FICHE DE LECTURE
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Daniel Canty
Titre : Les États-Unis du vent
Éditeur : La Peuplade
Collection :
Année : 2014
Éditions ultérieures :
Désignation générique : Récit (couverture)
Quatrième de couverture :
« Hisser la manche à air.
Consulter la boussole.
Filer où que le vent le veuille.
Fin 2010. De l’automne tardif au début de l’hiver, Daniel Canty devient chercheur de vent. À bord de la Blue Rider, un vénérable camion bleu de minuit coiffé d’une girouette, il s’abandonne à une dérive entièrement dictée par la fluidité des courants aériens. L’aventure l’emporte des plaines herbeuses du Midwest à Chicago la venteuse, il s’engouffre dans le wind tunnel des Grands Lacs, découvre les cités d’industrie perdue de la rust belt, bifurque par les pastoraux territoires amish vers les forêts de Pennsylvanie, terres d’or noir et de guerre civile.
Entre travelogue et fabulation, Les États-Unis du vent est un livre aux pieds ailés, où transparaît la carte d’une Amérique invisible, nappée par la lumière des révélations. »
Notice biographique de l’auteur : Daniel Canty est l’auteur d’un roman, Wigrum, et le « metteur en livre » de la trilogie La table des matières. Son œuvre protéiforme circule librement entre la littérature et l’édition, le cinéma et le théâtre, les arts visuels et médiatiques et le design. Il vit à Montréal. Il a de nombreux projets.
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre : Daniel Canty devient un naïf et poétique chercheur de vent pour le projet Ventury, une odyssée transfrontière à la poursuite des vents d’Amérique. Durant neuf jours, Canty et son ami Patrick Beaulieu vont parcourir les routes des États-Unis à la poursuite du vent à bord de la Blue Rider, un Ford Ranger bleu minuit coiffé d’une girouette. Au fil des fluctuations météorologiques, l’écriture de Daniel oscille. Les kilomètres parcourus, le sens du vent, les rencontres insoupçonnées, les lieux visités deviennent la matière au récit et aux fabulations de Canty. Ainsi, Les États-Unis du vent est la trace écrite de pensées éparpillées aux quatre vents.
Thème(s) : vent, Amérique, passé, présent,
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive, mais argumentée) du choix : Les États-Unis du vent de Daniel Canty cadre à merveille dans ce projet sur l’encyclopédisme, car il foisonne d’une myriade de références diverses. Ce sont ces « écarts » de la trame narrative qui font avancer le récit.
Appréciation globale : Ce roman m’a laissé quelque peu perplexe. Le projet farfelu Ventury est une superbe trame de fond pour un road novel. Les observations et les pensées de Canty nous font découvrir un aspect plus morne et mélancolique du Midwest américain. Cependant, ce roman est déroutant. On se perd facilement dans les dédales des pensées de Canty et le nombre vertigineux de références en tous genres vient, par moment, alourdir le texte. De plus, l’écriture poétique de cet auteur, quoique pleinement maîtrisée, m’a ennuyée dans certains passages du roman. Il répète fréquemment les mêmes mots dans une phrase. Je peine encore à saisir la première phrase du livre : La rose américaine est une rose est une rose est une ville.
Cote : 1
IV – CONSTRUCTION GÉNÉRALE DE L'OEUVRE
Ce récit se divise en neuf sections, chacune représentant une journée du périple de Canty. Introduites par une page qui indique le sens du vent de cette journée et les villes de départ et d'arrivée de nos deux protagonistes, les sections se subdivisent en plusieurs courts passages d'une à deux pages portant un titre. De plus, Canty utilise la note de bas de page pour préciser certaines de ses références. La note de bas de page est surtout présente dans les deux premiers tiers du roman.
V – ENCYCLOPÉDISME :
Contenu (Types de données imbriquées, à quoi servent-elles dans l'économie générale du roman, dans la construction des personnages, etc.) :
Les données convoquées par Canty dans son récit sont très variées. On retrouve des informations factuelles sur les lieux visités qui sont présentées, à plusieurs reprises, au lecteur par une mention au guide touristique que Canty lit au fil de la route :
(p. 86) : J’ai lu, dans le guide touristique qui nous accompagne, que cette ancienne gare d’Indianapolis a été transformée en en hôtel.13 (…)
13La station centrale d’Indianapolis, inaugurée le 20 septembre 1853, était en fait la première Union Station des États-Unis. Ces terminaux ferroviaires, avec leurs allures palatiales, sont des sortes de parlements populaires, où toutes les classes sociales sont appelées à se croiser. Les parquets des gares sont les hôtes d’une mouvance stochastique, moment de tous les mélanges, précédant au clinamen du départ et à la coupure des reclassifications. Au 20e siècle, Indianapolis serait connue pour sa royauté automobile : ses fabricants de voitures rivalisent avec ceux de Détroit, et la ville où toutes les routes se croisaient deviendrait l’hôte des courses furieuses de l’Indy. Cherchant le repos de la Blue Rider, nous cherchions aussi à rejoindre le silence d’un ancien foyer d’invention civique.
Comme le montre cet exemple, Canty ajoute très souvent une petite pensée personnelle pour clore une note de bas de page. Les références de Canty évoquent certes les lieux visités, mais également la jeunesse de ce dernier. Nombre des informations divulguées au lecteur ont une portée anecdotique. Lorsque Canty se réfère à Hemingway, il ne relate pas la vie de cet auteur, il renoue plutôt avec un sentiment de nostalgie en repensant à son séjour à Paris lorsqu’il vivait à proximité de l’appartement de ce dernier. Seulement, il visitait Paris cinquante années trop tard pour espérer le croiser. De plus, un très grand nombre de références cinématographiques et musicales des années 1980 évoquent la jeunesse de Canty, tout comme les similarités qu’il observe entre les maisons de briques rouges d’Oak Park qui ressemblent à celles de Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, et de sa ville natale Lachine. Tel que Canty l’indique : « Le vent dessine des lacets autour de nos vies. Les choses ont tendance à revenir au point de départ (…) ». (p.154) D’autres informations, qui sont certes factuelles, deviennent des images de l’Amérique. Le meilleur exemple est le chapitre Cavaliers bleus (p.77 à 81) qui retrace l’histoire du Ford Ranger, un emblème américain qui s’avère être le véhicule que Patrick et Daniel ont adopté pour suivre le vent. Cet historique du Ford Ranger motive, inconsciemment, leur quête de l’Amérique, car toutes les routes américaines sont sillonnées par des Ford Ranger.
Je classerais les informations des États-Unis du vent dans trois catégories :
- Données factuelles liées aux endroits visités;
- Références culturelles qui sont source de nostalgie chez Canty (ex. : films et musique de sa jeunesse, lieux de son enfance, etc.);
- Informations qui font philosopher l’auteur sur la portée de son périple (ex. : le symbole américain qu’est le Ford Ranger; le concept de synchronicité de Jung qui mène l’auteur à conclure que des « relations cachées s’infiltrent par tous les trous du temps. » [p.116]; le portrait de l’aviatrice Amelia Earhart qui révèle à Canty que bien des images sont balayées par le vent et tombent dans l’oubli. [p.97 à 103.], etc. );
Forme (narration, comment elles sont intégrées) :
Les références sont intégrées sous plusieurs formes. Canty opte pour la note de bas page qui n’est toutefois pas objective. Même dans les renvois qu’il fait pour préciser une information, il ajoute son grain de sel. Chaque information semble avoir une portée très personnelle pour l’auteur. À d’autres moments, des chapitres entiers sont consacrés à certaines références, comme les exemples du Ford Ranger ou d’Amelia Earhart. Également, certaines informations sont directement intégrées au flux de pensées de Canty, un paysage, une personne lui remémorent un film ou un événement passé. Ces références peuvent confondre le lecteur, mais elles démontrent, à mon sens, la volonté de Canty de reconquérir ces images. De fixer des pensées éparpillées aux quatre vents par écrit, car ces informations définissent l’auteur. Comme Canty l’écrit : « Des mondes attendent, à l’intérieur du monde. Je songe à qui je suis, et ce que je ne sais pas de moi-même, à ce qui en restera sur papier. » (p.227)