L’Obsessif s’est trouvé une passion qui s’est rapidement construite comme un trait essentiel de sa personnalité et le principal motif de ses actes. L’objet de cette obsession est varié : le personnage s’attache à une personne, à un sujet ou encore à un projet irréalisable. Il a tendance à s’isoler pour mieux vivre cette obsession; elle le déconnecte du monde qu’il habite. La plupart du temps, ce personnage ne se rend pas compte du sérieux de sa situation. Il se laisse guider par son obsession sans se soucier des conséquences ou de la façon dont son entourage le percevra. Dans certains cas – on peut notamment penser à Pim de Comme une bête ou à madame Pervanche de Le vent dans la bouche – le personnage pourra être qualifié d’obsessif fusionnel. L’obsession vient alors parasiter l’identité et la prise de parole du personnage jusqu’à effacer la frontière entre l’obsédé et l’objet de son obsession.
Certainement pas – Chloé Delaume
Écrivain manqué, Mathias Roualt ne vit que pour la littérature. Le manque de reconnaissance de son milieu l’obsède au point où il sombre dans la déchéance et la folie. Cela devient obsédant à tel point qu’il a l’impression de n’être rien. Il a une « obsession déliquescente de n’être rien partout et quelqu’un quelque part. » (p.151)
Homme d’affaires renfermé, Marc est obsédé par les jouets qu’il achète afin de contrer l’ennui et de fuir la réalité : « Au gré des évènements, Marc réécrit l'histoire qui se déroule à renfort de paillettes et de billets exquis, il sait accroître fiction et conforter le jouet coupé de tout contact hors de la salle de jeu. » (p.346)
Le vent dans la bouche – Violaine Schwartz
Mme Pervenche est la présidente d’une association militant pour le déplacement de la tombe de Fréhel au cimetière de Montmartre. Elle ne vit que pour ce projet, oubliant même d’entretenir de véritables relations. N’existant que par procuration à travers Fréhel, Mme Pervenche fait preuve d’un fanatisme tel qu’elle en arrive à se confondre avec la défunte chanteuse. Parfois, la frontière entre l'obsédée et l'objet de son obsession est si mince que la narratrice parle à la première personne du singulier lorsqu'il s'agit de la chanteuse.
Tarmac – Nicolas Dickner
Ann Randall est obnubilée par l’apocalypse. Schizophrène et alcoolique, elle est perdue dans ses visions sur la fin du monde. Ces multiples scénarios provoquent chez elle une peur obsessive de l’anéantissement; elle décèdera peu avant le 17 juillet 2001, date prévue de la fin du monde.
Hope Randall, la fille de cette dernière, est elle aussi obsédée par le fait de trouver la date à laquelle surviendra l’apocalypse. Cette obsession pour la fin du monde guide chacune de ses actions et la mènera même jusqu’à Tokyo. Plutôt marginale, Hope est fascinée par la bombe nucléaire et par les personnages déchaussés, entre autres.
Au piano – Jean Echenoz
Max est obsédé par une femme, Rose, qu’il n’a pas vue depuis 30 ans. Pianiste alcoolique, il n’a d’autre véritable but que de retrouver cette mystérieuse femme. Tentant par tous les moyens de la revoir, il va jusqu'à suivre des inconnues qui lui ressemblent dans la rue. Max se fait assassiner et se réincarne en barman dans un hôtel de passes. Malgré tout, il n'oublie pas Rose. Il croit la reconnaître à plusieurs reprises, mais à cette dernière supposée rencontre, Béliard, son «superviseur de deuxième mort», apparaît et la ramène dans l’au-delà, geste cruel qui fait réaliser à Max qu’il est probablement en enfer.
Et au pire on se mariera – Sophie Bienvenu
Aicha est folle amoureuse de Baz, un jeune homme dans la vingtaine. Le problème, c’est qu’elle n’a que 13 ans, mais se perçoit déjà comme une femme. L’adolescente éprouve un amour obsessif pour Baz et est prête à tout afin de le garder pour elle, même à tuer sa nouvelle copine ou à se faire accuser de meurtre à sa place pour éviter qu’il aille en prison.
Le sermon des poissons – Patrice Lessard
Antoine veut immigrer à Lisbonne à tout prix. Déconnecté de la réalité et des conséquences de ses actes, il s’évertue à y trouver du travail dans le domaine du bâtiment - même s’il n’y connaît strictement rien. Même le retour de sa copine Clara à Montréal ne vient pas à bout de son entêtement et de son désir insensé de demeurer au Portugal.
Un soir au club – Christian Gailly
Simon Nardis est obsédé par le jazz. Sa passion incurable pour cette musique déconnecte l’ancien pianiste de ses obligations, qu’elles soient conjugales, morales, temporelles. Son obsession vient d’ailleurs de paire avec son addiction pour l’alcool et les femmes.
Comme une bête – Joy Sorman
À 16 ans, Pim développe une passion pour la viande qui se transforme rapidement en obsession. Dès lors, toutes ses actions seront guidées par son amour des animaux, qu’ils soient morts ou vivants : devenir apprenti-boucher, ouvrir sa propre boucherie, libérer des vaches. Même si son entourage ne remarque pas son trouble, Pim se retire peu à peu de la société, préférant la compagnie des animaux (et de leurs chairs !) : « Pim est un homme décentré, un homme qui ne joue pas le rôle principal de sa propre vie, qui n’occupe qu’une place secondaire dans cette existence qui est pourtant la sienne. La viande tient le premier rôle.» (p.32)
Le grand roman de Flemmar – Fabien Ménar
Flemmar souhaite accéder à la gloire. Professeur de littérature médiocre, il devient soudainement obsédé par l’écriture, mais surtout, par le succès. Laissant femme et enfants de côté, l’écrivain manqué s’enfonce alors dans son obsession de gloire sans se douter des conséquences à venir.
Ce pas et le suivant – Perre Bergounioux
Au début du XXe siècle, un jeune homme est le paria de son village, invisible et inférieur à tous, idiot et affublé d'un « mufle crevé». Pauvre, il doit quitter l'école et trouver du travail. Un jour, il aperçoit la fille des propriétaires du domaine des Bordes qu'il nommera « fille-lumière ». À la vue d'un aussi beau visage, son obsession se précise: il veut réussir à s'enrichir à l'intérieur de vingt ans. Même si parvenir est une entreprise presque irréalisable, il ne dérogera jamais de son projet. La jeune fille se marie, la guerre éclate et elle meurt, laissant une petite fille derrière elle. Se consolant dans son obsession de s'enrichir, le narrateur, devenu borgne, s'acharne à travailler très fort. Après l'armistice, il revient à Cisternes et, malgré l'animosité des villageois, achète des terres avec l'imposante quantité d'argent amassée pendant la guerre. Il repique ces terres nettoyées avec des conifères qui lui assureront sa richesse. Un jour, il croise par hasard l'orpheline, la seconde « fille-lumière ». Il achète les Bordes, adopte la fillette et retrouve la paix jusqu'au mariage de celle-ci. Durant la Seconde guerre, elle se suicide. Le borgne prend alors en charge l'enfant qu'elle laisse. Le personnage tente de devenir digne de la « fille-lumière », objet de son désir qui se dérobe sans cesse, mais qui définit sa raison d'être, tout en donnant sens à son isolement.
Sam – François Blais
Un jeune homme trouve un extrait de journal intime dans le fond d’un bac de livre aux Artisans de la Paix et tombe follement amoureux de la jeune femme, Sam, qui en est l’auteure. Il recopie l’entièreté de son manuscrit et l’entrecoupe de toutes les démarches qu’il fait pour la retrouver : notamment une visite à Parent, à Saint-Sévère et à Limoilou à la recherche des lieux qu’elle a habités. Le livre se clôt sur la rencontre entre le narrateur et François Blais, qui s’avère être l’auteur de ce journal intime fictif et donc, la femme de la vie du narrateur. L'obsession du narrateur est d'abord sa quête de retrouver Sam, mais puisqu'il ne possède que son journal, il devient obsédé par les multiples obsessions (plusieurs listes de toutes sortes de choses) de Sam (mise en abîme des obsessions dans l'obsession). Le souci du détail du narrateur, pour tout ce qui a un quelconque rapport avec Sam, crée une fusion entre le narrateur (récit de sa quête) et le journal intime de Sam, puisque les deux textes s'entrecroisent.
Corps perdu - Laurent Chabin
Une femme dont l'âge est incertain, nommée Blanche, vit cloîtrée dans la chambre de la maison de ses parents âgés. Ceux-ci l'y ont enfermée à l'adolescence dans l'espoir de dissimuler sa grossesse au voisinage et, subséquemment, de réfréner ses pulsions sexuelles malsaines. Blanche est enfermée dans sa chambre pendant une bonne partie du roman et ses actions visent uniquement à satisfaire des besoins sensibles: nourriture, sexe, caresses, odeurs. Elle est, entre autres, obsédée par un tas, qui est en fait une accumulation de tout ce qui sort de son corps. (Fluides, foetus, etc.) Complètement nymphomane, son obsession réside aussi dans son attrait et son interprétation perverse du sexe. Son amant perdu est aussi une obsession en ce sens que les actes du personnage la ramènent vers le souvenir de ce dernier.
Des éclairs - Jean Echenoz
Basé sur la vie de l'inventeur Nicholas Tesla, le protagoniste du roman, Grégor, connaît une phase de succès grâce à ses inventions révolutionnaires, mais ensuite, à cause de son inadéquation sociale et son incapacité à gérer son argent, il s'appauvrit et ses inventions sont de moins en moins prises au sérieux. Son obsession réside dans cette frénésie inventive qui lui fait oublier, ou négliger tout le reste: «Cette activité de dénombrement lui prend d'autant plus de temps que, pas seulement mécaniques, elle envahit aussi la sphère des émotions : dans la foule infinie des chiffres qui occupent son esprit, chacun de ceux-ci inspire à Gregor un sentiment spécial, un goût particulier, une couleur bien à lui, rien n'égalant son affection majeur pour les nombres divisibles par trois, beau nombre, on le sait, qui marche à toute occasion. Tout ce qui se divise par trois, aux yeux de Gregor, c'est mieux. Rien n'est plus beau pour lui qu'un multiple de trois.» (p. 45-46) De telles obsessions, doublé du fait qu'il peine en situation sociale et interpersonnelle, rappellent le syndrome d'asperger. Il en vient aussi à être obsédé socialement par des pigeons, seuls êtres avec qui il entretient une relation vers la fin de sa vie, et à qui il rend visite à tous les jours. Il meurt seul et pauvre.