Wiki – Laboratoire Ex situ / René Audet

Auteur : Olivia Tapiero

Titre : Les murs

Éditeur : VLB

Collection :

Année : 2009

Éditions ultérieures :

Désignation générique : Roman

Cote : 3

« Née en 1990 à Montréal où elle étudie la littérature, Olivia Tapiero a remporté le prix Robert-Cliche du premier roman avec Les murs, qui relate les quelques mois d’hospitalisation d’une jeune fille. Dans une écriture particulièrement maîtrisée et avec une efficacité redoutable, Olivia Tapiero entraîne ses lecteurs dans le long tunnel des pensées de son héroïne, dont le dossier porte la mention « Suicidaire + + + »

La protagoniste de ce roman est hospitalisée pour tentative de suicide. Son plus grand malheur : avoir été sauvée. Sa seule idée : faire une autre tentative. Ainsi, elle se laisse dépérir, s'inflige des blessures, refuse de manger et ne montre aucune volonté de guérison. Ses médecins qui ne savent plus quoi faire décident de la transférer dans un autre hôpital, se consacrant aux cas plus graves. On finit par lui imposer de sévères interdictions jusqu'à ce qu'elle accepte de nouveau de s'alimenter. Las d'être dans cet endroit où elle déteste presque tout le monde, le personnage décide de jouer le jeu des médecins afin d'obtenir son congé, mais au fond d'elle, elle continue de penser au suicide comme une avenue envisageable. Elle quitte l’hôpital sans que le lecteur sache réellement si elle choisira de vivre ou mourir.

Suicide, dégradation corporelle, désir de mort…

J'ai hésité à intégrer ce roman à notre corpus. Cela dit, comme il n'est dit à aucun moment pourquoi le personnage veut à ce point mourir (le lecteur ne pouvant ainsi pas comprendre ses motivations) et que la fin ne présente aucune vraie résolution (celle-ci est ambiguë et laisse planer le doute quant à l'avenir du personnage), j'ai choisi de le conserver. Inexplicablement, le personnage veut être malsaine, prend plaisir à se voir meurtrie et amaigrie. L'idée d'avoir de la nourriture dans son corps lui est insupportable. Bref, pour quelqu'un qui se trouve en pleine santé mentale et physique, cette attitude, qui va à l'encontre de l'instinct de survie naturel de l'être humain, demeure incompréhensible.

Il s'agit ici d'un premier roman. Selon moi, le deuxième qu'a écrit Tapiero est bien plus fort. Les murs est quelque peu répétitif : tout ce qu'on sait, c'est que le personnage veut mourir, s'accroche à cette idée. À un certain moment, les dialogues deviennent prévisibles. Bref, ce n'est pas une lecture très joyeuse, on s'en doute, mais ce n'est pas si mal non plus.

a) rupture actionnelle :

Sous surveillance constante à l’hôpital, le personnage ne peut pas faire grand-chose. Ses journées se ressemblent toutes. En état de grande passivité, elle ne prend pas part au monde. Si son seul vrai désir est de mourir, tout au long du roman, elle ne passera pas à l'action, elle se contentera de se laisser dépérir tranquillement, de se rapprocher de la mort comme elle le peut.

EN fait, on pourrait dire que ce personnage ne présente pas de rupture actionnelle au sens où, même si on ne connaît pas ses motivations, son but est clair : elle cherche volontairement à se déconnecter du monde. Qu'elle soit active ou passive, dépendamment des situations, elle poursuit ce but. Les moyens qu'elle utilise pour oeuvrer à sa déconnexion sont nombreux. Ses deux principales astuces sont les suivantes :

D'abord : tenter de ne rien ressentir. Être affectée lui rappelle qu'elle est vivante, par conséquent, elle tente de rester froide en tout temps, de se ficher de tout, comme si elle était déjà morte, absente du monde. “ta gueule, bordel, retiens-toi, tu es morte, tu es froide. Même pas, tu n'es rien, tu n'es même pas là. Ne ressens rien, tu n'as pas le droit, tais-toi […] (p.23). Sa vie intérieure, cette part d'elle-même incontrôlable d'où proviennent ses sentiments et ses émotions, elle l'appelle son “Monstre”.

Ensuite, pour éviter de s'attacher aux gens qu'elle côtoie (bien qu'elle s'attache tout de même à quelques personnes), elle traite les autres comme s'ils étaient de simple personnages, comme s'ils ne faisaient que remplir des rôles bien définis. Elle refuse d'ailleurs d'utiliser leur prénom. Les docteurs sont appelés seulement par la première lettre de leur prénom, par exemple Dr B., Dr K., Dr G., et les quelques patients qu'elle fréquente sont nommés selon leur trouble : Cancer, L'Anorexique, etc.

“ils sont tous là à un autre niveau. C'est ça, la vraie solitude : non pas être seul sur une île, mais parler une langue étrangère dans une foule. Les personnages, c'est comme ça que je fonctionne, c'est plus facile, on n'affecte pas un personnage, on ne s'y attache pas non plus. Je ne sens rien, tout ce que je fais est insignifiant, inconséquent […]. Tout est calculé, ils ne sont pas des gens et moi non plus, nous sommes tous des rôles, des mots, des notions; je suis la notion de malade, et eux, celles des infirmiers, des médecins, des psychiatres, des professeurs, des amis, des parents. Ils n'ont pas de noms. Je leur dit tous “vous” […] (p. 30).

b) rupture interprétative :

Rien de spécial à signaler.

Roman faiblement configuré. Narration autodiégétique.