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ranx:l_horizon_-_ancienne_fiche

Notice bibliographique : MODIANO, Patrick, L'horizon, Paris, Gallimard, 2010, 172 p.

Résumé de l’œuvre :

Bosmans se rappelle une période de son passé, quarante ans plus tôt, pendant laquelle il fréquentait une jeune femme, Margaret Le Coz, qu'il avait rencontrée par hasard. Les deux avaient en commun de se sentir pourchassés, l'une par un certain Boyaval, obsédé par elle, l'autre par sa mère et l'amant de celle-ci, qui lui réclamaient agressivement de l'argent lorsqu'ils le retrouvaient. Margaret, qui demeurait énigmatique et un peu distante, enchaînait les petits boulots (gouvernante, secrétaire) et les villes (Berlin où elle est née, Lausanne, Annecy, Paris), tandis que Bosmans travaillait dans une maison d'édition/librairie ésotérique peu active et peu achalandée. Le temps de quelques mois, les deux personnages ont partagé leur solitude dans une sorte de “présent éternel” où le futur et les objectifs semblaient importer peu. Margaret est ensuite sortie de la vie de Bosmans comme elle y était entrée, en coup de vent, après quelques mois. Malgré l'apparente obsession du narrateur pour le passé, le titre du roman, “L'horizon”, indique que l'avenir y a tout de même une certaine importance en tant qu'espoir: “au moins, avec le doute, il demeure encore une forme d’espoir, une ligne de fuite vers l’horizon. On se dit que le temps n’a peut-être pas achevé son travail de destruction et qu’il y aura encore des rendez-vous.” Justement, alors qu'il repense à Margaret à la fin du roman, Bosmans s'apprête à la retrouver dans la capitale allemande, “comme deux aiguilles se rejoignent sur le cadran quand il est midi” (p. 171).

Narration : hétérodiégétique, extradiégétique

Explication : La narration est, pendant la majeure partie du roman, focalisée sur Bosmans qui retrouvent et revit des séquences de son passé. Toutefois, entre les pages 88 et 126, on suit plutôt Margaret à l'époque où elle habitant Lausanne et Annecy. La focalisation revient ensuite sur Bosmans qui reprend sa petite archéologie personnelle jusqu'à se rendre à Berlin où il a retrouvé la trace de Margaret.

Personnage(s) en rupture : Jean Bosmans et Margaret Le Coz
A) Nature de la rupture : actionnelle et interprétative

Explication : Margaret et Bosmans vivent dans une sorte de “présent éternel”: ils n'ont pas vraiment d'objectif ni à court ni à long terme, peu de responsabilités (Bosmans se soucie peu du sort de la librairie ; Margaret cherche un emploi, n'importe lequel, s'attache peu) . « Ils n’avaient décidément ni l’un ni l’autre aucune assise dans la vie. Aucune famille. Aucun recours. Des gens de rien. Parfois, cela lui donnait un léger sentiment de vertige. » (p. 72). Par conséquent, leur interprétation du monde reflète cette désinvolture, ce désengagement qui semble ne les mener nulle part ailleurs que dans un passé soit à oublier, soit à retrouver.

B) Origine de la rupture : actorielle

Explication : Il est pratiquement impossible pour Bosmans et Margaret de remplir les rôles traditionnels de la société : « Une fois, par distraction, ils avaient failli perdre Peter dans l’allée du lac. Pourtant, ils avaient déjà l’âge d’être des parents.» (p. 159). Ce décalage dont souffrent (sans vraiment en souffrir) Bosmans et Margaret se développe notamment en opposition à la rigueur de monsieur et madame Ferne, chez qui Margaret est gouvernante. “[C]e qui l’avait frappé chez les Ferne, c’était la totale confiance qu’apparemment ils éprouvaient pour leurs qualités intellectuelles et morales, cette sûreté de soi dont il aurait bien voulu qu’ils lui donnent le secret.” (p. 78) Les Ferne vivent dans le présent, agissent en fonction d'un futur bien précis et sont donc, certes, excessivement terre à terre et ternes (!), mais pétris de confiance. Quant à Bosmans et Margaret, l'absence de responsabilité et l'incapacité de se projeter dans le futur leur donnent l'« impression désagréable de marcher souvent sur du sable mouvant » (p.78).

C) Manifestations : sensorielles, mémorielles

Explication : Comme je l'ai mentionné dans le résumé du roman, Bosmans, comme bien des personnages de Modiano, vit davantage dans le passé que dans le futur et son présent se crée à peu près uniquement en fonction d'un passé envahissant: “Est-on vraiment sûr que les paroles que se sont échangées deux personnes lors de leur première rencontre se soient dissipées dans le néant, comme si elles n’avaient jamais été prononcées? ”. L'horizon constitue principalement une suite de souvenirs n'ayant pas toujours de liens entre eux, mais occupant presque tout l'espace du présent. Bosmans n'organise pas ses souvenirs de façon téléologique, il les laissent surgir au gré des stimuli provenant du présent. Bref, pour lui qui peine à se projeter dans le futur, la perpétuelle réminiscence agit comme une sorte de refuge où la peur et l'indéfini (“Je n’ai pas de courage. Je préfère que les choses restent dans le vague.” (p. 143) remplace la confiance et l'exactitude.

D) Objets : futur mis de côté, quasi-absence d'affects

Explication : Pour le futur mis de côté, j'en ai déjà parlé dans toutes les sections précédentes, je crois. En ce qui concerne le peu de preuves d'affection, c'est encore là assez courant chez Modiano, mais cela demeure déstabilisant qu'un roman qui décrit, au fond une vieille histoire d'amour, ne fasse pas mention de sentiment amoureux. Je ne trouve pas vraiment d'autre explication que celle qu'il s'agit simplement d'une marque de commerce de l'auteur… Ou bien est-ce là un autre signe que Bosmans n'agit pas en fonction de quelque chose (comme l'amour), mais plutôt qu'il agit, tout simplement ? Il est Margaret parce qu'il se sent bien avec Margaret. Point. Peut-être…

E) Manifestations spatiales : ...

Lieux représentés : Pas de lieux précis, mais la ville comme un labyrinthe qui permet de ramener les souvenirs au jour: “Il avait toujours imaginé qu’il pourrait retrouver au fond de certains quartiers les personnes qu’il avait rencontrées dans sa jeunesse, avec leur âge et leur allure d’autrefois. Ils y menaient une vie parallèle, à l’abri du temps… (…) Pour les atteindre, il fallait connaître des passages cachés à travers les immeubles, des rues qui semblaient à première vue des impasses et qui n’étaient pas mentionnées sur le plan. En rêve, il savait comment y accéder à partir de telle station de métro précise. Mais au réveil, il n’éprouvait pas le besoin de vérifier dans le Paris réel. Ou plutôt, il n’osait pas.”

ranx/l_horizon_-_ancienne_fiche.txt · Dernière modification : 2018/02/15 13:57 de 127.0.0.1

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