Le jeu de l'épave
Quatrième de couverture
« - Tu n'as pas d'inspiration parce que tu ne fais jamais rien d'inspirant, commence-t-elle avec son petit ton de mère supérieure fraîchement déviergée. Il ne s'agit pas d'aller rendre hommage à cet imbécile d'Escobar, mais bien de découvrir des lieux étranges et mystérieux qui ont vu se dérouler des drames humains qui dépassent de très loin ton enfance malheureuse et ta jeunesse délurée. Après ça, tu pourras faire cracher ta Mont-Blanc sans avoir l'impression de piétiner sur place dans tes souvenirs de merde. Elle est comme ça, Sanguita : toute en nuances, et délicate comme un tronc d'arbre. »
Ce roman est un rendez-vous avec l'impasse. Un écrivain en quarantaine, dévoré par le syndrome de la fuite, écorché par les faux brillants de la vie, se lance dans un voyage au bout de sa nuit, une folle virée au Mexique pour tenter d'écrire un roman sur Port-Au-Prince, avec en poche quelques milliers de dollars et trois chemises. Il s'accroche à une écriture vérité, fébrile jusqu'è la névrose, à la fois incapable de le sauver du pire et en même temps capable de le faire descendre au plus profond de lui-même. Laissant passer une impitoyable poésie de noir racontée pourtant avec une salutaire dose d'humour, le romanesque atteint des accents si aigus de sensibilité et de lucidité qu'il bouleverse les conventions de la fiction : tout le monde sait que la réalité est bien pire que la fiction.
Justification
Le narrateur, qui porte le nom de l'auteur, est un écrivain qui tente désespérément d'écrire un roman et dont le résultat serait le livre que nous tenons entre nos mains (mise en abyme ou autofiction?). Or, peu d'actions viennent ponctuer le roman qui serait plutôt « une réflexion sur le rien », « une mise en scène du rien ». (Lettres québécoises, n° 119 (2005), http://id.erudit.org/iderudit/37128ac) Une des activités favorites du narrateur consiste d'ailleurs à faire l'épave au bord de la mer, à l'endroit où viennent se briser les vagues, pouvant ainsi sentir la vie, le chaos de l'eau et de la terre qui se rencontrent sans même avoir à bouger le petit doigt. Qui plus est, le motif de la vague rappelle la vision de l'écriture du narrateur qui serait « un mouvement de va-et-vient répété, de plus en plus rapide, [où] le récit va dégouliner peu à peu sur la feuille blanche ». La fin du roman accentue encore cette idée de vide, du rien, alors que le narrateur affirme, après avoir rendu le manuscrit du texte que nous lisons : « Maintenant que l'impossible a été fait, je pourrai peut-être commencer à écrire quelque chose » (p. 134), comme si le texte qui vient d'être composé ne représentait rien.