Fiche de lecture : Document 1
1. Propriétés du personnage
Caractéristiques physiques :
Tess : « Je ne dis pas ça pour faire ma fraîche, mais j'ai un look qui plaît aux intellos et aux artistes. Je suis plutôt anguleuse et j'ai l'air bête » (p. 54). 32 ans, 5 pieds 4 pouces, cheveux et yeux bruns, Verseau, pas de seins (p. 46).
Jude : 32 ans, yeux et cheveux bruns, Capricorne (p.115)
Caractéristiques psychologiques (psychologie fixe ou évolutive) :
Tess et Jude, bien qu'ils se trouvent trop insignifiants pour même mériter des qualificatifs (« les adjectifs qualificatifs n'auraient été crées que pour désigner une poignée de personnes, les cas extrêmes. On les emploie par commodité, ou par paresse, mais si on se donne la peine d'y réfléchir, on se rend vite compte que la grande majorité des gens à qui on les applique ne les méritent pas. » (p. 10), sont malheureux, du moins selon Tess. Jude, lui, pense qu'ils ont bien des croûtes à manger pour pouvoir prétendre au malheur. Jamais ni un ni l'autre n'ont eu l'intention de faire quoi que ce soit : « Velléitaire, ça veut dire que tu as l'intention de faire quelque chose, mais que tu branles dans le manche; eh bien je peux te jurer qu'on a jamais eu la moindre velléité. » (p. 37) et leur simple survie suffit à épuiser leur énergie et à dépasser leur quota de prises de décisions quotidienne (p. 25). Le moindre imprévu est pour eux une énorme source de drame.
Tess : psychologie évolutive (?) : elle passe de la complète indifférence à la détermination de mener le projet de roman à terme : « comme tous les gens sans colonne vertébrale, je ne prends quasiment jamais de décision, mais les rares fois où ça m'arrive, je m'y cramponne contre vents et marées, et même contre le gros bon sens. » (p. 78)
Jude : ne s'exprime que très peu, mais tout de même, il se porte volontaire pour travailler afin de ramasser plus vite de l'argent pour le voyage (p. 104) (même s'il n'en fera rien) et accepte de prendre des responsabilités pour adopter Steve.
En effet, la psychologie des personnages change assez considérablement quand Steve le chien entre en scène : ils prennent des responsabilités, pensent aux besoins d'«autrui». Même si c'est ce changement qui mène à l'échec de leur projet de voyage, je crois qu'on peut parler d'évolution. (Je ne peux m'empêcher de noter ici le rôle décisif dans l'intrigue du camion qui frappe le chien; il rappelle de manière frappante le camion de goudron qui aplati le narrateur de Une vie inutile…)
Caractéristiques relationnelles :
Tess et Jude ne font qu'un (p. 74) (plutôt à la manière de doubles qu'à la manière d'âmes sœurs (p. 94, ils sont même considérés comme un seul personnage par Tess). Le personnage de Tess semble asexué : « Moi, même ronde comme une barrique, je ne passe jamais proche de trouver qui que ce soit excitant. » (Tess, p. 10); Jude, lui, tombe amoureux aux quinze jours; en ce moment, il est secrètement amoureux d'une fille au manteau blanc (qu'il ne voit que de loin) (p. 115)
Ils semblent éviter les autres au maximum. Ils fréquentent assez peu de gens, ce qu'ils perçoivent comme une corvée en général : leur voisin, insignifiant, lourd, pénible, qu'ils ignorent la plupart du temps; Sébastien Daoust, écrivain amoureux de Tess qui leur prête son nom pour qu'ils touchent une bourse du Conseil des Arts;
Cadre où il évolue : Tess et Jude vivent dans un appartement à Grand-Mère, juste à côté de l'école Laflèche, qui leur coûte 425$ par mois. Ils ne sortent jamais de leur ville, vont du dépanneur au bar, en passant par le Subway où travaille Tess. Tout ce qui compose leur univers est précisément nommé (les noms des lieux, des marques, des gens, etc.).
Tess (tout comme le Normand de Simon Paquet) a une dette au Ministère de l'Éducation pour des études qui, visiblement, ne lui servent pas.
Un discours (manière de s'exprimer, contenu véhiculé, niveaux de langue, etc.) : Registre familier, parsemé de tournures littéraires ou archaïques (sur un ton humoristique, « diantre », « que nenni », etc.). Leurs discours est empreint de cynisme (lucidité?). Apostrophes très fréquentes et familières au lecteur ( tu sais, tu, on, etc.)
Une identité (onomastique, désignations) : Ne sont désignés que par leurs prénoms.
Un passé/une hérédité : Tess fait brièvement mention de ses parents (elle vivait, enfant, avec sa mère et sa soeur, son père les ayant abandonnées assez tôt; sa mère a un nouveau conjoint) et du père de Jude (qui s'y connaît en voitures et qui levait le nez sur le bulletin de son fils, qui en a gardé un mauvais souvenir (p. 131).
Une situation/classe sociale, un métier : Tess travaille 25 heures par semaine (pas plus) au Subway (« celui en face du Pétro » (p. 28)) pour 9,90$ de l'heure. Jude, lui, est prestataire d'aide sociale et fait pas grand-chose.
2. Textualisation des procédés de caractérisation
Focalisation (point de vue, restriction de champ, intériorité) : Point de vue de Tess et de Jude; focalisation interne.
Narration : Autodiégétique, partagée entre Tess et Jude
Discours (direct, indirect, indirect libre) : Direct
Niveaux de langue (régionalismes, accents, aspects populaires, jargon, argot) : Populaire, avec quelques régionalismes, ton familier.
Identification directe (nom propre, descriptions définies)/indirecte (selon ses actions, émotions) :
Directe; Tess se présente en bonne et due forme (selon les instructions de Marc Fisher) à la page 27 et grâce à un questionnaire (dont on n'a que les réponses (!)), questionnaire repris aussi par Jude.
Introduction (première occurrence) :
Première occurrence : « Ce n'est pas pour faire mon intéressante, mais je pense que Jude et moi on est malheureux. »
Présentation « officielle » de Tess : « Je m'appelle Tess, j'ai trente-deux ans et j'habite à Grand-Mère avec Jude, à qui je laisse le soin de se présenter lui-même quand ce sera son tour d'écrire. Là, il faudrait que je dise ce que je fais dans la vie.» (p. 27)