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I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE

Auteur : Marie NDiaye

Titre : Rosie Carpe

Éditeur : Minuit

Collection : Double

Année : 2009

Éditions ultérieures : 2001

Désignation générique : roman

Quatrième de couverture : Le septième roman de Marie NDiaye ne commence pas par le début, non, les premières pages racontent l'arrivée de Rosie Carpe à la Guadeloupe où elle vient rejoindre son frère Lazare qui ne l'attend pas, elle est enceinte, enceinte de personne, sans le sous, malheureuse et lavée d'avoie laissé le malheur passé sur la rive ancienne de l'Atlantique. C'est déjà le commencement de la fin. Lazare n'est pas là, il est ailleurs, dans de mauvais coups, défait, il a envoyé Lagrand les chercher à l'aéroport. Lagrand est peut-être le premier personnage noir de Marie NDiaye, tous livres confondus. Il est également le seul personnage clair de ce livre, le seul innocent, donc le seul impardonnable. L'histoire commence plus tard, vers la page 50, à Brive-La-Gaillarde, une ville jaune avec un magnolia inoubliable dans la cour, le seul souvenir commun de Rosie et Lazare Carpe. Là-bas, ils avaient des parents et un avenir. Les parents et l'avenir ont fini par se désintéresser d'eux. Les études aussi les ont abandonnés. Livrés à eux-mêmes par des parents confiants, «cette confiance blessante avait façonné le mépris et le ressentiment de Lazare (…). Rosie elle-même sentait bien qu'on ne pouvait laisser une telle confiance impunie», page 55. Banlieue de Paris, jours gris, Rose-Marie s'appelle déjà Rosie comme le titre du livre, déjà plus Rose-Marie comme sa future demie-soeur qu'on ne connaîtra qu'à peine. Rosie doit faire face à ces deux prénoms, et ce nom d'os, Carpe, ce nom de poisson fade, s'égarer entre eux comme si elle n'existait pas, éparpillée, incertaine. Elle travaille dans un hôtel, s'y fait engrosser, endure, espère et désespère, boit. Part. Arrive. Rosie vit à côté de son nom.

En Guadeloupe, la vie empire, on laisse mourir, on tue, on s'accouple et on se désaccouple au partage des générations, on salit, on se salit, on a peur, on a peur de sa peur, on transgresse d'aveugles et invisibles tabous. On respire trop fort ou trop faible, on transpire. Le livre ne tient pas dans ses rebondissements, même s'il y tient. Le livre existe parce que Marie NDiaye l'a écrit, parce qu'elle y réussit à l'extrême ce qu'elle conduit depuis toujours: écrire dangereusement, écrire au comble de la modestie et de l'exigence, écrire au risque de soi-même. Le septième roman de Marie NDiaye ne finit pas avec sa fin, il dure longtemps après qu'on l'a refermé.

Jean-Baptiste Harang, Libération

Marie NDiaye est née à Pithiviers en 1967. Rosie Carpe a obtenu le prix Femina en 2001. Sa pièce de théâtre, Papa doit manger, est entrée au répertoire de la Comédie-Française en 2003.

II- CONTENU GÉNÉRAL

Résumé de l’œuvre : Rosie Carpe se rend en Guadeloupe, accompagné de son fils Étienne - Titi -, pour y rencontrer son frère Lazare, plus fortuné qu'elle.

Thème(s) : grossesse, famille

III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION

Explication (intuitive mais argumentée) du choix :

Appréciation globale : Un livre «à la Marie NDiaye» qui ne détonne pas de ses autres romans. Il se lit bien, est bien écrit, mais elle ne sort pas de ses modèles habituels (personnage misérable, difficulté à communiquer avec les autres, impression de lourdeur constante, etc.)

IV – TYPE DE RUPTURE

Validation du cas au point de vue de la rupture

a) actionnelle : remise en question de l’intention (et éventuellement de la motivation); logiques cognitives/rationnelles ou sensibles; présence ou absence d’un nœud d’intrigue et d’une résolution; difficulté/incapacité à s’imaginer transformer le monde (à s’imaginer le monde transformable), etc.

Personnage qui, comme dans la plupart des récits de Marie NDiaye, n'est pas en total contrôle de son corps (envie de vomir, grossesse non-désirée, sueurs, suffocations, etc.)

Personnage qui vit au crochet de l'État (17).

Elle raconte qu'il lui est impossible de se libérer de son statut social médiocre : «Elle sentait aussi, d'une manière plus floue, à quel point il leur était difficile, arrivant du pourtour de Brive et sortant du ventre des Carpe, d'espérer acquérir le langage et le mode de pensée de la bourgeoisie moyenne d'où venaient la plupart de leurs condisciples. Ils étaient si peu de chose, pensait Rosie, Lazare et elle, sur l'échelle des positions sociales […].» (64)

“Rosie et Titi, lui semblait-il, n'étaient tout simplement pas là, sans que leur absence fût même signalée par deux ombres ou deux silhouettes fantomatiques, et Rosie pensait savoir maintenant que leurs rôles n'avaient été prévus par personne, qu'ils ne pouvaient, elle et Titi, qu'entrer en force dans le cours d'existence qui coulait sans eux et sans nul besoin d'eux.” (33)

Elle entretient une relation amoureuse avec son supérieur alors qu'elle travaille à l'hôtel. Toutefois, il semble que ce soit lui qui ait décidé qu'ils seraient amants et qu'elle a tout simplement décidé de ne pas le contredire. Il n'est pas mentionné qu'elle éprouve des sentiments pour lui.

  • «Elle savait que personne ne l'obligeait à accepter cela. […] il serait trop tard pour les repousser, qu'elle n'avait pas de voix pour le faire, pas de mots pour dier qu'elle ne les voulait plus chez elle, en elle, et qu'elle finirait par succomber d'avoir la peau si complètement froide. […] Et Rosie tâchait d'exécuter ce qu'on attendait d'elle, ne sachant pas comment il était possible qu'elle fût incapable de le refuser» (86-87 et 89)

«Il connaît Rosie, il sait qu'on peut se payer sur Rosie et faire payer Rosie indéfiniment.» (90) –> Elle sait qu'on abuse d'elle, elle sait qu'elle devrait faire quelque chose, mais elle ne fait rien.

Sa première grossesse : «Elle était enceinte parce que Max […]. Elle était enceinte parce que Max […] et parce qu'il avait voulu […]. Voilà pourquoi elle, Rosie, qui n'avait jamais voulu prouver quoi que ce fût à quiconque, voilà pourquoi elle était maintenant enceinte, à cause de Max et de cette femme qui s'étaient payés sur elle.» (93) Sa seconde grossesse : elle ne l'a pas voulue, elle ignore ce qui l'a rendue enceinte.

Lorsqu'elle déménage et change de poste à l'hôtel, c'est Max qui en décide ainsi, pas elle. Au départ elle est réticente, puis elle accepte, le remerciant même. En quelques lignes, elle passe de «non» à «oui» à «merci merci merci». (99)

b) interprétative : difficulté/incapacité à donner sens au monde (à une partie du monde) de façon cohérente et/ou conforme à certaines normes interprétatives; énigmaticité et/ou illisibilité du monde; caducité ou excentricité interprétative; etc.

Elle est enceinte, mais ignore “ce qui [l']a rendue enceinte” (21).

“Qu'il est humiliant de ne rien savoir, de quémander, bribe par bribe, ce qu'on devrait pourtant connaître.” (32)

V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES Validation du cas au point de vue narratif/poétique (voix, fiabilité du narrateur, registres fictionnels, temporels, type de configuration narrative, etc.)

ranx/rosie_carpe.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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