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Notice bibliographique : André Carpentier, Gésu Retard, Montréal, Boréal, 1999, 254 p.
Résumé de l’œuvre :
Gésu Retard (c'est son nom !) est une sorte de marginal, tête en l'air, mais inoffensif qui se promène, affublé d'une érection permanente, sur le Plateau Mont-Royal. Le plus souvent, il erre à vélo avec un casque et des lunettes d'aviateur de la Première Guerre mondiale, ainsi qu'un gros sifflet de marin accroché au cou, afin de se faire reconnaître de son père, un matelot qu'il n'a jamais connu. Ancien spécialiste en canulars, Gésu est aussi passionné par les haïkus et fait partie du réseau Spek, « mouvement poétique international dont la vocation consiste à épier la banalité coutumière, autour de soi et en soi, et d'en témoigner par des haïkus diffusés anonymement auprès de membres locaux du Réseau ». C'est justement par l'intermédiaire de ce réseau de haïkus que Washington Desnombres, un éminent mathématicien de Chicago, s'amène chez Gésu pour y habiter. Toutefois, le mystérieux Desnombres disparaît rapidement en laissant derrière lui une ébauche de chasse au trésor, ce qui pousse Gésu à enquêter au mieux de ses capacités… Il est cependant troublé par l'arrivée de la magnifique femme de Desnombres qui vient tenter mollement de retrouver son mari. Gésu finit par être mis en état d'arrestation (il faut dire qu'il ne se disculpe pas très efficacement) et accusé d'être la cause de la disparition du mathématicien. Grâce à divers indices plus qu'énigmatiques, Gésu réussit enfin à indiquer à la police où se trouve le cadavre de Desnombres et part ensuite pour Québec en laissant entrevoir confusément le début d'une renaissance à travers une réconciliation avec son passé familial tourmenté.
Narration : autodiégétique
Explication : À l'exception du “Liminaire”, écrit à la première personne par Tino Mongras , un ami de Gésu qui affirme publier dix ans plus tard les textes que celui-ci lui a envoyés, le roman est divisé en 17 “dictées” dans lesquelles Gésu raconte à la première personne ses péripéties.
Personnage(s) en rupture : Gésu
A) Nature de la rupture : j'ai envie de dire : complète
Explication : Tino Mongras, dans le Liminaire, le décrit ainsi: “Gésu Retard était un être diffus, plutôt imprévisible, chez qui tout paraissait extrême, un fou de randonnée à bicyclette, un fouineur qui effrayait les enfants et attirait sur lui la suspicion plutôt que l'affection, un itinérant de coeur, un marginal par la force des choses ; seul toujours parce que trop épuisant pour les autres et trop éreinté par tous pour frayer. Pour si asocial qu'il fût, cependant, il n'en fréquenta pas moins, et avec ferveur, le méandre des rues, des parcs et des places. Il vécut parmi tous, bien qu'à l'écart de chacun, seul avec ce qu'il aimait. Pour lui, vivre en société comptait autant comme cela importait peu.
Gésu se décrit lui-même ainsi: « Ils ont dû me prendre pour ce que je suis, un de ces hippies d’autrefois qui ont cru à un monde meilleur et qu’ils méprisent tant, ou pour ce que je ne suis pas, un de ces artistes diplômés qui tournent autour de ce spectacle qui les dispense d’assumer eux-mêmes leur révolte, et ils m’ont renvoyé une seconde fois, comme on éconduit un grand frère agaçant. (112) ».
B) Origine de la rupture : actorielle
Explication : Gésu Retard ne raconte pas l'évolution de Gésu vers la rupture, au contraire, dès le début du roman, Gésu est déjà un marginal et ne le deviendra ni plus ni moins au courant du récit, même si, vers la fin, il semble renouer d'une manière nébuleuse avec ses origines. Tout ça pour dire qu'on ne connaît pas vraiment l'origine exacte de la rupture du personnage, mais que celle-ci est manifeste et provient sûrement de lui-même et de son irrépressible volonté de singularité. Bref, comme le dit Mongras, il est simplement un de “ces originaux et détraqués, comme il s'en trouve aux abords de tous les quartiers latins du monde, ces solitaires qui ne pensent ni ne font rien comme la majorité” (10-11).
C) Manifestations : cognitive
Explication : J'ai écrit “cognitive” afin d'être le plus général possible, tout simplement parce que ce qui est le plus évident quand on regarde évoluer Gésu, c'est qu'il ne pense pas comme les autres gens, c'est-à-dire normalement. De par son esprit décalé, il est donc en rupture quasi perpétuelle avec le reste du monde. Par exemple, il se consacre depuis plusieurs années à une encyclopédie des bruits quotidiens de la vie occidentale, qui le pousse à enregistrer divers sons qu'il joints à des photos. Oeuvre inachevée et inachevable, il la mène pourtant avec une énergie surprenante.
Gésu a également besoin de noter tout ce qu'il fait et tout ce qui lui arrive (d'où les dictées), car, selon ses dires, sa mémoire est incapable d'enregistrer des informations plus d'une journée ou deux.
D) Objets : ...
Explication :
E) Manifestations spatiales : lieux décalés
Lieux représentés : les rues du Plateau Mont-Royal et l'appartement de Gésu Explication : Lorsqu'il erre dans les rues du Plateau, Gésu est un marginal, il se tient “à l'écart au milieu” des gens (213). Quand il se trouve dans son appartement, cependant, il est dans son élément. Il possède d'ailleurs plusieurs mannequins qu'il se plaît à disposer dans différentes positions, comme pour se recréer son propre univers. Petite citation amusante à propos de son appartement: « entrer chez moi, c’est comme qui dirait avoir accès aux arcanes d’un lapsus et se rendre compte que sous le ridicule gît tout un monde animé, décroché du nombre mais vivant, qui attend juste d’être reconnu comme existant. » (140)