Viart, Dominique, « L’exacte syntaxe de votre douleur : la grande guerre dans la littérature contemporaine », in Robert Pickering & Catherine Rioux (eds), Écrire la guerre, Clermont Ferrand, Éditions Universitaires de Clermont Ferrand, 2000, p. 463-474.
Rouaud, Japrisot, Barbarant, Bergounioux, Germain, Millet,
Depuis une dizaine d’années, une « jeune littérature » ( ?) sollicite de nouveau la Première Guerre mondiale. Le fait qu’on constate l’absence singulière de ce thème durant les deux décennies précédantes s’explique par le textualisme des Nouveaux Romanciers, qui refusaient au réel l’entrée dans le texte. Le réel, le sujet et le récit reviennent quand même une dizaine d’années avant qu’on commence à écrire sur La Grande Guerre. Ces récits font leur apparition massive sur la scène littéraire en 1989-1990, date de la chute du Mur de Berlin qui sanctionne l’effondrement des grands méta-récits de légitimation. Aussi les écrivains en question sont nés entre 1949 et 1954, et donc ne recoivent que l’information transmise par la génération précédente (aucune ou très peu). C’est donc la question de l’héritage qui s’active chez ces écrivains. La relation active entre ces textes et la filiation en est symptomatique. Aussi hérite-on le soupçon que les sciences humaines ont contribué à porter sur toutes les formes de savoir et de représentation. Se méfiant des discours, les écrivains s’appuient sur des documents, des objets, etc. L’individu et l’expérience personnelle sont priviligiés, mais on sait tous que l’individu déforme ce qu’il a vécu. On peut donc rapprocher ces livres des « biographies fictives » qui se multiplient aujourd’hui. « Mais surtout, et c’est là l’extraordinaire pari de cette littérature contemporaine : alors même qu’elle ne cesse de faire l’expérience du soupçon, elle est une littérature de la confiance à l’autre. » (p. 474)