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diffraction:narrations_d_un_nouveau_siecle._romans_et_recits_francais_2001-2010

BLANCKEMAN, Bruno et Barbara HAVERCROFT (dir.), Narrations d'un nouveau siècle. Romans et récits français (2001-2010), Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2013.

Présentation

En août 2011 s’est tenue à Cerisy-la-Salle une décade « Narrations d’un nouveau siècle : romans et récits français, 2001-2010 » dont ce livre constitue les actes. À quoi ressemble une littérature qui accorde la part belle au roman mais sans exclusive générique, dans la concurrence de récits empruntant à tous les genres et de multiples arts ? Une littérature française parce qu’écrite en langue française, mais travaillée de l’intérieur et renvoyée à sa propre étrangeté par les évolutions de cette langue et les porosités multiculturelles que suscitent aujourd’hui des échanges mondialisés ?

L’ouvrage rassemble les points de vue d’universitaires européens, canadiens et américains. Il se veut un observatoire critique des évolutions en cours de la littérature et un laboratoire théorique ouvert à différentes approches permettant d’en mesurer les enjeux en temps réel.


Table des matières


Bruno Blanckeman et Barbara Havercroft, Préface: "Narrations d'un nouveau siècle. Romans et récits français (2001-2010)", p. 7-13

“À quoi ressemble, comment évolue, quels renouvellements et quelles résistances caractérisent une littérature narrative qui accorde la part belle au roman sans exclusive générique, dans la libre et déloyale concurrence de récits atypiques empruntant à tous les genres, sinon à de multiples arts? Ces télescopages renvoient aux dynamiques d'une littérature qui mue - une littérature française parce qu'écrite en langue française mais travaillée de l’intérieur et renvoyée à sa propre étrangeté, à ses propres frontières, par les évolutions mêmes de cette langue et les porosités multiculturelles que suscitent aujourd’hui des échanges mondialisés.” (7)


Anne Roche, Pour un panorama critique de la première décennie du XXIe siècle: "Lignes occupées", p. 17-28

Grâce à ce panorama, Anne Roche veut déterminer si ce fameux “nouveau siècle” est vraiment “nouveau”: “Nous sommes sans doute en train de sortir de la littérature autotélique, mais ce qu'on nous propose pour en sortir ressemble parfois à de la régression.” (17) En plus d'examiner une potentielle redéfinition ou redistribution des genres littéraires par le biais du rapport au réel (référentiel/historique et autobiographique/biographique) et du rapport aux récits antérieurs, Rohe propose la notion de “novation-impasse”, “pour désigner des expériences d'écriture-limite, qui incontestablement rompent avec ce qui a précédé, mais qui (peut-être) n'ouvrent de voie que pour leur auteur.” (17)

Rapport au réel (référentiel, historique)

Les écrivains contemporains n'ont pas une grande distance avec l'événement - une ou deux générations, tout au plus - et sont ainsi davantage impliqués dans l'événement. L'écart qui séparait auparavant le passé du présent est fréquemment absent ou du moins problématisé, comme c'est le cas dans HHhH de Laurent Binet et dans plusieurs livres de Jean Rouaud. De tels romans “touchent […] à une souffrance historique, plus ou moins proche, avec des procédures formelles qui jouent entre l'empathie et la mise à distance. Cet écart relatif au réel, ou plutôt ce rapport problématique au réel, est peut-être un des traits distinctifs de la narration d'aujourd'hui.” (21)
Roche oppose aussi les romans aux sujets plus consensuels (Claudel, Binet, Haenel, Rouaud) aux romans terroristes, qui apportent un éclairage critique sur le discours de l'idéologie dominante.

En somme, selon elle, un rapport immédiat à l'histoire n'apparaît plus guère comme jouable, un constat qui contredit certaines parties de son analyse…

Rapport au réel (biographique, autobiographique)

« Le terme d'autofiction étant maintenant à ses yeux fossilisé par la critique, Philippe Forest suggère de préférer le terme, emprunté à l'allemand et au japonais, de “Roman-du-Je”. “Le roman du Je n'a d'autre horizon que la dissolution inquiète de toute perception assurée de soi-même”, et il propose d'appeler “hétérographie” “une écriture du Je par laquelle le sujet “revient ” en raison d'une “expérience” du “réel” comme “impossible” » (Philippe Forest, Le roman, le réel et autres essais, Paris, Cécile Defaut, 2007, p. 132 et 138).

Trois façons de problématiser l'écriture du Je.
a) Le fantastique: Dans Dans ma maison sous terre de Chloé Delaume (2009), le fantastique apparaît comme le classique “masque des rapports sociaux” ainsi que comme une technique de défense mentale dans la jungle de la modernité.

b) Le jeu formel: Suite à l'hôtel Crystal d'Olivier Rolin (2004) (voir fiche) est un projet “topautobiographique”, une “articulation entre un “état des lieux” et “un récit autobiographique éclaté et lacunaire”. Aussi: La dissolution de Jacques Roubaud (2008).

c) La transformation générique: L'amour comme on apprend à l'école hôtelière de Jacques Jouet prend d'abord les airs d'un grand roman réaliste historique, avant de se transformer progressivement puis radicalement en quelque chose de plus spécial (c'est pas clair). Enfin, le roman est par la suite agrémenté de petites insertions pseudo-autobiographiques.

Roche suggère d'ailleurs que le fait de brutalement changer les règles du jeu en cours de partie pourrait valoir pour d'autres oeuvres contemporaines, “ce qui donnerait un nouveau sens à la “potentialité” souhaitée par l'auteur, face à l'irrémédiable de la vie”. (24)

Rapport aux récits antérieurs

Roche reprend d'abord quelques remarques d'Éric Chevillard (“Des crabes, des anges et des monstres”, entretien avec Mathieu Larnaudie, in Devenirs du roman, éditions Inculte/Naïve, 2007, p. 96):

  • “Je reproche depuis longtemps au roman de s'inscrire dans l'espace idéal du songe en se conformant pourtant au principe de réalité, alors que nous tenons [avec la littérature] l'occasion de formuler des hypothèses divergentes, de faire des expériences, d'éprouver de nouvelles façons d'être”.
  • Ce que le rêve ne peut pas, parce qu'il récupère et recycle, le roman le peut car il met en oeuvre dès les premiers mots les conditions de sa fin.
  • Il s'agit de transformer précisément l'usage de la langue, dans la mesure où celle-ci “structure notre rapport au monde et le fige. Il faut donc, d'une certaine manière, parvenir à la retourner comme on retourne l'agent d'une puissance ennemie et la faire servir des fins en partie contraires à celles pour lesquelles elle fut forgée”.

Parmi ces retournements qu'évoque Chevillard, Roche en évoque deux possibles:
a) Détournement systématique des genres narratifs (roman d'aventures, conte, roman policier, critique littéraire, etc.)

b) Personnages qui refusent le principe de réalité en contestant notamment l'irréversibilité du temps”, “l'autorité paternelle”, “la gravitation universelle”, etc.

Plutôt que d'être un refuge, la littérature devrait être, plus radicalement, un “contre-monde”, “qui intègre certes la réflexivité du texte, mais ne s'y borne pas.” (25) (Voir entre autres La réfutation majeure de Pierre Senges.)

Enfin, manœuvre inusitée, Roche annonce que tout compte fait elle ne parlera pas ne sa notion de “novation-impasse”, qui pourtant me semblait prometteuse.

diffraction/narrations_d_un_nouveau_siecle._romans_et_recits_francais_2001-2010.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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