sens même de leur exil […], ou la problématique identitaire québécoise, mais surtout celle qui les concerne au premier chef. Que ces poètes viennent d’Haïti, d’Égypte ou d’Italie, les questions restent les mêmes et les réponses aussi flottantes que provisoires : Jean Jonassaint, Serge Legagneur, Anthony Phelps ou Fulvio Caccia ont ouvert la voie à une remise en question de l’identité québécoise qui ne touche plus uniquement ceux et celles qui ont émigré au Québec, mais aussi les Québécois et les Québécoises qui sont appelés à prendre conscience de leur relation identitaire avec les nouveaux arrivants. Cette littérature migrante, comme certains la désignent, regroupe aussi bien ceux qui écrivent de la poésie que du roman, du théâtre ou de l’essai. Peu importe la manière de désigner cette littérature, ce qui ressort avec force de quelques recueils, c’est la mise en place d’un discours qui ébranle les fondements mêmes de la poésie québécoise, voire de la littérature. En effet, qui pourra-t-on dorénavant désigner par “poète québécois” et qu’appellera-t-on “poésie québécoise” ? La question demeure et ne trouvera peut-être jamais une réponse satisfaisante aux yeux de diverses communautés qui composent dorénavant la population du Québec. » (VII, p. XXXIV)

Peut-être est-ce parce que leur mission est davantage de rendre compte de ce qui se passe que d’en traiter de façon critique, mais il me semble que les auteurs de l’intro du DOLQ sont plutôt frileux et n’osent pas se compromettre en affirmant certaines choses. On le remarque à la fin de l’extrait précédent, lorsqu’ils disent que peut-être cette question ne trouvera pas de réponse, aussi lorsqu’ils modulent le concept d’écriture migrante en ajoutant « comme certains la désignent ». On le remarque encore plus fort lorsqu’ils concluent sur l’essai :

« Que conclure sur le genre – répétons-le – protéiforme, multiple, pluriel, divers, diversifié, de l’“essai”, sinon qu’il témoigne d’une effervescence remarquable, signe évident du développement de la pensée critique au Québec depuis la Révolution tranquille, nous ne le répéterons pas assez. Cette pensée est-elle plus sûre d’elle-même ? Manifeste-t-elle plus de profondeur et d’acuité ? Nous soutenons que oui mais nous laissons au lecteur le soin de le confirmer. » (VII, p. XLVII)

Il me semble, si je veux pseudo-conclure, que la période contemporain (du moins son début) n’est pas balisée par des événements aussi importants que les périodes précédentes, comme la Crise d’octobre 1970. Il n’en reste pas moins que, tout hasard que ce soit, le Référendum sur la souveraineté s’est tenu en 1980, et que la défaite du oui a probablement tout autant marqué l’imaginaire de la période. Je sais qu’en théâtre il est récurrent de parler de cet événement comme le début de la période contemporaine. Les auteurs du DOLQ ne se prononcent pas là-dessus, pas vraiment, mais ça pourrait être une piste (voire cette citation sur le théâtre : « La même hybridation se manifeste aussi sur le plan thématique qui se détache de l’espace politique québécois pour entrer en osmose avec des préoccupations plus universelles. La thématique identitaire demeure centrale, mais elle va d’une recherche d’un pays à une quête individuelle des contours de l’être, passant du collectif au privé. Elle se manifeste aussi dans cette figure si récurrente de l’artiste, substitut métonymique et métaphorique des traits culturels spécifiques à découvrir et à affirmer. L’espace intime est privilégié : les frontières floues de l’être, un “je” qui se fragmente, la vérité équivoque, le sens de la vie, les valeurs, les problèmes personnels, les relations affectives, les rapports de force, les liens familiaux, Éros – l’homosexualité particulièrement – et Thanatos. » (VII, p. XXXVIII))

Sinon, il n’y a aucune volonté dans le DOLQ de cerner le contemporain, on ne fait que rendre compte de la production d’une période de cinq ans.

fq-equipe/notes_pour_une_synthese_-_dolq_tomes_iv_v_vi_et_vii.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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