1. Degré d’intérêt général
Très intéressant pour le projet Diffraction, et, probablement, quoique dans une moindre mesure, pour le projet Enquête. Le projet de l'auteur reprend le motif classique du manuscrit retrouvé, mais modernisé; l'insertion, en notes de bas de page, de (pseudo) réflexions critiques sur le texte donne une dimension métatextuelle très intéressante.
2. Informations paratextuelles
2.1 Auteur : Olivier Rolin
2.2 Titre : Suite à l'hôtel Crystal
2.3 Lieu d’édition : Paris
2.4 Édition : Seuil
2.5 Collection : –
2.6 (Année [copyright]) : (2004)
2.7 Nombre de pages : 236 pages.
2.8 Varia : Le roman comporte une table des matières qui répertorie tous les fragments, ainsi qu'un index des noms mentionnés dans les divers niveaux de texte (fragments de « récit », préface, notes de bas page, etc.).
3. Résumé du roman
Le roman est en fait une recueil de fragments épars; selon l'avertissement (fictionnel) qui figure au début du livre, une proche relation de l'auteur disparu aurait retrouvé, par le plus pur des hasards, une valise contenant des descriptions de chambres d'hôtels rédigées sur divers supports (cartes postales, pages arrachées à des carnets ou à des romans, feuilles dactylographiées, etc.). Ces fragments, remis dans un ordre approximatif par l'Éditeur, semblent rendre compte, de manière elliptique, de la vie mouvementée de Rolin : si l'on en croit les écrits, il aurait été mêlé à un vaste réseau de contrebande d'armes et d'espionnage. Seuls quelques épisodes permettent d'ordonner les fragments retrouvés : la compagne de Rolin, Mélanie Melbourne aurait été kidnappée à de multiples reprises (par qui? pourquoi?), puis retrouvée, quelques personnages de malfrats réapparaissent, soit pour conclure des ventes d'armes avec des princes du Moyen-Orient, soit pour assassiner d'autres mafrats… Bien que l'on puisse imaginer un récit riche en rebondissements, c'est la description des chambres d'hôtels qui prennent le plus de place dans le roman. Chaque chambre est identifiée (numéro de la chambre, adresse, etc.), puis minutieusement décrite, ainsi que la vue que l'on a par la fenêtre; c'est le plus souvent cette description du panorama qui suscite la digression de l'auteur vers les aventures qu'il a vécu dans la ville. Seule la chambre 211 de l'hôtel Crystal à Nancy se dérobe à la mémoire de l'auteur, mais l'on suppose que c'est là que s'est joué le dénouement de son extravagante histoire…
4. Singularité formelle
Le recueil (c'est ainsi que le livre est désigné dans l'avertissement) est composé de 43 fragments numérotés et identifiés par l'adresse de la chambre qui y est décrite. L'index et la table des matières en fin de volume, ainsi que les notes en bas de page créent l'illusion d'une édition critique.
Dans l'avertissement qui présente les questionnements et conslusions de l'éditeur sur le texte, on parle de notices « topautobiographiques » par qualifier le projet de Rolin.
5. Caractéristiques du récit et de la narration
La majeure partie du texte est composée de descriptions systématiques des chambres d'hôtels visitées par l'auteur. Vers la fin du livre, on découvre que le projet de Rolin (le personnage) était d'écrire la suite de Lieux où j'ai dormi, de Georges Perec. Ainsi, le récit en tant que tel constitue une digression au projet initial. Une note très intéressante fait part d'une étude (bien entendue fictive) de l'hybridité générique qui a peu à peu affecté le projet de Rolin en cours d'écriture (p. 201): « Avec les textes de cette Suite… (qui n'avaient pas encore été rassemblés par nous sous ce titre), on serait, selon [Anne Laurenceau]en présence d'un unique cas de transformation d'un guide touristique en mémoires puis, de là, en antimémoires et, enfin, en roman ».
6. Narrativité (Typologie de Ryan)
6.1- Simple : une seul narrateur, mais plusieurs récits qui, en fait, n'en forment qu'un.
7. Rapport avec la fiction
La véracité du récit de Rolin est sans cesse remise en question (voir p. 209 et 217), autant dans le corps du texte que dans les notes qui mentionnent souvent les travaux (fictifs) de chercheurs sur ce texte. Tout le livre est construit pour faire croire à un scrupuleux travail d'édition et l'illusion est somme toute réussie. Je dois avouer que je ne me suis pas prêté à l'exercice de vérifier toutes les références, mais la plupart d'entre elles sont clairement inventées de toutes pièces (par exemple celle qui fait mention de la Revue de littérature extravagante et de la Société d'encouragement à la littérature loufoque, p. 186).
8. Intertextualité
Plusieurs titres sont mentionnés dans le roman : en effet, des notes de l'éditeur indiquent sur quel support ont été rédigés les fragments. Plusieurs ont été inscrits sur des pages arrachées à des romans, ou sur des pages de garde de livres. On peut facilement retrouver ces allusions grâce à l'index en fin de volume. Un parallèle est souvent établi entre le texte de « support » et le fragment. Parmi les plus manifestes, l'allusion à Dondog, de Volodine, qui aurait servi de support au fragment 8 (p. 45) dans lequel le narrateur semble avoir de sérieux problèmes de mémoire, et l'allusion à Through the Looking-glass de Lewis Carroll, support du fragment 36 (p. 189), dans lequel le narrateur se retrouve dans une chambre dont les fenêtres donnent sur des paysages totalement invraisemblables.
9. Élément marquant à retenir
La mise en scène derrière le roman et le faux travail éditorial, fort réussi; le fait que le récit en tant que tel semble être une digression, le véritable objet du recueil étant la description méticuleuse des chambres.