Wiki – Laboratoire Ex situ / René Audet

L'oeuvre raconte la vie de Nicolas, surnommé Kolia, né en 1937 dans un goulag. Il est le fils d'une joueuse de piano qui a été envoyée dans un camp de travail. Elle tombe enceinte, suite à un viol commis par un fonctionnaire. Kolia est privilégié malgré tout puisqu'il peut être élevé par sa mère, du moins jusqu'à ce que celle-ci décède alors qu'il est âgé de six ans. Iossif, un homme le prend ensuite sous son aile, par pure bonté, et lui apprend à lire et à survivre dans le camp. Kolia sort des camps à seize ans lorsque Staline meurt. Il se rend à Moscou et perd la trace de son bienfaiteur. Il reçoit ses papiers officiels, travaille dans les égoûts puis rencontre Pavel, un clown, qui l'initie au cirque. Parallèlement à sa vie de clown (blanc), il est pick-pocket, non pas tellement pour voler les gens que par amour pour l'art de l'illusion et de la dissimulation. Il quitte le cirque et s'installe avec Bounine, un autre clown, retraité celui-là. Il va être emprisonné, à tort, parce qu'on le croit coupable du meurtre de plusieurs enfants et de femmes. Grâce aux contacts de Bounine, il est relâché. Il va s'occuper de la fille anorexique de Pavel, Macha, avec qu'il va vivre lorsque Bounine décède. Il va être arrêter une seconde fois à cause des vols qu'il a commis, puis il sera emprisonné dans un camp de travail (la Zona). On le relâche un an plus tard, puis il décide de retrouver la trace de Iossif, du moins l'endroit où il a été enterré. Le livre se termine lorsqu'il retrouve la tombe de Iossif, sur laquelle il se recueille et trouve une paix nouvelle et inconnue jusqu'alors.

hétérodiégétique, intradiégétique (mais pas d'analyse psychologique du personnage, ou si peu) À noter : la rapidité avec laquelle on dépeint la vie de Kolia. Le récit est bref (quelques deux cent pages) et il y a peu de description. Les événements se suivent rapidement.

Kolia (Nicolas)

Explication : Le personnage est considéré comme marginal à cause de son expérience des camps de travail qui a laissé sur lui l'empreinte indélébile de l'horreur. Plusieurs moments du récit témoignent de cette perception décalée des autres sur Kolia. On dit fréquemment qu'il possède «une drôle de gueule» (p. 69-70), même quand son objectif est d'avoir l'air avenant et sympathique. Il a aussi l'air plus vieux que son âge (on pense qu'il a trente ans, alors qu'il en a vingt-quatre). Son côté taciturne le rend difficile à saisir : «Un homme étrange, taciturne, né au mauvais endroit de mauvais parents, un peu connu dans son ordre, mais suspect quand même.» (p. 134) Il fait physiquement peur (notamment aux enfants). Son ami, Pavel, lui suggère de ne pas rire, parce qu'il suscite la frousse («Tu ne devrais pas rire, toi, ça fait peur.» (p. 76)). Il suscite une méfiance générale : «Au début de son apprentissage, les autres s'étaient méfiés de lui, naturellement. On disait qu'il traînait un passé louche, qu'il avait fait les camps. Son visage sans maquillage faisait peur aux enfants qui ne le connaissaient pas.» La perception qu'il a de lui-même aussi est faussée. Il se perçoit comme un monstre et évite de se regarder dans un miroir : «L'image que le miroir lui renvoyait depuis qu'il avait vu Pavel se détruire et fondre, […] cette image, donc, échappait à la réalité. Mais ça, il n'en avait aucune idée. Il avait son reflet en horreur, même si son visage n'avait rien de repoussant. Cette image qui ne lui ressemblait pas l'obséda pour un temps.» (p. 107-108). Puis, lorsqu'il revient blessé d'un interrogatoire policier, il constate que son image reflète dorénavant mieux la vision qu'il avait de lui-même : «il découvrit dans le miroir une gueule de monstre. Et, pour la première fois peut-être depuis la mort de Pavel, l'image renvoyée correspondait exactement à la réalité. Son visage était d'une laideur parfaite.» (p. 132-133). Il y a un problème d'adéquation entre la perception des autres personnages et celle de Kolia, de même qu'entre la perception de Kolia et la réalité. C'est donc dire à quel point le personnage est décalé et insaisissable à l'intérieur de la digégèse, de même que pour le lecteur.

Explication : Sur le plan de la diégèse, on peut dire que le personnage expérimente plusieurs ruptures avec le monde ambiant. D'abord, ses origines (goulag) font de lui un être taciturne et difficile à cerner. On le craint aussi parce que ses origines sont douteuses. De plus, il devient un artiste, ce qui revient à dire qu'il occupe une position de marginal au sein de la société. Qui plus est, il est artiste-clown en URSS (qui deviendra la Russie au fil du récit) dans un milieu autoritaire (sur le plan politique) et austère (sur les plans socio-économiques).

Explication : Le personnage est relativement passif dans la mesure où il n'est pas habité par une volonté ferme de poser des actions. Les événements qui surviennent au fil du récit sont presque tous liés au hasard (presque : sauf l'enquête, à la fin, qu'il mène pour retrouver Iossif). Les opportunités de travail lui tombent dessus. Cette impression de passivité du personnage est renforcée par la narration qui est menée de façon extérieure. L'écriture est rudimentaire et neutre (écriture blanche). On n'entre donc pas dans la psychologie du personnage, de sorte qu'il est difficile de cerner ses ambitions, ses désirs. L'austérité du personnage et de son milieu n'en est que plus prégnante.

Explication : La perception de soi du personnage est erronée. Il se perçoit comme un monstre, à tort (du moins jusqu'à ce qu'il est défiguré par un policier). La réalité perçu et la réalité tangible ne corresponde pas parfaitement, selon lui.

Explication : Le fait que l'on n'ait pas accès aux affects du personnage et que sa psychologie soit très peu développée accentue la froideur du personnage. Le lecteur n'a pas accès à ses perceptions, ou si peu. Il demeure énigmatique.

Lieux représentés : goulag, la Zona (sorte de camp de travail pour les prisonniers) Remarques : Très peu de description des lieux