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Critique cinématographique amateure sur les réseaux sociaux
Définition
La critique cinématographique est un genre littéraire dont l'objet est de faire l'analyse, et parfois par extension, l'appréciation, souvent au moyen d'un système de cotation (tel que la note de 1 à 10, les fameuses cinq étoiles, ou le tomatometer), des films.
On peut distinguer deux types d'univers critiques : professionnel et amateur. On parle d'une critique cinématographique amateure lorsque son auteur ne touche aucune rémunération, ni n'est un critique journaliste ou un spécialiste du cinéma, ou encore lorsque son lieu de publication n'est ni la presse d'actualité, ni une revue culturelle ou scientifique. En outre, la critique professionnelle, qu'on serait aussi tenté de qualifier d' «académique», a souvent recours à la théorie du cinéma et son langage, en plus d'être rédigée dans un format standardisé 1). Stéréotypiquement, on dira que la critique amateure est souvent davantage «appréciative» et donc subjective, tandis que la critique académique, voire scientifique, est plus «analytique» et objective, et ce n'est pas faux dans l'ensemble. Toutefois, des jonctions demeurent possibles entre les deux univers critiques; généralement, les critiques d' «amateurs» à propos de films de niche s'avèrent aussi qualifiées, savantes et objectives que celles des professionnels 2). À l'inverse, certaines critiques «professionnelles» au sujet de films grands publics ne cachent pas leur subjectivité3). On évitera donc dans cet article d'utiliser les associations trop simples que sont les catégories de «critique savante et objective» et «critique populaire et subjective», sans pourtant nier le schisme des modalités de publications, qui lui sépare bien la critique ordinaire ou amateure de la critique professionnelle.
Contextualisation
Si la prolifération de critique cinématographique amateure est un enjeu du monde moderne, c'est sans doute à cause de la naissance du support numérique internet. La presse écrite, premier support de la critique cinématographqiue, et les autres médias qui ont ensuite contribué à l'essor de la critique professionnelle (ex.: radio, télévision), ne permettaient pas aux amateurs de partager leurs avis sur les derniers films dans la même mesure qu'il est possible de le faire aujourd'hui, ni ne les encourageaient à le faire. Avant la démocratisation de la critique enclanchée par le développement des médias sociaux, toute la critique cinématographique accessible au public était plus ou moins « professionelle ». Plusieurs plateformes numériques existent désormais dans le but exclusif d'offrir la possibilité à monsieur-madame-tout-le-monde qui s'en soit rendu membre à soumettre en ligne son avis personnel sur les films qu'il ou elle a visionné, sans oublier qu'une vaste quantité de médias sociaux qui ne sont pas dédiés à la critique le permettent déjà. Un des intérêts de telles plateformes et ce qui les place en opposition avec la support traditionnel de la critique est qu'elles produisent à propos de chaque film le quotient impartial des opinions d'une foule d'amateurs de partout dans le monde plutôt qu'une seule analyse d'un critique local 4).
Certaines plateformes n'autorisent aux membres amateurs que la possibilité de coter (ex.: Metacritic), alors que d'autres, comme Letterboxd et Senscritique5), permettent à tous leurs utilisateurs de soumettre de courts textes, ce qui en fait des plateformes hybrides entre les médias sociaux de publications (ex.: Facebook, X) et celles évoquées précédemment qui opèrent strictement sous le mode du sondage d'opinion. Dans ces cas, la possibilité de partager son opinion avec des gens intéressés est offerte à chacun, ce qui créé des lieux de libre expression du goût. De plus, la plateforme propose à ses utilisateurs de pouvoir enregistrer tous les films qu'ils ont déjà vus, ce qui leur permet de suivre leur propre visionnement filmique, mais d'aussi pouvoir le partager et converser avec les autres utilisateurs. C'est l'envie d'un accès à de tels lieux qui a encouragé Matthew Buchanan et Karl von Randow à créer la plateforme Letterboxd, véritable phénomène émergent qui comptait 10 millions d'inscrits en septembre 2023 : «Nous voulions offrir quelque chose qui réunirait un peu de Twitter, un peu de Tumblr et un soupçon d’IMDb et créer ainsi un espace où les gens se sentiraient à l’aise de parler de leur expérience des films»6).
Influence de la critique sur le marché du cinéma
Grâce à l'émergence des réseaux sociaux, les critiques de films ont pris une nouvelle direction. Les sites web tels que Rotten Tomatoes offrent au public la possibilité de critiquer des films qu'il a vu lui-même, mais aussi de lire d'autres critiques amateures et professionelles, et ainsi de se laisser influencer par les opinions d'autres cinéphiles. Ceux-ci ont un rôle à jouer dans le succès des films, car on observe une corrélation entre les critiques positives et l'intérêt des gens à regarder un film. Ces espaces dédiés aux critiques permettent aux gens de faire des choix plus éclairés lorsqu'il s'agit de choisir un film à regarder. Par exemple, les critiques amateures publiées sur Yahoo ! Movies ont été associées à une augmentation significative des recettes des films7). Les critiques amateures ont donc une influence importante sur les gens et sur le succès d'un film, en particulier lors de sa sortie.
Évolution des technologies de visionnement
La prolifération des critiques amateurs a été largement accélérée par la démocratisation des moyens de visionnement des films, ainsi que par la baisse des coûts associés. Depuis les années 1990, l'accessibilité accrue et le caractère abordable des technologies de visionnage telles que la VHS (et plus tard: le DVD, le Blu-Ray et aujourd'hui le streaming) ont permis à plus de gens d'accéder à plus de films anciens et récents, et de se forger une opinion à leur sujet sans se déplacer au cinéma. Avant cette démocratisation, il était plus difficile d'étudier le contenu des films, ne serait-ce que parce qu'au cinéma, il est impossible de mettre sur pause8) ! Tous les cinéphiles ont pu commencé à explorer le monde de l'analyse et de la critique cinématographique de manière plus sérieuse, et avec la démocratisation de l'internet, des blogs et des sites spécialisés sont apparus pour permettre à ces critiques amateurs de partager leurs opinions.
Références critiques
- BATTAGLIA, James (2010), « Everyone’s a Critic: Film Criticism Through History and Into the Digital Age », Thèse du programme honorifique, Brockport, State university of New York college at Brockport, 48 p. Consulté le 15 mars 2024. URL: https://soar.suny.edu/bitstream/handle/20.500.12648/6777/honors/32/fulltext%20%281%29.pdf?sequence=1
- BEAUDOIN, Valérie et PASQUIER, Dominique (2016), « Les formes de l'exercice critique », RESET [En ligne], 5 | 2016, 24 p. Consulté le 15 mars 2024 URL : https://doi.org/10.4000/reset.684
- BOURGATTE, Michaël (2017), « Pour une analyse informatisée de la critique de cinéma. Ce que dit la critique de la structure du champ cinématographique », Questions de communication, 31 | 2017, mis en ligne le 01 septembre 2019, p. 315-329. Consulté le 15 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/11167
- CROISSANT, Valérie (2018), « La recommandation culturelle des amateurs sur le Web : Senscritique ou la fabrique des prescripteurs », Villeurbanne, Presses de l’enssib, 12 p. Consulté le 15 mars 2024. URL: https://books.openedition.org/pressesenssib/9433?lang=fr
- FREY, Mattias (2015), The permanent crisis of film criticism, Amsterdam University Press (coll. “Film theory in media history, Amsterdam, 196 p. Consulté le 15 mars 2024. URL: https://library.oapen.org/bitstream/id/01c8d1f8-e0c4-4fce-82f7-e8975dc7c5c7/576930.pdf
Notions corollaires
— Équipe 14, Enzo Turbide, Cédric Saint-Jean et Léane Paré 2024/03/15 22:13