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ranx:de_l_autre_cote_du_brouillard

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Objectif de l'ouvrage

“la critique, dans son ensemble, soucieuse plutôt de son propre édifice, a cessé, depuis un certain temps, d'interroger les oeuvres et, ce qui n'est que l'envers de la médaille, d'interroger le monde. Le présent essai, prenant appui sur sept romans français publiés dans les années quatre-vingt-dix, tente de restaurer la critique littéraire dans son rôle essentiel: dévoiler ce qui nous émerveille et nous sidère dans les romans aimés ; déchirer le voile narcissique du monde ; nous amener, finalement, de l'autre côté du brouillard: là où seul l'art du roman peut nous éclairer.” (4e de couverture)

En fait, tout au long de l'essai, l'auteur cherche les causes profondes (existentielles, philosophiques, même) qui peuvent expliquer le roman contemporain et, à l'inverse, comment le roman contemporain rend à son tour compte du monde. Les éléments que je retiendrai ne seront pas en lien direct avec le personnage déconnecté, mais seront plutôt des pistes de réflexion.

Abstrait vs concret

“Les romanciers d'hier, à savoir du monde qui existait encore il y a vingt ans, dirait Muray [auteur de On ferme (1997), que Proguidis examine], avaient devant eux une belle aventure: sauver la vie concrète, l'arracher à la bouche des dragons de l'abstrait. Dragons nommés romantisme, kitsch bourgeois, idylle sociale, idéologie… que sais-je ? C'était toujours à travers tel ou tel roman qu'on comprenant quel dragon avait été touché et même terrassé. Et si ces dragons s'étaient maintenant éclipsés ? Non parce que le concret a triomphé, mais parce que la société, toute la société est engloutie dans l'abstraction ?” (18)

“le romancier n'a plus un ennemi - ni plusieurs, d'ailleurs. Finis les adversaires. En face de lui, personne ! Il n'y a plus de monde. Il écrit dans le “non-monde”.” (19)

Toujours en parlant de On ferme de Philippe Muray: “le monde les pourchasse [les personnages de ce roman]. De fête en abstraction et d'événement culturel en spectacle “toutes-les-couleurs”, l'homme s'évapore. On ferme est l'histoire de cette évaporation. La transformation continue du monde et de l'homme en substance indiscernable, aérienne, fuyante. On ferme est le roman de l'homme qui saute, en définitive, en dehors de l'expérience.” (21) Proguidis conclut cette partie en précisant que les personnages de On ferme glissent entre les mains de Muray: “fait unique dans l'histoire du roman, [ils] ont d'eux-mêmes choisi l'abstraction.” (21)

Désir et personnage

Proguidis reprend en partie la structure triangulaire du désir élaborée par René Girard dans Mensonge romantique et vérité romanesque (1961): héros (Don Quichotte), médiateur (Amadis) et objet du désir (la dame adorée). Une fois ce modèle transposé dans le réel, on arrive au triangle: lecteur de romans, héros romanesque et objet du désir. Comme le héros imite son modèle, le médiateur, le lecteur désire toujours à travers le désir d'un autre, celui du héros.
Toutefois, ces deux schémas ne seraient valables qu'à une condition capitale: “qu'il y ait une distance variable mais réelle, entre le médiateur et l'objet du désir”. (24) En somme, “il y aura toujours des rapports nouveaux à explorer entre l'homme [le personnage] et l'objet de son désir (des nouveaux romans à écrire) tant que l'objet du désir rayonne et tant que la distance entre celui-ci et le personnage romanesque existe réellement. En d'autres termes, et en suivant toujours le modèle triangulaire girardien, le roman n'est possible que si un personnage (notre médiateur) apparaît avec pour but de nous faire sentir et mesurer cette distance. Que va-t-il se passer, alors, le jour où on proclamera que cette distance n'a plus de sens ? Comment s'incarneront et comment vont donc vivre les personnages pour qui le désir n'est pas interdit - mis à distance par la religion, la morale ou les impératifs politiques et idéologiques - mais tout bonnement supprimé, effacé. […] Peut-on écrire un roman en fermant les vannes du roman, en convoquant le personnage pour qu'il saute hors de son histoire, pour qu'il trahisse sa propre constitution ?” (25)

Dans On ferme, justement, l'objet du désir se dérobe sans fin. Tous les ponts (entre les différents personnages et l'objet de leur désir respectif) sont coupés. Ne reste qu'une pulsion en soi, sans objet, un désir du désir qui s'autoconsume. Mais ne pourrait-on pas interpréter la rupture (actionnelle, surtout?) de nombreux personnages déconnectés sous cet angle, en imaginant le résultat inverse ? Plutôt qu'un désir sans objet, un objet sans désir ? Simple hypothèse.

ranx/de_l_autre_cote_du_brouillard.1373474311.txt.gz · Dernière modification : 2018/02/15 13:56 (modification externe)

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