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Fiche de lecture : Les Algues, Nicolas Bouyssi

1. Propriétés du personnage

Caractéristiques physiques : Martin, le prénom du personnage principal, qu'on apprend à la page 135, dit faire son âge. On sait qu'il n'est plus jeune, mais qu'il n'est pas très vieux non plus. (p.95) Il dit également que son reflet dans le miroir n'a rien de particulier, malgré qu'il ait de nombreuses douleurs physiques. « Je ne suis pas pâle, je n'ai pas l'air triste, avec des rides bizarres qui me lacèrent les joues et le milieu du cou. Mais j'ai des plaques rouges sur les pommettes et de part et d'autre de mes sourcils; et mes gencives paraissent gonflées. » (p.20) Il a une boucle d'oreille à son lobe gauche. (p.79) Il dit avoir des allergies : « Avoir des allergies est également un bon moyen d'être assuré qu'on continue à vivre et qu'il se passe des choses. Entre autres, on s'examine, et on se met de la crème. On s'aide soi-même à s'entretenir jour après jour. » (p.96)

Caractéristiques psychologiques (psychologie fixe ou évolutive) : Martin est enclin à certaines obsessions, notamment celle de garder près de lui des pantins qui lui servent de femme et d'enfant, puis celle de répertorier sur un fichier de nombreuses informations sur les gens qui gravitent autour de lui. « J'aime bien glaner le maximum d'informations sur les inconnus sans qu'ils le sachent. C'est un moyen de remettre en cause le fonctionnement merdeux et arbitraire de mon cerveau. » (p.23) « Je me répète que le plus urgent est de savoir combien l'hôtel compte d'employés, d'en visiter toutes les parties privées (comme la cuisine, ainsi que l'endroit que la patronne habite), en dernier lieu d'escamoter le registre - de vérifier quel jour le couple et le soldat repartent, et si d'autres gens vont venir ou pas les remplacer. » (p.34) « Il y a toujours trop de vieux souvenirs, trop d'obsessions, et trop de fantasmes dans ce que je fais. » (p.231)

Il lui arrive souvent de n'avoir rien à faire, de flâner dans son lit sans vraiment s'en rendre compte. Il dit « multiplier les gestes sans intérêt. » (p.20) Il dit avoir « peur de rater sa vie ». (p.23) « Il faut aimer l'ennui pour être capable, sans expédients, de supporter la vie quotidiennement. » (p.40) « La proximité d'Élizabeth et de Pierre ne suffit pas à m'apaiser. La conviction de ne rien faire de constructif - de perdre mon temps -, de me répéter de manière inefficace durant mes propres vacances, l'emporte sur tout le reste. L'ennui demeure le même depuis mon arrivée. Je me fais chier. Je ne manque pourtant pas de nouveaux objets autour de moi pour me distraire. Mais ce n'est pas ce que je cherche. » (p.75) Il semble avoir peur de l'ennui, de se rendre compte que sa vie ne sert à rien. Stocker des informations sur les autres semble pour lui une façon de savoir qui il est : « Je ne veux pas que ma vie finisse comme ça. Et je refuse que mon séjour aux Coquillages se borne au compte rendu borné de la routine ou des actions des autres. J'ai un espoir. Car si je comprends ce qui préside au choix de ces broutilles que je stocke sans cesse depuis dix ans sur des carnets et des fichiers informatiques - si je comprends pourquoi je suis revenu ici, après autant d'années, je fais le pari qu'avant le terme de mon séjour j'aurai enfin en main la clé de voûte de ma personnalité. » (p.102)

Il dit se poser toujours trop de questions : « Je serai content le jour où quelque chose se sera produit dans ma vie sans que je me sois posé la moindre question. Mais en même temps, agir sans me poser de questions, même si c'est ce que je vise depuis longtemps, je ne crois pas encore en être capable. » (p.60) Il dit en avoir assez de douter de lui-même, de se remettre en question, de se dire qu'il a tort, d'être secret, timide, de se replier, de croire qu'il est mauvais, d'être jaloux. (p.67) Il dit que la vie des autres le consterne, qu'elle gâche la sienne, que leur « piètre organisation des choses a vidé de sens toutes mes occupations. » (p.67)

Martin se caractérise comme « désorienté », empreint de « culpabilité », « passif », « illogique », et angoissé. (p.99) Il dit être sujet à des « crises d'angoisse », qu'il cherche à « trouver un peu de sens à ce que je fais », mais qu'il n'est « pas doué pour la psychologie. » Il est même « parfaitement nul. » (p.107) Il dit n'assumer rien de ce qu'il dit, être quelqu'un « qui cherche à s'imbiber de son entourage. » (p.179) Il dit ne pas arriver à se débarrasser des ses rituels, de ses habitudes, ne pas parvenir à inventer de nouveaux gestes. (p.191)

Vers la fin du roman, Martin semble totalement empreint de folie. Il va tuer le maire de la ville : « J'ai ce type, en face de moi, que je n'aime pas à cause de sa manière de parler, de s'habiller. Je le déteste et je le méprise depuis que je l'ai vu. Ça n'a même pas duré dix secondes. Il a au coin des lèvres une pointe, un tic aux commissures, qui ressemble à de l'arrogance, et je me dis que c'est lui ou moi. […] J'empoigne le tournevis que j'ai dans la poche extérieure. […] Le premier coup que je lui porte lui fend la joue et une partie du nez. […] Puis il appelle à l'aide, il hurle. Son corps tressaute. […] Mon tournevis reste planté dans le haut de son crâne. » (p.215-216) Martin lave ensuite son cadavre, puis le met dans le lit de l'hôtel de la patronne, elle aussi décédée sans qu'on sache véritablement pourquoi. Il simule un meurtre passionnel entre les deux personnes. Il viendra à ne plus savoir si c'est lui qui a également tué la patronne : « La chronologie de mes actes s'est inversée : je me suis enfui avant d'avoir tué. Cela étant, j'avais prévu que je le ferais. En vérité, sans doute que je ne regrette pas mon crime, puisque l'idée que la patronne ait pu avoir été tuée a suffi à m'exciter. Je ne suis pas quelqu'un de juste : je ne juge pas bien. C'est même l'inverse, et peu m'importe. (p.219) Il vient à imaginer des choses, à se voir comme une victime : « On s'est servi de ma présence à Kernevec'h afin de précipiter les choses. On m'a forcé à mon insu à faire le sale travail. Je suis sous surveillance et sous contrôle depuis mon arrivée. Je suis sans aucun doute un innocent, un simple vacancier et un voyeur […]. » (p.225) Il dit être venu à Kernevec'h pour « être au calme, pour retrouver de vieux souvenirs et oublier [s]a vie à Metz et à la Maxe, et [il] a tenté, dans ce bourg où [il] ne connaissai[t] personne, de faire en sorte qu'on ait de [lui] une image juste et maîtrisée. » (p.226) Finalement, il va mettre le feu à l'hôtel pour effacer toutes traces de son meurtre. « Ça ne me ressemble pas. J'ai l'impression d'être hystérique à force de produire autant de gestes et de mouvements. Je me fais peur. Je ne maîtrise plus rien. » (p.230)

Caractéristiques relationnelles : Il porte beaucoup d'attention à Pierre et Élizabeth, qu'il dit être son fils et sa femme. Toutefois, on se rend rapidement compte que leur relation semble très bizarre, extrêmement fusionnelle, voire malsaine. On finira par apprendre qu'il s'agit en fait de pantins, qu'il démembre avec un tournevis lorsque vient le temps de quitter son hôtel. Le soir, il les serre dans ses bras, se colle auprès d'eux, caresse Élizabeth, lit des histoires à Pierre, le change de couches, le nourrit… « Je décide de […] peigner [Élizabeth], afin qu'ensemble on ait encore un moment calme, où on se sente proches, et qui confirme notre complicité. » (p.127) « Le soir, une fois qu'ils sont couchés, je ne doute jamais, en les regardant, de l'importance de ma journée. Nous sommes au diapason, à l'unisson. À ce degré, c'est de l'osmose, c'est de la fusion. Ils sont parfaits. » (p.218)

Par ailleurs, il agit de manière très étrange avec les inconnus : il souhaite répertorier un maximum d'informations sur eux, sans qu'on sache véritablement la raison de cette obsession. La première impression semble, pour lui, très importante, et il se soucie de ce que les autres pensent de lui : « On m'a appris que moins de dix secondes suffisent au cerveau de l'homme pour se forger une petite idée d'un être ou d'un objet qu'il voit pour la première fois. Et cette idée est conservée quoi qu'on essaye et pense plus tard afin de la corriger. De peur que les autres clients préservent une trace trop malveillante de moi dans leur mémoire, je tâche de privilégier une sorte d'anonymat. J'achève silencieusement mon plat dans mon coin sombre, je ne commande ni dessert ni café. » (p.13) « Je me demande ce qu'au juste il pense de moi, si par exemple la forme de mon visage, ma coupe de cheveux ou mon allure lui inspirent confiance, et ce qu'ils pourrait répondre à la question de l'impression que je leur donne, à lui et à sa femme, maintenant qu'on se recroise quotidiennement. » (p.81) Il semble être au courant qu'il agit mal avec les inconnus : « Au fond, quand on rencontre un inconnu, étant conscient qu'on va produire sur lui une impression, on tente de jouer sur elle, avec plus ou moins d'adresse. Autrement dit, on ne procède pas comme moi. On ne reste pas dans l'ombre, passif, dans le but que l'autre vienne à ne plus savoir ce qu'il doit penser. Et on ne note pas dans des fichiers et des dossiers informatiques indénombrables autant de détails pour éviter le plus possible d'être arbitraire, de se tromper. » (p.177-178)

Martin affirme aussi ne pas aimer être dérangé : « Une condition de mon séjour était que la patronne donne son accord pour que personne n'entre dans ma chambre pendant la semaine. Elle a d'abord voulu savoir pourquoi avec un ton méfiant. Ça ne me plaît pas qu'on me dérange, et encore moins qu'on modifie la place de mes affaires quand je m'absente, même si c'est juste un gant de toilette ou une serviette que j'ai laissé traîner. » (p.22) On saura plus tard que la véritable raison est celle qu'il laisse dans sa chambre Élizabeth et Pierre, et que cela pourrait déclencher des questionnements et des soupçons.

À un moment, il s'intéresse à une femme, la vendeuse d'un magasin. Il dit avoir peut-être « envie d'un moment doux, d'un moment de sexe. » (p.108) Toutefois, cela ne résultera en rien : « Je réfléchis, devant le comptoir, à ce que je vais faire. Ce n'est pas l'envie qui manque de me lancer, de prendre confiance. Je continue de chercher mes mots pour expliquer à la vendeuse que j'aimerais bien qu'on se parle. Mais comme ce genre de choses ne se fait pas, je ne la fais pas. Du coup, je ne fais rien. […] Je tens de l'argent - quelques billets -, puis mes achats à la jeune femme en évitant que nos regards se croisent. Je frôle exprès, pour compenser, la peau de son épaule avant de m'éloigner. Elle est légèrement froide. » (p.26)

Sa solitude est marquée par le fait qu'il aimerait peut-être être malade pour susciter l'attention de son entourage : « C'est vrai qu'être malade, ce pourrait être une solution, car quoi de mieux quand on s'emmerde et qu'on n'a plus de défi à relever, que d'attraper une maladie et d'en parler? C'est un moyen commode de susciter de la compassion au sein de son entourage. » (p.55)

Il semble se sentir différent des autres, de tous ceux qui font des activités, qui s'amusent, qui agissent, qui ne s'ennuient pas : « Le chemin, après la plage, n'est pas facile et plutôt morne. Il ne va pas changer ma vie. Depuis que le vent s'est levé, des grappes de gens s'amusent et guident des cerfs-volants avec des mines conventionnelles. J'en repère d'autres qui se laissent porter par l'aile triangulaire et large de leur kitesurf. Ils on trouvé le moyen d'agir et de contempler de manière simultanée. Ou bien plutôt ils ont trouvé le moyen de rendre active et stimulante leur propre contemplation. » (p.77)

Il côtoie parfois des gens, comme Henri ou la patronne, mais semble rester indifférent à eux et se montre peu intéressé. « Henri ajoute sans que je lui demande en quelle année le cordonnier a pris sa retraire, et où il vit maintenant. Je baisse de plus en plus la tête pendant qu'il me raconte. Mon regard s'enfonce progressivement dans les motifs géométriques de ses chaussons. Il ne cesse pas de parler. Je suis surpris de vérifier, à force de l'écouter, combien certaines personnes racontent leur vie avec aisance, sans se soucier un seul moment de savoir si elle comporte un intérêt pour leur interlocuteur. […] En l'occurrence, sa volubilité tombe bien. Je suis venu à Kernevec'h pour écouter, et je m'efface autant que je le peux, comme si j'étais un figurant de documentaire […] » (p.87-88) Lorsque la serveuse de l'hôtel meurt, il dit essayer « de prendre un air disponible et affecté par ce qui arrive aux autres, par ce qui pourtant ne me regarde pas, n'a pas de raison valable de m'affecter, ni d'empiéter sur ma disponibilité, et dont je n'aurais jamais rien su si je n'étais pas venu ici, pour quelques jours. […] Je serre la main de la patronne. J'emploie le mot condoléances et j'y ajoute le mot navré afin d'être plus crédible. » (p.155-156)

Cadre où il évolue : Martin habite normalement « à la périphérie de Metz, près d'un quartier qui se nomme la Maxe, dans un deux-pièces d'une résidence nouvelle avec parking. » Durant le roman, toutefois, il loge dans un hôtel (Les Coquillages) pendant environ une semaine, à Kevernec'h, en Bretagne, un village qu'il décrit ainsi : le « paysage, qui se réduit de part et d'autre de la départementale à des terre-plein continûment pelés », avec des « prémices d'immeubles de trois ou quatre étages, pour l'heure en construction, que des panneaux d'ordre commercial promettent très confortables et disponibles par lots avant la fin de l'année qui vient de s'écouler. » Le quartier résidentiel est « constitué d'une suite de maisons d'un étage, dont les plus vieilles ont cinquante ans. Elles ont chacune un toit d'ardoises, parfois un nom breton, ainsi qu'un jardin d'herbes et de gravillons cerné de thuyas, jardin qui sert de garage à la plupart des résidents. Presque un cinquième de ces maisons a les volets fermés et le jardin empli de mauvaises herbes. Ensuite, on arrive au centre en tant que tel. Ce n'est guère mieux. […] Beaucoup de boutiques sont en rupture de bail, les vitrines sont badigeonnées de peinture blanche […]. (p.16-18)

Un discours (manière de s'exprimer, contenu véhiculé, niveaux de langue, etc.) : Rien de particulier à signaler.

Une identité (onomastique, désignations) : Je, moi. Il fait part de son nom, Martin, une seule fois dans le roman, lorsque quelqu'un lui demande. (p.135)

Un passé/une hérédité : « Un souvenir, c'est une bonne façon de donner un intérêt à ma journée, et même de la doter d'un but satisfaisant. » (p.43) « Je suis un vacancier qui a du mal à s'occuper et à juger, et je reviens dans un endroit que j'ai déjà vu et visité, duquel j'ai des souvenirs longtemps après. Souvenirs que j'ai parfois encore trop de mal à retrouver et formuler. » (p.96) On sait qu'il y a maintenant dix ans qu'il stocke des informations sur des inconnus, et que Kernevec'h est un endroit où il est allé auparavant, pour une colonie de vacances. Il espère retrouver des souvenirs de cet endroit, sans qu'on sache toutefois pourquoi. Il ne semble pas d'ailleurs le savoir lui-même : « Pour le moment il n'y a que la perspective de comprendre pourquoi je suis revenu à Kernevec'h qui me motive et neutralise mes crises d'angoisse. » (p.107) Les souvenirs dans ses moindres détails ont de l'importance pour lui : « J'espère que dans vingt ans, si je suis vivant, je me souviendrai de ces moments que je viens de passer. J'aimerais me rappeler toutes les formes. J'aimerais me souvenir du moindre vêtement, de ce que je croise, de tout ce qui me permet de juger, puis de nuancer ce que je pense. » (p.210)

Une situation/classe sociale, un métier : Lors de la mort inexpliquée de la serveuse, un jeune gendarme vient chez Martin lui poser des questions sur sa vie. On a toutefois accès aux questions, mais pas aux réponses, ce qui fait qu'on ne sait rien sur sa vie : « Il veut savoir où je suis allé ces derniers jours, ce que je peux dire de la serveuse, quel est le métier que j'exerce pour vivre, et où j'habite pendant l'année. » (p.122) Il mentionne, à un moment, qu'il habite sur la rue de la Marne, « qui se situe non loin de l'endroit où il travaille. » (p.141) On ne saura toutefois jamais de quel emploi il s'agit.

2. Textualisation des procédés de caractérisation

Focalisation (point de vue, restriction de champ, intériorité) :

Narration : Autodiégétique

Discours (direct, indirect, indirect libre) : Interne, sans toutefois que cela permettre au lecteur de comprendre l'intériorité du personnage principal, d'expliquer ses actions et ses états d'âme.

Niveaux de langue (régionalismes, accents, aspects populaires, jargon, argot) : Standard, littéraire.

Identification directe (nom propre, descriptions définies)/indirecte (selon ses actions, émotions) : Je, moi.

Introduction (première occurrence) : Il s'agit surtout de parler d'Élizabeth et Pierre, qu'on ne soupçonne pas pour l'instant d'être des pantins, puis de parler de l'hôtel les Coquillages et des personnes qui y gravitent.

ranx/les_algues_exercice_de_poetique_marie-andree.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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