1. Propriétés du personnage
Ses caractéristiques physiques :
La première description de Ravel traite davantage de ses vêtements : « Canne pendue à son avant-bras, gants retournés sur le poignet, il a l’air d’un parieur élégant voire d’un propriétaire dans les tribunes du prix de Diane ou au pesage d’Enghien, mais éleveur moins soucieux de son yearling que de se démarquer des jaquettes grises classiques ou des blazers en lin. » (p. 11) « Ses chaussettes en fil et sa pochette en soie, comme toujours, sont heureusement assorties à sa cravate. » (p. 12) Il possède une garde-robe extrêmement fournie et composée avec soins. S’il ne les précède pas, il suit toujours les dernières tendances vestimentaires. Il est très attentif et soigneux sur ce point. Une longue description physique permet ensuite au lecteur de se faire une bonne image du personnage : il a 52 ans, il porte un dentier, « son visage aigu rasé de près dessine avec son long nez mince deux triangles montés perpendiculairement l’un sur l’autre. Regard noir, vif, inquiet, sourcils fournis, cheveux plaqués en arrière et dégageant un front haut, lèvres minces, oreilles décollées sans lobes, teint mat. Distance élégante, simplicité courtoise, politesse glacée, pas forcément bavard, il est un homme sec mais chic, tiré à quatre épingles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il n’a toutefois pas toujours été aussi glabre, il a tout essayé dans sa jeunesse […] À trente-cinq ans, il a rasé tout cela, réduisant du même pas sa chevelure qui, de bouffante, est à jamais devenue stricte et plate et vite blanche. Mais son trait principal est sa taille, dont il souffre et qui fait que sa tête parait un peu trop volumineuse pour son corps. Un mètre soixante et un, quarante-cinq kilogrammes et soixante-seize centimètres de périmètre thoracique, Ravel a le format d’un jockey donc de William Faulkner… » (p. 21-22)
Ses caractéristiques psychologiques :
Ravel est un homme souvent nerveux, qui souffre d’un manque constant de sommeil. Il n’est pas très loquace et semble routinier (il trouve amusant, sur la croisière, de pouvoir reconstituer en pleine mer son ordinaire terrien). C’est un homme qui s’ennuie beaucoup : « Or l’ennui, Ravel connaît bien : associé à la flemme, l’ennui peut le faire jouer au diabolo pendant des heures, surveiller la croissance de ses ongles […] Combiné à l’absence de projets, l’ennui se double aussi souvent d’accès de découragement, de pessimisme et de chagrin… » (p. 65) « Ravel [chez lui] peut avoir fort à faire même s’il n’en fait rien, jusqu’à ce qu’il faille bien finir par aller se coucher. » (p. 31) Il peut chercher le sommeil jusqu’à l’aube sans jamais le trouver, ce qui le rend faible, distrait et sujet à des trous de mémoire. Ce n’est pas dans la nature de Ravel de se lier aux autres personnes spontanément : « S’il a renoncé à la froideur distante de sa jeunesse, il n’est pas devenu pour autant homme à se jeter au cou des gens. » (p. 34) Il a toutefois une disposition d’humeur légère et un penchant à s’amuser d’un rien. Il aime le cinéma, la musique et la lecture. C’est un homme peu croyant. Son commentaire sur sa lecture du journal L’Intransigeant, faute d’avoir trouvé Le Populaire, laisse croire qu’il aurait un point de vue politique de gauche. Hélène lui demande qu’elles sont les nouvelles et il lui répond : «Pas grand-chose […] pas grand-chose. De toute façon, c’est un journal de droite, n’est-ce pas. » (p. 17) Il n’a pas le physique d’un pianiste. Il gouverne son piano avec une paresse dont il ne s’est jamais défait depuis l’enfance. De toute manière, il se « foutrait » de savoir si les gens ont remarqué sa nonchalance au piano. Il sait qu’il est le contraire d’un virtuose, mais il s’en sort très bien. Il est toutefois pointilleux et capricieux sur l’interprétation que l’on fait de ses pièces et il refuse de prendre d’élèves. Il ne veut pas donner à Gershwin les moyens pour viser encore plus haut que son succès universel. Il ne s’en fait toutefois pas avec les commentaires méchants des jeunes compositeurs à son égard, il apprécie leurs œuvres quand même. Son processus de création peut être long. Il parle d’une période de gestation qui peut durer des années, durant lesquelles il ne peut écrire. Il aime les automates et les machines. Il aime regarder une fabrique près de chez lui. C’est de celle-ci qu’il s’inspire pour son Boléro. Il souhaite toujours paraitre impeccable. Sa toilette doit être soignée, il panique lorsqu’il oublie ses chaussures cirées, il met un point d’honneur à ne laisser nul signe de travail dans son bureau, ni crayon, ni papier. Son rapport à sa célébrité semble ambigu. Parfois, il semble l’apprécier (il trouve naturel que ses amis viennent le chercher et ne les remercie pas) et parfois, il semble mal à l’aise. Il trouve ridicule d’assister à l’inauguration de sa propre plaque, il est contrarié lorsque l’on joue pour lui sa composition sur le bateau. Lorsqu’il développe sa maladie dégénérative, il explique que « ses idées, quelles qu’elles soient, lui semblent toujours rester en prison dans son cerveau. » Il souffre de l’apparence dédaigneuse qu’il doit prendre devant ses spectateurs pour éviter que sa maladie ne paraisse. Il n’aime plus que la solitude. Il « se sent plus que jamais hors du monde (p. 112)», « comme s’il n’était pas là, déjà mort (p. 116). » Il est « enterré vivant dans un corps qui ne répond plus à son intelligence, regardant un étranger vivre en lui » (p. 117) « Il est un fantôme toujours aussi bien habillé. » (p. 121)
Ses caractéristiques relationnelles :
Comme je l’ai déjà dit, le personnage ne va pas spontanément vers les gens. Toutefois, il est entouré de plusieurs amis fidèles et de beaucoup d’admirateurs qui lui font un triomphe partout où il va. Il entretient d’importantes amitiés avec, entre autres, Hélène Jourdan-Morhange et Jacques de Zogheb, qui le sauve de l’ennui : « le sentiment de solitude lui serre la gorge plus douloureusement que le nœud de sa cravate à pois. Je ne vois qu’une solution : appeler Zogheb. C’est le 56 à Montfort, pourvu qu’il soit là. Au téléphone, alléluia, Zogheb est là. (p. 66) » Il prend également soin de lui à la fin de sa vie. Il est également entouré de sa gouvernante, Mme Révelot. Le narrateur affirme qu’« on ne sache pas qu’il ait amoureusement aimé, homme ou femme, quiconque. » (p. 84) Il a fait rejeter deux fois ses demandes en mariage et en a rejeté une à son tour. Il ne traite pas souvent d’amour, il pense que « ce sentiment […] ne s’élève jamais au-delà du licencieux. » (p. 85) Le cadre dans lequel il évolue : Ravel vit son histoire de 1927 à 1937. Il voyage beaucoup en Europe à cause de ses tournées. Il visite plusieurs grands hôtels et voyage dans de beaux bateaux et de luxueux trains. Il va une fois en Amérique du Nord. Par contre, sa petite maison se trouve à Montfort-l’Amaury. Il aime retourner où il a grandi, à Saint-Jean-de-Luz : « Les choses s’arrangent toujours quand il revient dans son pays » (p. 106) Il évolue aussi dans l’univers artistique. Il fréquente les soirées mondaines, assiste à des spectacles et à des hommages (pour lui ou pour d’autre). Pourtant, il s’ennuie presque toujours.
Son rôle dans l'action :
Ravel est le personnage central. Le roman est sa biographie. Il saute d’un projet à l’autre et acquiert de plus en plus de gloire et de reconnaissance.
Son discours :
Rien de particulier à souligner. Son discours est souvent rapporté et mis à part lorsqu’il s’emporte et qu’il devient grossier, il s’exprime dans un français standard.
Constante dans son comportement :
Il a l’habitude de fumer beaucoup. Il a toujours de la difficulté à s’endormir, au point de se trouver des techniques qui demeurent inefficaces. Il a besoin de contrôler son apparence, il panique s’il a oublié les bons souliers ou un élément de son complet.
Identité et désignations :
Le narrateur l’appelle toujours Ravel, jamais Maurice, à l’exception d’une fois, alors qu’il s’adresse directement au personnage : « Mais ça marchera beaucoup mieux, Maurice, ça va marcher cent mille fois mieux que La Madelon. » (p. 76)
Passé/hérédité :
On ne connait pas beaucoup de choses sur son passé, seulement qu’il a vécu à Saint-Jean-de-Luz et qu’il en veut parfois à ses parents de ne pas l’avoir mis dans l’alimentation.
Situation, classe sociale, métier :
Il fait partie des compositeurs les plus connus et les plus acclamés. Il fréquente la haute société, mais il ne roule pas sur l’or. Sa situation financière est décrite comme précaire.
Psychologie fixe ou évolutive :
Il a une psychologie évolutive. Il change beaucoup durant le roman. Il a un va-et-vient entre la bonne humeur et le positivisme et le pessimisme et l’ennui. Durant sa maladie, il évolue également, devenant de plus en plus conscient de ses limites.
2. Textualisation des procédés de caractérisation
Focalisation :
La focalisation est externe. Le lecteur ne sait pas ce qui se passe vraiment dans la tête du personnage. Il sait ce que le narrateur sait et veut bien divulguer.
Narration :
La narration est hétérodiégétique, le narrateur ne fait pas partie de l’histoire, bien qu’il se permette quelques commentaires.
Discours :
Le discours est parfois direct, mais sans marque d’oralité comme des guillemets et parfois indirect.
Niveaux de langue :
Le niveau de langue est standard. Il n’a rien de particulier.
Identification :
Le narrateur le nomme par il, Ravel et une seule fois par Marcel. Quand Ravel est accompagné d’ami, le narrateur les désigne par on.
Introduction (première occurrence) :
Ravel est nommé pour la première fois à la page 8, alors qu’il sort de son bain.
Scène de révélation/dissimulation/travestissement, qui mène à une identification normale, fausse, empêchée, différée :
Aucune