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Le Marginal revendiqué est le plus souvent un jeune qui se définit par une non-appartenance à son milieu. Ce personnage est généralement fier de ne pas être comme les autres, se distingue clairement de son entourage et est souvent cynique face aux idées admises. Le Marginal appartient à la contre-culture, n’a pas d’emploi stable et n’a que très peu d’habiletés sociales. Il évolue dans un univers sordide et est souvent traité de manière un peu absurde ou humoristique. Dans le corpus étudié, ce type de personnage ne se retrouve que chez les Québécois.

Des exemples notables :

Charlotte before Christ – Alexandre Soublière;

Issu d’une famille aisée, Sacha vit en réaction à ce milieu dont il profite pourtant toujours (ses parents le gâtent). Dans sa relation amoureuse avec Charlotte, il se perd dans la drogue et la déchéance, revendiquant une certaine lucidité face à la société, dans laquelle il ne souhaite pas s’intégrer.

Document 1 – François Blais ;

Tess et Jude ont le projet de partir en voyage, et cherchent une façon d’obtenir rapidement les fonds nécessaires à cette entreprise. Ils trouveront ces ressources chez un doctorant en littérature qui fait des avances au personnage de Tess. Le projet ne se concrétisera jamais. La marginalité des personnages réside dans le sabotage délibéré auquel ils s’adonnent. Dépensant leur argent, et celui des autres, à tort et à travers, ils n’ont que faire des qu’en dira-t-on. Leur sarcasme évident est aussi symptomatique de leur mauvaise foi envers les projets qui s’offrent à eux.

Gésu Retard – André Carpentier ;

Gésu exprime un je-m’en-foutisme évident. Affublé d’une érection permanente et un peu tête-en-l’air, il erre à vélo avec un casque et des lunettes d'aviateur de la Première Guerre mondiale. Il cherche, entre autres, à être différencié de son père. Sa marginalité passe aussi par son excentricité, vestimentaire et comportementale. C’est un moyen pour lui d’échapper à la société et à ses normes : « Ils ont dû me prendre pour ce que je suis, un de ces hippies d’autrefois qui ont cru à un monde meilleur et qu’ils méprisent tant, ou pour ce que je ne suis pas, un de ces artistes diplômés qui tournent autour de ce spectacle qui les dispense d’assumer eux-mêmes leur révolte, et ils m’ont renvoyé une seconde fois, comme on éconduit un grand frère agaçant. (112) ».

Trépanés – Patrick Brisebois ;

Morvan Trépanier a été trépané dans sa jeunesse après un accident de moto. De passage à Montréal, il tombe amoureux de la sœur de sa fiancée, qui a aussi été trépanée. Cette dernière l’entraine dans un faux parti nazi. Le personnage consomme volontairement beaucoup de drogue et d’alcool. Il ne sent aucune appartenance à son monde, se considérant comme un être de noirceur et de destruction.

Au pire on se mariera –Sophie Bienvenu ;

« Avant de rencontrer Baz, Aïcha était tout le temps enragée. Elle traînait son enfance brisée en essayant d’éviter sa mère, les vieux puants et les seringues usées du parc. Maintenant qu’elle est amoureuse, elle voit les balançoires dans les parcs de Centre-Sud. Voilà pourquoi, pour Baz, Aïcha ferait tout, même le pire. Tout, c’est ce qu’elle doit raconter à cette femme qui la regarde comme une page de faits divers. Mais suivre le récit d’Aïcha, c’est entrer dans un labyrinthe pour s’y perdre autant qu’elle. » (Quatrième de couverture) Aïcha se coupe du monde, l’adolescente ment et brouille constamment les pistes. Elle crée ainsi une distance entre elle et la société.

Le jour des corneilles – Jean-François Beauchemin ;

Le père (Courge) est physiquement coupé du monde. Il vit avec son fils en forêt, loin de toute civilisation. La marginalité découle de ce petit monde à part. Le personnage s’invente une spiritualité, voire une mythologie qui lui est propre. Un langage qui lui appartient et qu’il partage avec son fils est lui aussi facteur de marginalisation et de coupure face à la société et sa langue.

Tarmac – Nicolas Dickner.

Michel Bauermann choisit une amie en la personne de Hope et s’y colle, se coupant avec elle du reste de la société. Ils regardent la télé ou s’occupent la plupart du temps avec des activités passives et inutiles. Les deux adolescents sont volontairement reclus.

L'enchantée - Pierre Drachline

Le mortimiste et l’enchantée se rencontrent au cimetière et vont dans un café où l’enchantée s’endort sur la table. Elle passe ensuite la nuit chez lui. Au matin, lorsqu’il revient avec le petit-déjeuner, elle a saccagé son appartement. Parce que ce sont deux misanthropes marginaux, ils sentent une liaison très forte entre eux. Mais avant de le rencontrer, l’enchantée a passé quelques jours avec un vieil homme qu’elle surnomme L’ami. Ce dernier fut un séducteur et un joueur, lui aussi marginal et misanthrope. Une étrange relation s’instaure entre eux et ils partent en Normandie, jouent au Casino et éprouvent quelque chose comme de la tendresse et du divertissement lorsque l’autre est présent.Les personnages sont capables d’agir, mais ils savent que tout ce qu’ils font ne rime à rien, que l’existence humaine ne vaut pas la peine. Ils méprisent leurs contemporains et la société qu’ils habitent, donc refusent de s’y insérer. Le vieil homme se sent étranger à son corps malade et vieux. Mais à la dernière minute, il se suicide pour ne pas laisser la mort gagner. Ils sont tous les trois prisonniers d’eux-mêmes, de la vie, de toute cette absurde noirceur qui empoisonne leur existence. Ils démontrent également une inaptitude à vivre normalement et à agir socialement: « Tous deux étaient des personnes déplacées parmi leurs contemporains. Ils ne s’étaient pas reconnus. Ils s’étaient flairés. À l’instinct. » (p.71)

Nous autres ça compte pas - François Blais

Un couple misanthrope, composé de Arsène (un homme) et Mitia (une femme, la narratrice), décide de quitter la ville (quartier Saint-Roch, à Québec) pour aller se cloîtrer dans un chalet isolé en Mauricie (dans les environs de Saint-Paulin. Ils vivent tous les deux de l'aide sociale et n'ont pas de voiture. Ils rencontrent Jacinthe, une jeune emo de 14 ans qui reste près de chez eux, mais on se rend compte vers la fin du roman qu'il s'agit d'un personnage inventé. Ce récit est intradiégétique à l'écrivain qui l'écrit et qui subit la présence d'un vieil homme très critique. La marginalité volontaire de ces deux personnages découle de leur conscience d'être profondément médiocres, tant dans l'univers du récit que s'ils se comparent à la plupart des personnages romanesques canoniques. La narratrice affirme: « Mitia et moi, on est pas mal à côté de la track. Au début on n'était pas certains, on s'éloignait à petits pas, en faisant bien attention comme quand on marche sur une croûte de neige puis, quand on se rendait compte qu'on était assez loin, que plus loin c'était le point de non-retour, on revenait en courant. On s'éloignait mais on ne perdait jamais tout à fait la track de vue, puis un jour on s'est dit fuck et maintenant on est rendus si loin de la track qu'on n'entend même plus passer le train. » (19)

La nuit des morts-vivants - François Blais

À Grand-Mère, Pavel et Molie sont payés pour écrire leur quotidien, sans qu'ils ne sachent pourquoi. La vacuité de leurs existences de zombies modernes est traitée sur un ton dérisoire. Même s'ils sont allés à l'école secondaire ensemble, Pavel et Molie n'ont plus le moindre contact depuis cette époque, ce qui est étonnant étant donné leurs nombreux points communs. Cela constitue un des seuls ressorts de l'intrigue. Pavel vit et travaille la nuit, à l'entretien d'un centre commercial alors que Molie est essentiellement noctambule, mais n'a volontairement pas d'emploi. Pavel et Molie ne se rencontrent jamais, mais ils ont plusieurs interactions théoriques. L'absence d'ambition des personnages et leur désir de ne pas s'inscrire dans le monde est totalement assumée. Dans le cas de Pavel, on a peu d'informations à propos de l'origine de son comportement de marginal, mais on peut tout de même affirmer qu'il pourrait évoluer en société et qu'il est somme toute intelligent. Ne pas être un adulte responsable relève de sa propre décision. Quant à Molie, elle est totalement désabusée en ce qui concerne les autres. Par exemple, Raphaël lui dit : « je pensais que tu te donnais un genre que tu faisais ta sauvage pour te rendre intéressante mais depuis que je te connais un peu je vois bien que le monde te fait peur pour vrai et parfois ça te fait agir bizarrement comme à l'instant », ce à quoi elle répond: « non tu te trompes c'est pas de la peur c'est autre chose c'est disons de l'ennui le monde m'emmerde et ça ne fait pas de moi un cas spécial toi aussi le monde t'emmerde j'en suis persuadée mais toi tu es un porc-épic frileux et moi un porc-épic pas frileux et c'est la seule différence entre nous. » (p.155-156)

Révolution - Grégoire Courtois

Même si le roman est l'oeuvre d'un auteur français, il a été publié par une maison québécoise, le Quartanier. Un groupe d'amis, qualifié par l'auteur comme étant “ce groupe d'individus que nous connaissons tous, cette jeune bourgeoisie contemporaine, branchée et bavarde, qui ne trouve pas incongru de dénoncer l'oppression capitaliste tout en courant les boutiques, à la recherche du dernier vêtement à la mode”, décide de faire la révolution. Le groupe a des intentions floues qui, au bout de la ligne, un peu comme un horoscope, ne veulent pas dire grand chose : “trouver des solutions pratiques au mal-être qui le rongeait” (p.7), “Il faut changer tout ça, prendre en main notre destin” (p.7-8) Ils restent longtemps dans la seule idée de faire la révolution et ne pensent pas à comment, ne pensent qu'à l'action sans penser à la réalisation : “ “Pourquoi”, “comment” et “à quel prix” étaient des questions secondaires, car pour l'instant ne demeurait que la soif de voir l'injustice annihilée et le système s'écrouler” (p.37). Ainsi, ils sont motivés par un fort désir, bien que plus ou moins légitime, de se désinscrire de la société de laquelle ils font partie.

ranx/marginaux_assumes.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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