fq-equipe:badir_semir_1999_histoire_litteraire_et_postmodernite

BADIR, Sémir (1999), « Histoire littéraire et postmodernité », dans Jan Baetens et Dominique Viart (dir.), Écritures contemporaines. États du roman contemporain, Actes du colloque de Calaceite, Paris-Caen, Lettres modernes Minard, p. 241-264.

Qu’est-ce que l’histoire de la littérature contemporaine ?

L’auteur pose d’emblée cette question et offre une première définition du contemporain : « On peut considérer […] que le contemporain, en tant que tel, n’existe pas mais qu’il est à la fois la trace de ce qui est appelé à passer et un appel à ce qui peut advenir. » (1999 : 241-242). Il poursuit : « L’historien de la littérature contemporaine devrait pouvoir, dans ces conditions, penser en tant que chose passée ce qu’il regarde d’une position déjà future. Il est vrai que son entreprise confessera plus crûment la part d’aventures et d’intuitions que découvre naturellement toute recherche historique. Il ne pourra pas en effet se dédouaner, par exemple, d’une quasi totale arbitrarité quant au choix de son corpus, de sorte qu’il faudrait plutôt parler des littératures contemporaines, pour que la raison du pouvoir symbolique qui s’exprime à travers lui ne le rende pas dupe des paris, esthétiques, éthiques et politiques, qui fondent son entreprise. N’empêche : la méthode historique, autrement éprouvée, et conscience de toutes les sciences, peut servir de révélateur des pratiques artistiques et sociales contemporaines et, du même coup, exercer sur elles une action d’encouragement et de soutien. C’est là, il faut le reconnaître, dans le risque qu’elle prend, une de ses grandeurs. » (1999 : 242, souligné dans le texte) Note : retenons ici l’idée d’une pluralité des littératures contemporaines, idée qui rejoint à la fois ce que les critiques tentent de saisir (d’où la difficulté à trouver des dominantes vraiment centrales) et ce que nous même nous risquons de faire, sans que cela ne soit un véritable problème (car il faut garder à l’esprit que nous ne sommes pas dans une démarche historique).

Le problème se complique toutefois pour l’historien dès lors qu’il garde une démarche historique pour étudiere sa période (pour éviter d’être confondu avec d’autres approches de la littérature) : « La description historique d’une période donnée se doit en effet de refléter les modes de représentation de l’époque, et les valeurs qui la déterminent. C’est à bon droit une interprétation, d’où doit se dégager la spécificité de la période décrite, ce qu’on peut désigner par le terme d’historicité comme mode de conscience historique spécifique à une période donnée. » (1999 : 242) Note : « l’historicité propre aux époques considérées » (1999 : 243) me semble une notion importante. Aussi : « impossibilité du contemporain à se penser de façon historique » (1999 : 243)

Badir explique ensuite pourquoi il est complexe de dégager l’historicité du contemporain : 1. Histoire en train de se faire 2. « les possibilités discursives de représentation, grâce auxquelles les époques précédentes ont pu, dans leur contemporanéité, amorcer leurs propres interprétations historiques, lui font défaut. » (243)

Notre contemporain serait pensé sous deux « grandes figures » qui ne seraient que des « préjugés historiques » : répétition et régression (les « retours » et la « fin des avant-gardes », par exemple) : « Or, ces figures marquent l’échec à saisir la spécificité du contemporain, puisqu’elles le vouent en quelque sorte à une non-histoire, à une figure du “vide” historique, semblable à celle par laquelle on s’est longtemps figuré […] l’époque du haut Moyen Âge. » (1999 : 244)

Badir choisit « d’affubler cette interrogation embarrassée sur le contemporain d’un nom embarrassant – celui de « postmodernité » - en gageant qu’ils pourraient bien se soutenir l’un l’autre » [c’est central dans le raisonnement] : « Du terme postmodernité, en effet, on sait qu’il possède un usage très marqué, et suscitant la polémique, alors que son statut théorique n’est ni clair ni distinct. D’un nouveau mode historique pour le contemporain, en revanche, le cadre théorique est relativement bien éprouvé, mais ne connaît aucune consistance dès lors qu’aucun nom ne vient le circonscrire. » (1999 : 245)

d’une modernité à l’autre : l’historicité postmoderne

existence et fiction de la postmodernité : le mode transcendantal

S’intéresse d’abord au terme lui-même, au préfixe post- et suffixe –ité qui marque désormais « la qualité du transcendantal » (246) Quelques observations sur la postmodernité : 1. « La postmodernité est ainsi, face aux écrivains qui sont gratifiés de cette désignation, une forme d’idée et d’idéal, une idéalité en somme […] » (1999 : 246) 2. Le Moderne, toujours selon le mot lui-même, aurait engendré le postmoderne, mais « il existe une rivalité oedipienne entre la modernité et la postmodernité » (1999 : 247) 3. On ne sait pas encore sur quoi la modernité pourrait se clore, mais il faut « remonter à l’origine de la modernité, puisque la problématique de la postmodernité est inhérente à la délimitation de celle-ci. » (1999 : 248)

tradition moderne et postmodernité

Définition de modernité : « Il appert qu’à l’origine le terme modernité est à peu près synonyme de “nouveauté”. Une nouveauté incessante, aussitôt dépassée que réitérée, dans un mouvement perpétuel vers l’avant. […] Mais à une certaine époque – dite précisément “moderne” – on a affublé cette nouveauté d’un prestige singulier, elle fit bientôt l’objet d’un parti pris, lors d’une célèbre querelle où les autres étaient nommés les Anciens ; puis, à la sortie de cette querelle, la nouveauté moderne a fait l’objet d’un culte qui en consacra la victoire. La modernité inscrivit alors le temps historique dans une perspective résolument progressiste. » (1999 : 248) Mais : « […] la modernité connaît un conflit intérieur dès lors, précisément, qu’elle doit se composer sur le mode historique. Jusque-là, l’approche classique de l’histoire avait tenu un circuit linéaire qui permettait de comprendre toute nouveauté par rapport à la tradition, de sorte que celle-ci puisse intégrer celle-là dans le mouvement uniforme du temps. Mais la modernité, en sa conceptualité même, refuse cette opposition, pour n’admettre qu’une nouveauté régnant absolument ; de fait, l’idéal de la modernité, c’est la révolution permanente. » (1999 : 249)

La modernité serait donc fondée sur un paradoxe que l’on peut ignorer (en disant qu’elle a une esthétique et une histoire) ou considérer, ce qui aurait donné naissance à la théorie du postmoderne : « La notion de postmodernité a en effet été trouvée pour résorber l’ambivalence classique de l’histoire. Synonyme de modernité face à la tradition moderne, la postmodernité a pour tâche d’affirmer, contre l’historicité classique, la temporalité propre à la modernité : une temporalité dialectique. » (199 : 250) « Bref, le scénario classique prévoyait deux termes, ceux de la tradition et de la nouveauté, ou ceux du classicisme et de la modernité, mais le dévoiement historique du second a suscité l’émergence d’un troisième, constitutif de la dialectique moderne. Il permet à la modernité de régner, de façon absolue, non seulement sur tout ce qui est venu avant elle, et pendant, mais également sur tout ce qui est encore susceptible d’advenir. » (1999 : 250-251)

Histoire des possibles

« Il s’agit en réalité d’envisager avec la postmodernité une autre temporalité, c’est-à-dire un autre rapport au temps de l’histoire, tel qu’en avait inventé un la modernité. » (1999 : 252)

Critique de la déf d’un Lyotard p.253

Il choisit la voie suivante : « Si l’on veut donner à la postmodernité quelque apparence de réalité, on est […] obligé d’en accréditer arbitrairement la désignation à l’observation de quelque changement survenu dans une réalité déjà éprouvée selon un autre point de vue » (1999 : 253) Cela afin de montrer « quelles sont les possibilités ouvertes aux idéalités historiques » (1999 : 254) [pas sûre de comprendre pour l’instant…]

Postmodernité et métalogique

Il rappelle que la logique occidentale, dans son fondement essentiel, est fondée sur le binarisme et le positivisme mais que « nous en sommes peut-être venu à ce stade de nos connaissances où le binarisme logique est en train de ne plus suffire à son rôle génératif. » (1999 : 255) La littérature aurait besoin de trouver une autre fonction que celle qu’elle a eu dans la modernité – elle n’explique plus un monde « stable » : « Cette nouvelle fonction n’aura pas comme premier effet de bouleverser ni l’esthétique ni les thématiques de la littérature, mais, bien plus sûrement, elle aura pour nécessité de modifier complètement le rapport de la littérature à tous ses agents, que ce soient les producteurs (ceux-là que la modernité a appelés les “écrivains”), les produits ou les lecteurs. » (1999 : 256)

En conséquence, la définition qu’il propose de la postmodernité : « [À] mon sens la postmodernité pourrait être le temps venu du binarisme prélogique, cette temporalité, qui donnerait à la littérature un visage différent de celui que la modernité nous a habitué à voir. » (1999 : 256)

Selon lui, pour bien considérer les œuvres postmodernes, il faudrait pouvoir en conduire une critique elle-même postmoderne (257) – Mais il faudrait qu’une nouvelle appréhension du monde émerge pour qu’on en prenne la mesure (257-258).

Pour une esthétique postmoderne

Pour conclure l’article, il cherche quelques indices du postmoderne (qui me semblent assez justes) :

1. Le Roland Barthes par Roland Barthes constituerait un jalon important : « La postmodernité, selon moi, se manifeste d’abord par cette résistance du sujet, un sujet menacé, de façon accrue ces derniers temps, par l’envahissement des structures modernes dans la vie anthropologique et intime des individus. » (1999 :259)

2. Le concept de Bathmologue inventé par Renaud Camus : l’idée d’un « je n’y suis pas ». Principe et esthétique de dénégation.

3. Esthétique du détournement (qui est autotélique)

4. Les formes de la neutralité

5. Déplacement de l’accent de recherche sur le méta

6. L’idée de « Tout a été dit mais pas comme je le voulais »

7. « Temps de désapprendre : non de retourner à l’ignorance, mais de faire retour sur l’apprentissage lui-même, de se positionner enfin dans une sensibilité consciente afin de s’assurer de ce qui tient – de ce à quoi on tient et qu’on retient – parmi toutes les règles morales et culturelles. » (1999 : 261) Le postmoderne serait essentiellement « pas contre », ce qui serait un état angoissé, mais certainement soucieux de son rapport au monde.

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