Table des matières
FICHE DE LECTURE
I- MÉTADONNÉES ET PARATEXTE
Auteur : Modiano, Patrick
Titre : L'horizon
Éditeur : Gallimard
Collection : Blanche
Année : 2010
Éditions ultérieures :
Désignation générique : roman (couverture)
Quatrième de couverture :
«Il suivait la Dieffenbachstrasse. Une averse tombait, une averse d'été dont la violence s'atténuait à mesure qu'il marchait en s'abritant sous les arbres. Longtemps, il avait pensé que Margaret était morte. Il n'y a pas de raison, non, il n'y a pas de raison. Même l'année de nos naissances à tous les deux, quand cette ville, vue du ciel, n'était plus qu'un amas de décombres, des lilas fleurissaient parmi les ruines, au fond des jardins.»
II- CONTENU GÉNÉRAL
Résumé de l’œuvre :
Bosmans se rappelle une période de son passé, quarante ans plus tôt, pendant laquelle il fréquentait une jeune femme, Margaret Le Coz, qu'il avait rencontrée par hasard. Les deux avaient en commun de se sentir pourchassés, l'une par un certain Boyaval, obsédé par elle, l'autre par sa mère et l'amant de celle-ci, qui lui réclamaient agressivement de l'argent lorsqu'ils le retrouvaient. Margaret, qui demeurait énigmatique et un peu distante, enchaînait les petits boulots (gouvernante, secrétaire) et les villes (Berlin où elle est née, Lausanne, Annecy, Paris), tandis que Bosmans travaillait dans une maison d'édition/librairie ésotérique peu active et peu achalandée. Le temps de quelques mois, les deux personnages ont partagé leur solitude dans une sorte de “présent éternel” où le futur et les objectifs semblaient importer peu. Margaret est ensuite sortie de la vie de Bosmans comme elle y était entrée, en coup de vent, après quelques mois. Malgré l'apparente obsession du narrateur pour le passé, le titre du roman, “L'horizon”, indique que l'avenir y a tout de même une certaine importance en tant qu'espoir: “au moins, avec le doute, il demeure encore une forme d’espoir, une ligne de fuite vers l’horizon. On se dit que le temps n’a peut-être pas achevé son travail de destruction et qu’il y aura encore des rendez-vous.” Justement, alors qu'il repense à Margaret à la fin du roman, Bosmans s'apprête à la retrouver dans la capitale allemande, “comme deux aiguilles se rejoignent sur le cadran quand il est midi” (p. 171).
Thème(s) : Ville, solitude, temps, amour.
III – JUSTIFICATION DE LA SÉLECTION
Explication (intuitive mais argumentée) du choix :
Appréciation globale :
IV – TYPE DE RUPTURE
Validation du cas au point de vue de la rupture
a) actionnelle :
Margaret et Bosmans vivent dans une sorte de “présent éternel”: ils n'ont pas vraiment d'objectif à court ni à long terme, peu de responsabilités (Bosmans se soucie peu du sort de la librairie ; Margaret cherche un emploi, n'importe lequel, s'attache peu) . « Ils n’avaient décidément ni l’un ni l’autre aucune assise dans la vie. Aucune famille. Aucun recours. Des gens de rien. Parfois, cela lui donnait un léger sentiment de vertige. » (p. 72). Ils montrent la plupart une sorte d'indifférence, de désinvolture (parfois proche de la rêverie romantique, même), un désengagement qui semble ne les mener nulle part ailleurs que dans un passé soit à oublier, soit à retrouver.
Il est pratiquement impossible pour Bosmans et Margaret de remplir les rôles traditionnels de la société : « Une fois, par distraction, ils avaient failli perdre Peter dans l’allée du lac. Pourtant, ils avaient déjà l’âge d’être des parents.» (p. 159). Ce décalage dont souffrent (sans vraiment en souffrir) Bosmans et Margaret se développe notamment en opposition à la rigueur de monsieur et madame Ferne, chez qui Margaret est gouvernante. ”[C]e qui l’avait frappé chez les Ferne, c’était la totale confiance qu’apparemment ils éprouvaient pour leurs qualités intellectuelles et morales, cette sûreté de soi dont il aurait bien voulu qu’ils lui donnent le secret.” (p. 78) Les Ferne vivent dans le présent, agissent en fonction d'un futur bien précis et sont donc, certes, excessivement terre à terre et ternes (!), mais pétris de confiance. Quant à Bosmans et Margaret, l'absence de responsabilité et l'incapacité de se projeter dans le futur leur donnent l'« impression désagréable de marcher souvent sur du sable mouvant » (p.78).
En ce qui concerne le peu de preuves d'affection des personnages, c'est encore là assez courant chez Modiano, mais cela demeure déstabilisant qu'un roman qui décrit, au fond une vieille histoire d'amour, ne fasse pas mention de sentiment amoureux. Je ne trouve pas vraiment d'autre explication que celle qu'il s'agit simplement d'une marque de commerce de l'auteur… Ou bien est-ce là un autre signe que Bosmans n'agit pas en fonction de quelque chose (comme l'amour), mais plutôt qu'il agit, tout simplement ? Il est Margaret parce qu'il se sent bien avec Margaret. Point. Peut-être…
V – SPÉCIFICITÉS POÉTIQUES
Comme je l'ai mentionné dans le résumé du roman, Bosmans, comme bien des personnages de Modiano, vit davantage dans le passé que dans le futur et son présent se crée à peu près uniquement en fonction d'un passé envahissant: “Est-on vraiment sûr que les paroles que se sont échangées deux personnes lors de leur première rencontre se soient dissipées dans le néant, comme si elles n’avaient jamais été prononcées? ”. L'horizon constitue principalement une suite de souvenirs n'ayant pas toujours de liens entre eux, mais occupant presque tout l'espace du présent. Bosmans n'organise pas ses souvenirs de façon téléologique, il les laissent surgir au gré des stimuli provenant du présent. Bref, pour lui qui peine à se projeter dans le futur, la perpétuelle réminiscence agit comme une sorte de refuge où la peur et l'indéfini (“Je n’ai pas de courage. Je préfère que les choses restent dans le vague.” (p. 143) remplace la confiance et l'exactitude.