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 ===== Chapitre V : La linguistique discursive ===== ===== Chapitre V : La linguistique discursive =====
 +Ce chapitre est consacré à Émile Benveniste. Selon Dion, Benveniste fut à l’origine de trois grandes révolutions en linguistique : « Ces bouleversements profonds furent liés, premièrement, à la mise au jour des catégories formelles de l’énonciation; deuxièmement, à celle de la distinction entre le discours et l’histoire; troisièmement, à l’introduction de la dichotomie sémiotique/sémantique, qui n’est pas sans effet sur la dyade saussurienne traditionnelle langue/parole. » (p. 206)
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 +Il semble que les théories de Benveniste aient constitué un appel à la littérature, en proposant notamment une distinction entre l’énonciation parlée et l’énonciation écrite. Cet appel, selon Dion, a été entendu par les écrivains du célèbre Communication #8 : « Dans le numéro de la revue Communications consacré à L’Analyse structurale du récit (1966, 1981), la problématique de l’énonciation n’est pas évoquée que par Barthes. Todorov et Genette y font aussi allusion. S’appuyant sur l’article de Benveniste consacré à la «Subjectivité dans le langage», Todorov dinstingue la parole-énoncé de la parole-énonciation, insistant sur la subjectivité et la performativité de cette dernière pour en faire un mode du discours et l’assimiler à la narration (1981, p. 151). Genette ne procède pas autrement quand il définit la subjectivité [...] » (p. 213)
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 +Pour Benveniste, c’est l’énonciation qui est l’acte producteur du récit : « Considérée, théoriquement, comme l’acte producteur du récit, l’énonciation est, pratiquement, traitée comme un processus réalisé, dont il s’agit d’observer les traces encore perceptibles. Du coup, elle prend place à côté d’autres phénomènes textuels tels que l’aspect et le temps du récit, comme si elle se situait sur le même plan que ces phénomènes. » (p. 213)
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 +Dion souligne un paradoxe : Si les structuralistes se sont intéressés par la linguistique discursive de Benveniste, ils n’ont toutefois pas participé à son développement : « Ainsi, la linguistique discursive, dont l’intérêt pour les structuralistes était certain, n’a pas été développée par ces derniers. Il est sûr que les considérations sur l’énonciation discursive ne rejoignaient pas directement les structuralistes, préoccupés davantage de l’énonciation de type historique. » (p. 214)
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 +Pour Dion, la narratologie genettienne est largement redevable des travaux de Benveniste. C’est la dichotomie énonciation discursive/énonciation historique de Benveniste qui inspire celle du discours/histoire : « Le modèle genettien calque exactement celui de Benveniste, à cette différence près qu’il substitue le terme «récit» à celui d’«histoire». S’attardant à quelques exemples littéraires, Genette note la très subtile intrication dans le texte d’éléments relevant de l’histoire et du discours, posant là les jalons d’une étude qui sera fort pratiquée, assez rentable, et qui mènera progressivement à la narratologie. » (p.218)
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 +En bref, pour Dion, le structuralisme est redevable à Benveniste principalement parce qu’il a relevé l’importance de la problématique de l’énonciation : « En soi, le repérage des marques de la subjectivité et des traces de l’énonciation discursive ou historique, ainsi que la mise au jour de l’opposition sémiotique/sémantique, visent un même but; toutes ces découvertes convergent vers la même révélation: celle de l’importance considérable, en linguistique générale comme en littérature, de la problématique de l’énonciation. » (p. 227)
  
 ===== Chapitre VI : Postérité du structuralisme ===== ===== Chapitre VI : Postérité du structuralisme =====
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 +Pour Dion, les trois principaux héritiers du structuralisme littéraire en France sont la narratologie, la pragmatique et la sémiotique. 
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 +Dion revient sur l’apport de Benveniste, qui a constitué en quelque sorte le point de jonction entre le structuralisme et la narratologie, la pragmatique et la sémiotique. Selon Dion, « Benveniste a été à l’origine d’une prise de conscience des limites de la linguistique saussurienne. » (p. 234) Aussi, sa distinction histoire/discours apparaît comme étant capitale dans la constitution de la narratologie et sa notion d’énonciation énoncée fonde, pour une part, la spécificité de la sémiotique. Dion affirme également que ses travaux sur l’analyse conversationnelle ont ouvert la porte à l’analyse pragmatique. 
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 +**Comment la narratologie constitue une sorte de prolongement du structuralisme :**  « La narratologie se trouve à prolonger le structuralisme, mais elle ne le recouvre pas tout à fait. Elle ne traite que d’un secteur de la poétique: celui qui concerne l’analyse du récit comme discours, c’est-à-dire «comme mode de «représentation» des histoires, opposé aux modes non narratifs comme le dramatique, et sans doute quelques autres hors-littérature» (Genette, 1983, p. 12). Les histoires ne sont jamais données à lire directement. Elles ont besoin de la médiation d’une instance énonciatrice, d’une instance narrative, dans le cas du récit. Comme le signalait Genette dans Nouveau discours du récit - corrigeant là une assertion imprudente glissée dans «Frontières du récit» -, le récit est une forme au sein de laquelle les marques de l’énonciation ne peuvent être que provisoirement et partiellement suspendues. Cela est vrai pour tout récit, même pour ceux qui semblent «se raconter tout seuls.». » (p. 237)
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 +Il semble également que Benveniste ait contribué à la fortune de la théorie du signe saussurienne au dépend de la théorie du signe peircienne en France : « Chez Benveniste, se rencontre une binarisme saussurien, qui ne pouvait aisément intégrer le triadisme peircien. Dans l’article consacré à la «Sémiologie de la langue» (1974), Benveniste s’attarde longuement à la «semeiotic» peircienne. Il y présente Peirce et Saussure tels deux génies antithétiques; et il reconnaît aux théories du premier le mérite de l’ambition et de l’universalité. Toutefois, en ce qui a trait plus particulièrement à la langue, Peirce ne formulerait, selon Benveniste, rien de précis ou de spécifique. » (p. 241)
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 +Dion défend le structuralisme en rejetant l’idée de sa mort. Selon lui, le structuralisme a contribué au développement des théories sémiotique : « « Bien que les structuralistes n’aient pas véritablement lancé une sémiotique de l’énonciation, celle-ci doit beaucoup à la pensée structurale. C’est en adjoignant l’étude de l’énonciation à celle du texte réalisé que la sémiotique a pu mettre en place l’ensemble du dispositif théorique et méthodologique qu’elle avait inauguré en déployant une conception générative de la signification discursive. Bref, la sémiotique a fait fructifier une partie de l’héritage structuraliste. Contrairement aux préjugés concernant la mort du structuralisme, celui-ci ne s’est pas perdu corps et bien: il s’est, en quelque sorte, transsubstantialisé. » (p. 246)
 +**
 +Conclusion partielle :** Dion parle du structuralisme non pas en tant que théorie ou méthode, mais plutôt en tant qu’épistémè : « Partout l’épistémè structuraliste pousse ses ramures. La sémiotique et la narratologie en procèdent; le poststructuralisme déconstructionniste, en s’en démarquant résolument, en asserte aussi l’emprise. La difficulté, aujourd’hui, c’est précisément de penser la notion de système. [...] Ceci dit, il est important de constater à quel point la sémiotique peircienne a envahi l’aire théorique française. Il semble bien que le signe triadique apparaisse aujourd’hui comme une bonne réponse à la relative sclérose qui frappe une sémiotique française essentiellement fondée sur le binarisme du signe saussurien. Parce que le signe peircien n’est pas linguistique et qu’il est, en quelque sorte, premier, il ne se prête peut-être pas à l’analyse des textes littéraires; cependant, du fait qu’il renvoie, en définitive, au monde des objets, à l’habitude, aux conventions sociales, il pourrait fort bien contribuer à l’élaboration d’une étude de la «vie» des textes au sein de la vie sociale, réalisant ainsi, par certains côtés, le projet saussurien. Sans doute évoquons-nous là des recherches à venir. »
  
 ===== Conclusion ===== ===== Conclusion =====
  
 +Dion conclut que le structuralisme s’est érigé sur les bases d’un fantasme, celui de comprendre les processus d’engendrement du sens : «Il apparaît donc que, comme phantasme, le structuralisme s’est vécu comme une étude du procès de signification. Comme phantasme, cependant, puisque l’examen des analyses structuralistes montre que la plupart d’entre elles ne constituent à tout prendre qu’une dissection consciencieuse des oeuvres analysées et une mise au jour de structure régissant un sens manifesté à caractère statique. [...] En tant que recherche des structures immanentes au même titre que comme formulation de modèles, le structuralisme est une discipline statique : il dévoile des structures fixes, achevées; il propose des modèles de description synthétiques. Le structuralisme travaille, pour ainsi dire, dans un monde de significations achevées. » (p. 252)
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 +En définitive, Dion souhaite montrer que les travaux d’aujourd’hui, principalement les disciplines sémiotiques, sont tributaires des travaux structuralistes. C’était le but du livre que de montrer qu’il ne s’agit pas là uniquement de rupture, mais aussi de continuité : « Dévoiler les processus de la régulation discursive : tel est donc, aujourd’hui, le projet formé par les sémiologues. Sur ce nouveau consensus, continuent de s’affiner ce qu’on peut appeler les disciplines sémiotiques. Dans ces pages, nous avons tenté d’indiquer à quel point ce projet est enraciné dans la tradition structuraliste littéraire : la poétique structurale, en effet, ne se présente-t-elle pas comme une tentative de dévoiler la syntaxe narrative qui régit la totalité des discours et dont les règles sont peut-être aussi rigides et incontournables que celles de la syntaxe grammaticale ? La sémantique n’est-elle pas toute contenue dans l’étude des processus qui président à l’avènement du sens ? **Il est grand temps, croyons-nous, de réhabiliter un structuralisme littéraire qu’on ne tend plus guère à concevoir, aujourd’hui, que comme une pratique stérile et stérilisante, utopique et néfaste. Il n’est plus possible, au nom d’un soi-disant retour au sujet, à l’empirisme critique et à son corollaire, l’impressionnisme, de faire l’impasse sur une aventure intellectuelle qui, souterrainement, continue de l’insinuer dans la plupart de nos pratiques.
 + Que notre étude soit donc, de surcroît, un plaidoyer en ce sens.** »
ranx/fiche.1257348430.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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